Le lecteur moderne risque d'être déconcerté par l'Epître de Jude dont la mentalité lui apparaît étrangère.
Cette épître met en garde contre des faux docteurs dont il est difficile de se faire une idée exacte. Le portrait des adversaires comporte des traits conventionnels, clichés de la littérature polémique du judaïsme contemporain de l'ère chrétienne: ces gens sont gloutons, débauchés, cupides, intéressés... Ils sont accusés d'introduire des scissions dans l'Eglise, d'insulter les anges, de renier le Seigneur Jésus Christ.
Le milieu de l'auteur apparaît en étroite connexion avec les cercles qui, depuis le IIe siècle avant notre ère, ont vu s'élaborer la littérature apocalyptique et ont transmis des œuvres comme le livre d'Hénoch, l'Assomption de Moïse, les Testaments des Douze Patriarches. L'auteur cite même textuellement un passage du livre d'Hénoch (Jud 14-15) et utilise soit l'Assomption de Moïse elle-même, soit un document similaire (Jud 9).
Ce milieu donne également une grande importance à la vénération de certaines catégories angéliques (Jud 8). Toutefois la vénération de l'auteur pour les anges ne fait pas tort à sa christologie, puisqu'il confesse contre ses adversaires « le Seigneur Jésus Christ » (Jud 4) ; Jésus est celui en qui il faut placer son attente pour la vie éternelle (Jud 21).
C'est dans une ligne apocalyptique que se situe aussi la prédication de l'épître sur le jugement des impies. Le châtiment viendra inexorablement; il est déjà préfiguré dans la condamnation des anges coupables, la punition de Sodome et de Gomorrhe, l'extermination au désert des générations incrédules. On remarquera la mentalité typologique qu'impliquent ces exemples. Les impies apparaissent déjà châtiés par les grandes condamnations d'autrefois ; l'auteur va jusqu'à dire qu'ils ont péri dans la révolte de Coré (Jud 11). Le présent est déjà annoncé et contenu dans le passé. C'est une manière d'affirmer que les modes d'agir de Dieu restent identiques, et que l'Ecriture demeure pour le présent une norme toujours valable.
L'auteur de l'épître se présente comme étant Jude, frère de Jacques. Mais est-ce bien lui qui a écrit cette lettre ? En effet, certaines indications de l'épître apparaissent post-apostoliques (au v. 3 il est question de la foi transmise aux saints et surtout, au v. 17, de l'enseignement des apôtres qui semblent appartenir en bloc au passé) ; l'auteur doit donc plutôt se réclamer des enseignements de Jude, frère du Seigneur. On pourrait envisager comme date pour l'épître les années 80-90.
L'Epître de Jude, malgré son caractère particulier, a été réutilisée par la seconde épître de Pierre (voir l'introduction de cette épître) : elle devait donc jouir d'une certaine notoriété. Son admission dans le canon a cependant fait difficulté, surtout dans les Eglises de Syrie. Au IVe siècle, Eusèbe signale que certains la contestent. Elle a néanmoins été acceptée très tôt à Rome, à Alexandrie et à Carthage. D'après Jérôme (né vers 345 et mort vers 420), les réticences qui entouraient la lettre étaient dues aux emprunts qu'elle fait à des écrits non reconnus par les Eglises.
1 Jude, serviteur de Jésus Christ, frère de Jacques, à ceux qui sont appelés, qui sont aimés de Dieu le Père et gardés pour Jésus Christ. [Jacques Ac 15.13.]
3 Mes amis, alors que je désirais vivement vous écrire au sujet du salut qui nous concerne tous, je me suis vu forcé de le faire afin de vous encourager à combattre pour la foi qui a été transmise aux saints définitivement. [encouragement à combattre 1 Tm 1.18.
— saints : voir Rm 1.7 et la note.]
— des individus infiltrés parmi vous Ga 2.4.
— inscrit à l'avance Ps 69.29 ; 139.16 ; voir Dn 7.10.]
5 Je veux vous rappeler, bien que vous sachiez tout définitivement, que le Seigneur, après avoir sauvé son peuple du pays d'Egypte, a fait périr ensuite ceux qui s'étaient montrés incrédules. [tout savoir définitivement 1 Jn 2.20.
— le Seigneur : appellation de Dieu, comme dans l'A. T. grec ; mais certains manuscrits lisent ici Jésus.
— rappel 2 P 1.12.
— le peuple sauvé d'Egypte Ex 12.51.
— mort des incrédules Nb 14.29-30,35 ; 1 Co 10.5.]
— gardés pour le jugement 2 P 2.9.]
— Sodome et Gomorrhe Gn 19.4-25 ; 2 P 2.6 ; voir Mt 10.15.]
— les Gloires : une catégorie d'êtres célestes.]
— l'archange Michaël Dn 10.13,21 ; 12.1 ; Ap 12.7.
— pas de jugement insultant 2 P 2.11.
— Que le Seigneur... Za 3.2.]
— Balaam Nb 22.5 ; 31.16 ; 2 P 2.15 ; Ap 2.14.
— la révolte de Coré Nb 16.19-35.]
— ils se gavent sans pudeur Ez 34.8 ; voir 1 Co 11.21.
— emportés par le vent Ep 4.14.]
— réservés aux ténèbres 2 P 2.17.]
16 Ce sont bien eux ! Des gens de hargne et de rogne, qui sont menés par leurs passions ; leur bouche profère des énormités, et ils ne considèrent les personnes qu'en fonction de leur intérêt. [Dn 11.36 (grec).]
17 Quant à vous, mes amis, souvenez-vous des paroles que vous ont dites à l'avance les apôtres de notre Seigneur Jésus Christ. [Rappel du message des apôtres 2 P 3.2.]
24 A celui qui peut vous garder de toute chute et vous faire tenir sans tache devant sa gloire dans l'allégresse, [Ph 1.10 ; 1 Th 5.23.]
— Dieu Sauveur 1 Tm 1.1.]