Le Livre de Josué se divise aisément en deux parties, suivies de trois conclusions (ch. 22, 23 et 24) :
1. La conquête du pays (ch. 1 — 12). Après un chapitre d'introduction (ch. 1), Josué envoie des espions à Jéricho ; ils reçoivent l'hospitalité de Rahab. Les Israélites traversent le Jourdain à la hauteur de Jéricho et campent au Guilgal (ch. 3 — 4) où l'on procède à une circoncision et à une première célébration de la Pâque en terre cananéenne (ch. 5). En Palestine centrale, la conquête commence par la prise de Jéricho (ch. 6), puis par celle de Aï (ch. 8), au cours de laquelle se découvre le péché d'Akân (ch. 7). Josué fait ensuite alliance avec les Gabaonites (ch. 9), ce qui entraîne une coalition dirigée par le roi de Jérusalem contre Israël et la bataille de Gabaon (ch. 10). En Palestine du nord, Israël doit faire face à une nouvelle coalition conduite par le roi de Haçor, dont la ville sera incendiée par les Israélites (ch. 11). Un tableau au ch. 12 récapitule la liste des villes conquises.
2. La répartition territoriale entre les douze tribus (ch. 13 — 19), à laquelle on peut adjoindre les énumérations des villes de refuge (ch. 20) et des villes lévitiques (ch. 21).
3. Conclusions : les tribus transjordaniennes qui ont participé à la conquête (Jos 1.12-16) sont renvoyées par Josué dans leur héritage au-delà du Jourdain (Jos 22.1-6). Sur cette première conclusion se greffe l'épisode de l'érection d'un autel par ces tribus, occasion d'un accord solennel entre les douze tribus (Jos 22.7-34).
Le ch. 23 constitue le testament de Josué, successeur de Moïse. Doublet apparent du précédent, le ch. 24 nous présente l'alliance conclue par Josué à Sichem.
Un personnage domine l'ensemble des récits, Josué, fils de Noun, un Ephraïmite (Nb 13.8,16); son nom signifie : « Le Seigneur sauve » ; à l'époque du Nouveau Testament, il est transcrit « Jésus » pour les Juifs de langue grecque (voir He 4.8), et les premiers chrétiens feront le rapprochement entre l'activité de Jésus comme sauveur et celle de Josué conduisant le peuple de Dieu vers la terre du repos. Le Livre de Josué, souvent considéré comme le livre de la conquête de Canaan par les tribus, ne peut se lire comme un procès-verbal rapportant point par point les étapes de l'installation d'Israël sur sa terre. Certes, les récits reflètent des traditions anciennes, mais la vision, proposée par le livre, d'une conquête totale de Canaan par la ligue des tribus ne tient pas devant la recherche historique. Les Cananéens, bien loin d'être tous exterminés par Josué, se maintinrent dans les plaines, et les Israélites durent souvent cohabiter avec eux (voir Jos 15.63 ; 16.10 ; 17.12,18). Canaan ne fut véritablement conquis que sous le règne de David (Xe s.). Il importe donc de reconnaître que la formation du livre s'est étalée sur plusieurs siècles. Ce n'est qu'à partir du IXe s. que des récits ont été regroupés pour aboutir peu à peu à notre livre actuel. Ainsi les ch. 2 — 8 proviennent surtout de traditions benjaminites conservées au sanctuaire de Guilgal ; les ch. 9 — 10 sont liés à la région de Gabaon tandis que le ch. 11 rapporte des batailles entreprises dans le nord du pays. Plus qu'à l'aspect militaire, qui demeure important, on sera sensible à la dimension liturgique des textes. Ainsi la traversée du Jourdain (ch. 3 — 4) avec la présence de l'arche, qui fait pendant à la traversée de la mer des Joncs, constitue une entrée processionnelle en terre promise.
Sur la base de ces récits d'origine variée, une relecture a été faite par un ou plusieurs rédacteurs deutéronomistes qui méditent l'histoire passée d'Israël à la lumière des expériences récentes (VIe s.). Cette méditation s'observe dans les grands discours des ch. 1 et 23, mais aussi dans les nombreuses retouches apportées à l'œuvre précédente. La conquête est alors présentée comme le fait de « tout Israël » (voir Jos 10.28-39).
Soucieux de la fidélité d'Israël à l'égard de l'alliance et instruits par une expérience déjà longue, ces rédacteurs insistent sur l'extermination des peuples qui habitent Canaan et sur la nécessité de les vouer à l'interdit (Jos 6.17 ; 11.12,14). Cette mesure qui peut nous choquer est plus théorique que réelle; elle est soulignée à une époque tardive alors qu'Israël a déjà été tenté par l'idolâtrie et n'a plus les moyens d'une telle pratique.
Plus positivement, la deuxième partie du livre (ch. 13 — 19) porte sur le pays que Dieu a promis aux ancêtres du peuple; beaucoup moins soumise au travail d'édition deutéronomique, elle comporte un tracé de frontières et des listes de villes pour chacune des douze tribus d'Israël ; on a là de précieux documents dont certains peuvent être fort anciens.
Au-delà de la rédaction deutéronomique, on peut reconnaître une intervention des milieux sacerdotaux dans la facture du Livre de Josué, par exemple la mention de la Pâque en 5.10 ou celle du prêtre Eléazar ou de son fils Pinhas (Jos 14.1 ; 19.51 ; 21.1 ; 22.13,30,32).
Si l'on tient compte de ce long travail rédactionnel, on saura mieux ce qu'il faut attendre du point de vue historique du Livre de Josué. Il ne fait aucun doute que la présentation actuelle de la conquête sous la conduite du seul Josué procède d'une systématisation qui ne doit pas nous empêcher de percevoir une vision plus complexe de l'installation des tribus grâce à une comparaison des textes bibliques eux-mêmes.
Pour appuyer cette histoire, on a souvent invoqué le témoignage archéologique. En effet, les fouilles menées sur les sites de villes anciennes attestent parfois des destructions violentes qui ont eu lieu entre le Bronze Récent qui s'achève vers 1200 et la période du Fer. En considérant que l'entrée des Israélites en Canaan s'est faite vers 1230, on a été tenté de leur attribuer ces destructions alors que d'autres groupes humains en sont peut-être responsables. Dans ces conditions, l'argument archéologique est difficile à manier. Ainsi à Jéricho, les résultats archéologiques se sont révélés fort décevants en ce qui concerne la fin du Bronze Récent. Le récit de Jos 6 se présente plus comme une liturgie guerrière que comme un rapport circonstancié sur l'investissement de la ville.
Plus encore que Josué, le personnage central du livre est la terre promise. Ce qui était l'objet de la promesse dans le Pentateuque trouve ici sa réalisation. Pour cette raison, certains sont allés jusqu'à parler d'Hexateuque. La Terre est le lieu de la fidélité de Dieu envers son peuple et du peuple envers son Dieu. Gage de l'alliance entre Dieu et Israël, elle n'est cependant pas un symbole inanimé, mais invitation vivante et pressante à l'homme de rencontrer le créé pour le sanctifier. L'occupation de Canaan et son partage cadastral entre les fils d'Israël accomplissent la promesse patriarcale renouvelée par Dieu à Moïse. On ne doit donc pas se laisser arrêter par la sécheresse des énumérations topographiques, mais épouser la joie du rédacteur qui détaille l'héritage donné par Dieu aux tribus.
Le Livre de Josué affirme que la Terre est à la fois donnée et toujours à conquérir. Il y a là une tension, jamais levée, entre le présent et l'avenir, qui est constitutive de l'existence du peuple de Dieu.
1 Il arriva qu'après la mort de Moïse, le serviteur du Seigneur, le Seigneur dit à l'auxiliaire de Moïse, Josué, fils de Noun : [Moïse, serviteur du Seigneur Ex 14.31 ; Nb 12.7-8 ; Dt 34.5 ; Jos 1.2,7, etc. ;Jos 8.31 ; 9.24, etc. ; Ne 1.7 ; 1 Ch 6.34 ; 2 Ch 1.3 ; 24.9 ; He 3.5. — Josué, auxiliaire de Moïse Ex 24.13 ; 33.11 ; Nb 11.28.]
10 Alors Josué donna cet ordre aux scribes du peuple :