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Vigouroux – Lamentations 1

Lamentations de Jérémie

Introduction

Les lamentations portent en hébreu le nom de ‘êkâh, « comment », par lequel elles commencement et qui semble avoir été comme une sorte de terme consacré pour le début d’une élégie. Les Septante substituèrent à ce mot initial, comme ils l’avaient fait pour le Pentateuque, un titre plus significatif, et les désignèrent sous threnoï. Notre dénomination, les Lamentations, n’est que la traduction du grec. C’était un vieil usage de faire des élégies sur la mort des personnes aimées ; il fut étendu aux malheurs publics. Jérémie déplora dans ses Lamentations la ruine de Jérusalem et du temple, comme il avait déploré auparavant la mort de Josias.

Les Lamentations se composent de cinq petits poèmes ou élégies distinctes, correspondant aux cinq chapitres de la Vulgate.

Les quatre premiers chapitres sont des pièces alphabétiques, c’est-à-dire que chaque verset commence par une des lettres de l’alphabet hébreu dans le texte original. La troisième élégie a cela de particulier, que la lettre initiale caractéristique reparaît trois fois, ce qui a fait diviser le 3e chapitre en 66 versets au lieu de 22, qu’on compte dans les deux premiers. La cinquième élégie n’est pas alphabétique, mais elle se compose également de 22 versets.

Peu de livres ont obtenu aussi efficacement que les Lamentations de Jérémie le but que s’était proposé leur auteur. Que d’infortunés ont trouvé dans l’expression des douleurs du Prophète un adoucissement à leurs propres douleurs ! Elles séchèrent sans doute plus d’une fois les larmes des captifs, sur les bords des fleuves de Babylone, et quand ils furent de retour dans leur patrie, ce fut le livre des souvenirs, qui leur rappelait leurs maux passés. Chaque année, le 9 ab (juillet), on jeûna et on lut dans les synagogues, au milieu des larmes, les Lamentations de Jérémie, en mémoire de ces mauvais jours. Et plus tard, quand la grande victime, l’agneau de Dieu qui devait effacer les péchés du monde eut été immolée sur le Calvaire, l’Eglise, pour célébrer les mystères de la passion et de la mort de Notre-Seigneur, adopta les chants lugubres du Prophète : pendant la Semaine-Sainte, on entend retentir dans toutes les églises du monde catholique les accents plaintifs de Jérémie, déplorant un malheur plus grand que celui de la ruine de Jérusalem et du temple, le supplice d’un Dieu mis à mort par ceux qu’il était venu racheter.

Jérémie déplore la désolation de Jérusalem, et annonce les vengeances de Jérusalem contre ceux qui se réjouissent du malheur de cette ville.

(a) Après qu’Israël eut été mené en captivité, et que Jérusalem fut demeurée déserte, le prophète Jérémie s’assit, et, pleurant, il fit ces lamentations sur Jérusalem, soupirant avec amertume, et disant avec de grands cris :

[Ce préambule qu’on lit dans les Septante ne se trouve ni dans l’hébreu, ni dans le chaldéen, ni dans le syriaque, ni dans les plus anciens et les meilleurs manuscrits de la version de saint Jérôme. L’édition de Sixte V l’a joint à la fin du chapitre 52 de Jérémie comme si elle en faisait partie. Saint Bonaventure, suivi du plus grand nombre d’interprètes, soutient que ce n’est pas une écriture canonique, mais une simple addition qui vient des Grecs et qui n’a jamais été dans le texte original. ― Quant aux mots Aleph, Beth, etc., ce sont les noms des lettres de l’alphabet hébreu, qui sont au nombre de vingt-deux, rangés (rangées) dans leur ordre naturel.]

1 Aleph. 1 Comment est-elle assise solitaire, cette (la) ville pleine de peuple ? Elle est devenue comme veuve, la maîtresse des nations ; la souveraine des provinces est devenue tributaire. [1.1 Le 1er verset donne le ton de tout le morceau. La pensée qui frappe l’esprit du prophète, c’est la solitude dans laquelle il se trouve. La princesse, la maîtresse des nations, est maintenant assise solitaire, comme la Judæa capta qu’on voit plus tard sur les médailles romaines. (Voir l’Appendice). Ses enfants lui ont été enlevés et elle est plongée dans la plus profonde misère.]Beth. 2 Elle n’a pas cessé de pleurer (Pleurant elle a pleuré, note) pendant la nuit, et ses larmes coulent sur ses joues ; il n’y a personne qui la console parmi tous ceux qui lui étaient chers ; tous ses amis l’ont méprisée et sont devenus ses ennemis. [1.2 Voir Jérémie, 13, 17. ― Pleurant, elle a pleuré ; hébraïsme, pour elle a beaucoup pleuré.]Ghimel. 3 Juda est allé en exil, à cause de (son) l’affliction et de la grande servitude (grandeur de son esclavage) ; il a habité parmi les nations, et il n’a pas trouvé de repos ; tous ses persécuteurs l’ont saisi dans ses angoisses. Daleth. 4 Les chemins de Sion sont en deuil, parce qu’il n’y a plus personne qui vienne aux solennités ; toutes ses portes sont détruites, ses prêtres gémissent ; ses vierges sont défigurées, et elle est elle-même accablée d’amertume. Hé. 5 Ses ennemis sont devenus (les) maîtres, ses adversaires se sont enrichis, car le Seigneur a parlé contre elle, à cause de la multitude de ses iniquités ; ses petits enfants ont été conduits en captivité devant l’oppresseur. [1.5 Devenus maîtres ; littéralement en tête (in capite).]Vav. 6 La fille de Sion a perdu toute sa beauté : ses princes sont devenus comme des béliers qui ne trouvent point de pâturages, et ils sont allés sans force devant celui qui les poursuivait. Zaïn. 7 Jérusalem s’est souvenue des jours de son affliction et de sa prévarication, de tous les objets désirables (précieuses) qu’elle avait eus depuis les jours anciens, lorsque son peuple tombait sous la (une) main de l’ennemi (ennemie), sans qu’il y eût personne pour le secourir. Ses ennemis l’ont vue, et ils se sont moqués de ses sabbats. [1.7 Sabbats ; nom que les Hébreux donnaient à toutes les fêtes en général, à cause du repos qu’on y observait ; le mot sabbat signifie en effet repos. On sait que les païens reprochaient ordinairement aux Juifs de faire de cette inaction, de cette paresse, comme ils l’appelaient, une partie de leur religion.]Heth. 8 Jérusalem a grandement péché, c’est pourquoi elle est devenue chancelante (errante) ; tous ceux qui l’honoraient l’ont méprisée, parce qu’ils ont vu son ignominie ; elle-même, gémissante, s’est tournée en arrière. Teth. 9 Ses souillures sont sur ses pieds, et elle ne s’est pas souvenue de sa fin ; elle a été étonnamment abaissée, et elle n’a pas eu de consolateur. Voyez, Seigneur, mon affliction, parce que l’ennemi s’est élevé avec orgueil. Jod. 10 L’ennemi a étendu sa main sur tout ce qu’elle avait de précieux, car elle a vu entrer dans son sanctuaire les nations, au sujet desquelles vous aviez ordonné qu’elles n’entreraient pas dans votre assemblée. [1.10 L’ennemi a porté, etc. Jérémie parle ici de ce qui arriva à la prise de Jérusalem, lorsque les soldats chaldéens portèrent leurs mains sacrilèges jusque dans le sanctuaire (voir Lamentations de Jérémie, 2, 7).]Caph. 11 Tout son peuple gémit et cherche du pain ; ils ont donné toutes leurs choses précieuses pour soutenir (une nourriture qui ranimât) leur vie (âme, note). Voyez, Seigneur, et considérez comme je suis devenue vile. [1.11 Leur âme ; hébraïsme pour leur personne.]Lamed. 12 O vous tous qui passez par le chemin, regardez et voyez s’il est une douleur comme ma douleur ; car le Seigneur m’a vendangée, comme il l’avait dit, au jour de (la colère de) sa fureur. [1.12 M’a vendangée ; m’a traitée comme une vigne vendangée, où on n’a rien laissé. ― La colère de sa fureur. Voir Jérémie, 4, 8.]Mem. 13 D’en haut il a envoyé un feu dans mes os, et il m’a châtiée ; il a tendu un filet sous mes pieds, il m’a fait tomber en arrière ; il m’a rendue désolée, accablée de tristesse tout le jour. Nun. 14 Le joug de mes iniquités m’a accablé soudain (s’est éveillé) ; elles ont été enlacées dans sa main, et il les a mises (imposées) sur mon cou ; ma force a été affaiblie ; le Seigneur m’a livré à une main dont je ne pourrai pas sortir. Samech. 15 Le Seigneur a enlevé du milieu de moi tous mes hommes de cœur (illustres) ; il a appelé contre moi le temps où il devait détruire mes soldats de choix (élus, note). Le Seigneur a foulé le pressoir pour la vierge fille de Juda. [1.15 Mes élus ; mes soldats choisis, d’élite. ― Le Seigneur a foulé le pressoir ; pour en faire couler le vin de sa colère. Comparer à Isaïe, 63, 2-3 ; Joël, 3, 13 ; Apocalypse, 14, 19-20 ; 19, 15. ― Pour la vierge, etc. ; pour enivrer la vierge, etc. C’est le peuple de Juda, dans ce passage comme dans bien d’autres, qui est désigné sous le nom d’une vierge et d’une fille.]Aïn. 16 C’est pour cela que je pleure et que mes yeux fondent en larmes, car le consolateur, qui devait me rendre la vie (me faire revenir mon âme), a été éloigné de moi. Mes enfants ont été détruits (fils sont perdus), parce que l’ennemi est devenu le plus fort. [1.16 Voir Jérémie, 14, 17. ― Qui devait faire revenir mon âme (convertens animam meam) ; lorsque la tristesse lui faisait abandonner mon corps ; qui devait me redonner la vie.]Phé. 17 Sion a étendu ses mains, il n’y a personne qui la console. Le Seigneur a ordonné aux ennemis de Jacob de l’attaquer de tous côtés ; Jérusalem est devenue parmi eux comme une femme souillée de ses impuretés (par ses mois). Sadé. 18 Le Seigneur est juste, car j’ai provoqué sa bouche à la colère. Ecoutez, je vous prie, vous tous peuples, et voyez ma douleur ; mes vierges et mes jeunes gens (hommes) sont allés en captivité. [1.18 Le Seigneur est juste ; dans les maux dont il m’a affligé. ― Parce que j’ai provoqué ; dans l’hébreu, je me suis révoltée, j’ai été rebelle. ― Sa bouche ; pour ce qui est sorti de sa bouche, sa parole, ses ordres, son commandement ; métonymie dont on a déjà pu remarquer plus d’un exemple.]Coph. 19 J’ai appelé mes amis, et ils m’ont trompée ; mes prêtres et mes vieillards ont péri dans la ville, lorsqu’ils cherchaient de la nourriture pour soutenir (ranimer) leur vie (âme). Res. 20 Seigneur, voyez que je suis dans l’affliction ; mes entrailles sont émues, mon cœur est renversé en moi-même, car je suis remplie d’amertume. Au-dehors le glaive tue, et au-dedans c’est une mort semblable. [1.20 Au-dehors, etc. Hors de la ville, dans le pays, les Juifs étaient tués par les Chaldéens ; dans la ville ils mouraient par la famine et la peste.]Sin. 21 Ils ont appris que je gémis, et qu’il n’y a personne qui me console ; tous mes ennemis ont appris mon malheur, et ils se sont réjouis de ce que c’est vous qui l’avez causé ; vous amènerez le jour de la (ma) consolation, et ils deviendront semblables à moi. Thau. 22 Que toute leur méchanceté se présente devant vous ; vendangez-les comme vous m’avez vendangée à cause de toutes mes iniquités, car mes gémissements sont nombreux, et mon cœur est triste. [1.22 Vendangez-les. Voir, pour le sens de cette expression, le verset 12.]

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