Bible de Jérusalem – Lettre de Jérémie 1
LETTRE DE JÉRÉMIE
Introduction au livre de Baruch
(La Lettre de Jérémie correspond au sixième chapitre de Baruch)
Copie de la lettre qu’envoya Jérémie à ceux qui allaient être emmenés captifs à Babylone par le roi des Babyloniens, pour leur faire savoir ce qui lui avait été ordonné par Dieu.
1 Pour les péchés que vous avez commis devant Dieu, vous allez être emmenés captifs à Babylone par Nabuchodonosor, roi des Babyloniens.
2 Une fois arrivés à Babylone, vous y resterez bien des années et pour longtemps, jusqu’à sept générations ; après quoi, je vous en ferai sortir en paix.
3 Or, vous allez voir à Babylone des dieux d’argent, d’or et de bois, qu’on porte sur les épaulesb et qui inspirent crainte aux païens.
b Ici et au v. 5, allusion aux processions babyloniennes, où les statues divines étaient sorties de leurs temples.
4 Soyez sur vos gardes ! Ne vous assimilez pas aux étrangers et que la crainte ne vous saisisse pas devant ces dieux,
5 quand vous verrez, devant et derrière eux, la foule qui les adore. Dites plutôt en votre cœur : « C’est toi qu’il faut adorer, Maître. »
6 Car mon ange est avec vous : c’est lui qui prendra soin de vos vies.
7 Car leur langue fut poncée par un artisan, ils ont été dorés et argentés : ils ne sont que déception et ne peuvent parler.
8 Comme pour une vierge aimant la parure, on prend de l’or et l’on fabrique des couronnes pour les têtes de leurs dieux.
9 Parfois même les prêtres dérobent à leurs dieux or et argent pour leurs propres dépenses ; ils en donnent même aux prostituées de la terrasse.c
c Les prostituées sacrées des temples babyloniens.
10 Ils parent de vêtements, comme des humains, ces dieux d’argent, d’or et de bois ; mais eux ne se défendent ni de la rouille ni des vers ;
11 quand on les a revêtus d’un habit de pourpre, on époussète leur figure, à cause de la poussière du temple qui s’épaissit sur eux.
12 Tel tient un sceptre comme un gouverneur de province, mais ne saurait tuer qui l’offense ;
13 tel tient en sa droite épée et hache, mais ne saurait se défendre de la guerre et des voleurs.
14 Par là, il est clair que ce ne sont pas des dieux : ne les craignez pas !
15 Comme un vase dont un homme se sert devient sans usage une fois brisé, ainsi en est-il de leurs dieux qu’on installe dans les temples.
16 Leurs yeux sont pleins de la poussière soulevée par les pieds de ceux qui entrent.
17 De même que les portes sont closes de tous côtés sur un homme qui a offensé le roi et qui va être conduit à la mort, ainsi les prêtres renforcent les temples de ces dieux avec portes, verrous et barres, par crainte d’un pillage de voleurs.
18 Ils allument des lampes, et en plus grand nombre que pour eux-mêmes : ces dieux sont incapables d’en voir une seule.
19 Il en est d’eux comme d’une des poutres du temple dont on raconte que l’intérieur est rongé ; les vers qui sortent de terre les dévorent, ainsi que leurs habits, et ils ne le sentent pas.
20 Leur figure est noircie par la fumée qui monte du temple.
21 Sur leur corps et sur leur tête volettent chauves-souris, hirondelles et autres volatiles ; il y a là aussi des chats.
22 À cela vous reconnaîtrez que ce ne sont pas des dieux : ne les craignez pas !
23 L’or dont on les revêt doit les faire beaux ; mais si quelqu’un n’en nettoie pas la ternissure, ce n’est pas eux qui le rendront brillant, car même quand on les fondait, ils ne sentaient rien.
24 À n’importe quel prix on acheta ces dieux, et il n’y a point en eux souffle de vie.
25 N’ayant pas de pieds, ils sont portés sur des épaules, exhibant aux hommes leur honte. Leurs serviteurs aussi sont confondus, car c’est par leur assistance que les dieux se relèvent s’ils tombent par terre.
26 Les met-on debout, ils ne peuvent d’eux-mêmes se mouvoir ; penchent-ils, ils ne peuvent se redresser ; mais c’est comme devant des morts qu’on leur présente des offrandes.
27 Ce qui leur est sacrifié, leurs prêtres le revendent et en tirent profit ; pareillement, leurs femmes en salent une partie, sans rien distribuer au pauvre et à l’impotent. Ce qui est sacrifié à ces dieux, la femme en état d’impureté et la femme en couches osent le toucher.
28 Sachant donc par tout cela que ce ne sont pas des dieux, ne les craignez pas !
29 Comment en effet les appeler des dieux ? Ce sont des femmesd qui présentent des offrandes devant ces dieux d’argent, d’or et de bois.
d Ce que la Loi juive ne leur permettait pas.
30 En leurs temples, les prêtres se tiennent assis, tunique déchirée, tête et barbe rasées, chef découvert ;
31 ils rugissent et vocifèrent devant leurs dieux, comme on fait aux festins funèbres.e e Allusion à des cultes célébrant la mort et la résurrection annuelles de certaines divinités.
32 Les prêtres prennent les vêtements des dieux pour en habiller leurs femmes et leurs enfants.
33 Quelqu’un leur fait-il du mal, ou du bien, ils sont incapables de le rendre ; incapables aussi de faire ou de défaire un roi ;
34 incapables encore de donner richesse ou argent. Quelqu’un fait-il un vœu qu’il ne tient pas, ils ne peuvent en demander compte.
35 Ils ne peuvent sauver un homme de la mort, ni arracher le faible au puissant,
36 ni restaurer la vue d’un aveugle, ni délivrer un homme en détresse,
37 ni avoir compassion d’une veuve, ni être bienfaisants à un orphelin.
38 Ils sont semblables aux pierres extraites des montagnes, ces morceaux de bois recouverts d’or et d’argent. Leurs serviteurs seront confondus !
39 Comment alors peut-on penser ou dire que ce sont des dieux !
40 Les Chaldéens eux-mêmes les déshonorent quand, voyant un muet qui ne peut parler, ils le présentent à Bel et réclament que cet homme parle, comme si le dieu pouvait entendre ;
41 et ils sont incapables de réfléchir à cela et d’abandonner ces dieux, tant le bon sens leur manque !
42 Les femmes, ceintes de cordes, s’assoient sur les chemins pour brûler du son comme un encens ;
43 quand l’une, racolée par quelque passant, a couché avec lui, elle reproche à sa voisine de n’avoir pas été jugée digne comme elle-même et de n’avoir pas eu sa corde brisée.f
f Coutume en rapport avec la prostitution sacrée. — Les fumigations de son paraissent être un procédé magique à but aphrodisiaque.
44 Tout ce qui se fait pour eux est mensonge ; comment alors peut-on penser ou dire que ce sont des dieux ?
45 Fabriqués par des menuisiers et des orfèvres, ils ne sont rien d’autre que ce que ces ouvriers veulent qu’ils soient.
46 Ces fabricants-là n’ont pas longtemps à vivre ; comment leurs fabrications seraient-elles des dieux ?
47 Car ils n’auront laissé que mensonge et déshonneur à leurs descendants.
48 Que leur surviennent une guerre ou des malheurs, les prêtres se consultent pour savoir où se cacher avec ces dieux ;
49 comment ne pas saisir qu’ils ne sont pas des dieux, ceux qui ne se sauvent pas eux-mêmes de la guerre ou des malheurs ?
50 Ces morceaux de bois dorés et argentés, on reconnaîtra plus tard qu’ils ne sont que mensonge : il sera évident pour tous, peuples et rois, qu’ils ne sont pas des dieux, mais ouvrages de mains humaines, et qu’il n’y a chez eux aucune opération divine.
51 Pour qui donc n’est-il pas clair que ce ne sont pas des dieux ?
52 Car ils ne peuvent établir un roi dans un pays, ni donner la pluie aux hommes,
53 ni juger leurs propres affaires, ni délivrer un opprimé ; ils sont impuissants comme les corneilles entre ciel et terre.
54 Que le feu tombe sur le temple de ces dieux de bois dorés et argentés, leurs prêtres vont fuir et échapper, mais eux, comme des poutres, resteront là à brûler.
55 Ils ne peuvent résister à un roi ni à des ennemis.
56 Comment alors admettre ou penser que ce sont des dieux ?
57 Ils ne peuvent échapper aux voleurs et aux brigands, ces dieux de bois dorés et argentés, des plus puissants vont leur arracher or et argent et partir avec les habits qui les couvrent ; eux sont incapables de se porter secours.
58 Aussi vaut-il mieux être un roi déployant son courage, ou dans une maison un vase utile, dont se serve son propriétaire, que d’être ces faux dieux ; ou encore dans une maison une porte qui protège ce qui s’y trouve, que d’être ces faux dieux ; ou un pilier de bois dans un palais, que d’être ces faux dieux.
59 Le soleil, la lune et les étoiles, qui brillent et sont commis à un office, sont obéissants ;
60 pareillement, l’éclair qui éclate est beau à voir ; de même en tout pays le vent souffle,
61 les nuages exécutent l’ordre que Dieu leur donne de parcourir toute la terre, et le feu, envoyé d’en haut pour consumer monts et forêts, fait ce qui est commandé.
62 Or, ni en beauté ni en puissance, ceux-là ne leur sont comparables.
63 Aussi ne peut-on penser ni dire que ce sont des dieux, puisqu’ils sont impuissants à rendre la justice et à faire du bien aux hommes.
64 Sachant donc que ce ne sont pas des dieux, ne les craignez pas !
65 Car ils ne peuvent ni maudire ni bénir les rois,
66 ni montrer parmi les peuples des signes dans le ciel ; ils ne brillent pas comme le soleil et n’éclairent pas comme la lune.
67 Les bêtes valent mieux qu’eux, elles peuvent fuir dans un abri et se secourir elles-mêmes.
68 D’aucune manière il ne nous est manifeste que ce sont des dieux, aussi ne les craignez pas !
69 Comme un épouvantail dans un champ de concombres, qui ne protège rien, ainsi en est-il de leurs dieux de bois dorés et argentés.
70 Ou encore, leurs dieux de bois dorés et argentés ressemblent à un buisson d’épines dans un jardin, sur lequel se posent toutes sortes d’oiseaux, ou à un mort jeté dans le noir.
71 Par la pourpre et le ling qui pourrissent sur eux, vous reconnaîtrez qu’ils ne sont pas des dieux. Finalement, ils seront dévorés et deviendront un déshonneur dans le pays.
g Grec « marbre », mais ce mot peut traduire l’hébr. shesh qui signifie normalement « lin » mais aussi « albâtre ». Vulg. « écarlate ».
72 Mieux vaut l’homme juste, qui n’a pas d’idoles ; c’est lui qui échappe à l’opprobre !