Vigouroux – Lettre de Jérémie 1
Lettre de Jérémie
Lettre de Jérémie aux Juifs captifs. Il leur annonce leur retour. Il les exhorte à ne pas prendre part à l’idolâtrie des Babyloniens. Il leur montre le néant et la vanité des idoles.
1 Copie de la lettre que Jérémie envoya aux captifs qui allaient être déportés à Babylone par le roi des Babyloniens, afin de leur annoncer ce que Dieu lui avait ordonné de leur dire. 1 A cause des péchés que vous avez commis devant Dieu, vous serez emmenés captifs à Babylone par Nabuchodonosor, roi des Babyloniens. [1.1-72 La lettre de Jérémie a pour but de détourner les Juifs captifs à Babylone, à qui elle est adressée, de l’idolâtrie chaldéenne. Elle renferme une sorte de double refrain qui revient de temps en temps, et en marque les divers aliénas, versets 14 et 15, 22, 28, 64 et 39, 44, 55, 63. Jérémie y montre une grande connaissance de la religion babylonienne ; sa lettre est comme un monument archéologique où nous trouvons décrites en détail les statues des dieux chaldéens, ainsi que les cérémonies que l’on suivait pour habiller et déshabiller les idoles. Rien n’était plus propre que cet écrit à faire persévérer les enfants d’Israël dans le culte du vrai Dieu.][1.1 Voir Jérémie, 25, 8-9.]2 Etant donc entrés à Babylone, vous y serez pendant de nombreuses années et un temps très long, jusqu’à sept générations ; mais après cela je vous en ferai sortir en paix. [1.2 Sept générations. Chez les anciens, le mot génération représente tantôt cent, tantôt cinquante, trente-trois, dix, et même sept années. Ainsi ces sept générations marquent ici très probablement les soixante-dix années auxquelles Dieu avait fixé la durée de la captivité (voir Jérémie, 25, 11-12 ; 29, 10).]3 Or maintenant vous verrez à Babylone des dieux d’or et d’argent, de pierre et de bois, que l’on porte sur les épaules, et qui inspirent de la crainte aux nations. [1.3 Voir Isaïe, 44, 10. ― Des dieux d’or, etc. Il y avait à Babylone de nombreuses idoles d’or, d’argent, de pierre et de bois, et en certaines circonstances on les portait sur les épaules, comme nous le voyons sur des bas-reliefs du temps des Assyriens.]4 Prenez donc garde de ne pas imiter la conduite de ces étrangers, de ne pas craindre leurs dieux, et de ne pas vous laisser saisir par la frayeur (à cause d’eux). 5 Aussi, lorsque vous verrez une foule en avant et par derrière, dites en adorant dans votre cœur : C’est vous qu’il faut adorer, Seigneur. 6 Car mon ange est avec vous, et moi-même je vengerai (rechercherai, note) vos âmes. [1.6 Mon ange ; saint Michel, défenseur du peuple hébreu. Voir Daniel, 10, vv. 13, 21 ; 12, 1. ― Je rechercherai vos âmes ; je prendrai soin de votre vie.]7 Car la langue de ces idoles a été polie par le sculpteur ; celles mêmes qui sont dorées et argentées sont vaines, et ne peuvent parler. [1.7 Dorés et argentés. Les statues des dieux étaient souvent en bois recouvert de lames d’or ou d’argent.]8 Et comme l’on fait des ornements pour une fille (vierge) qui les aime, ainsi on a pris de l’or pour les fabriquer. 9 Leurs dieux ont (assurément) des couronnes d’or sur la tête ; mais les prêtres en retirent l’or et l’argent, et s’en servent (se les arrogent) pour eux-mêmes. [1.9 Se les arrogent ; c’est-à-dire s’arrogent l’or et l’argent ; littéralement se l’arroge (illud). Très souvent, en hébreu, lorsqu’un pronom ou un adjectif ou un participe se rapporte à plusieurs substantifs, il se met au nombre et au genre du dernier. ― Des couronnes d’or sur leurs têtes. Les images des dieux assyro-chaldéens qui sont parvenues jusqu’à nous sont souvent couronnées.]10 Ils donnent de cet or à des prostituées, et ils en parent des courtisanes ; et après que ces courtisanes le leur ont rendu, ils en parent (de nouveau) leurs dieux. [1.10 Les leur ; littéralement. Voir le verset précédent.]11 Ceux-ci ne se défendent ni de la rouille, ni des vers. 12 Après les avoir couverts d’un vêtement de pourpre, on leur essuie le visage, à cause de la grande poussière qui s’élève dans la maison où ils sont. 13 L’un porte un sceptre comme un homme, comme un gouverneur de province ; mais (cependant) il ne fait pas mourir celui qui l’offense. [1.13 Il ; c’est-à-dire un d’eux, ou chacun d’eux ; ce qui est un pur hébraïsme. ― Les monuments assyro-chaldéens représentent les dieux un sceptre à la main.]14 L’autre (Il) a (aussi) une épée ou une hache à la main ; mais il ne peut se délivrer ni des combattants (de la guerre), ni des voleurs. Sachez par là que ce ne sont pas des dieux ; [1.14 Une hache. Un bas-relief figure le dieu Bel avec une hache à la main.]15 ne les craignez donc pas. Car de même qu’un vase brisé par un homme devient inutile, tels sont aussi leurs dieux. 16 Lorsqu’on les a placés dans une maison, leurs yeux sont remplis de la poussière que soulèvent les pieds de ceux qui entrent. 17 Et comme on ferme les portes autour de celui qui a offensé le roi, ou autour d’un mort qui a été conduit au sépulcre, ainsi les prêtres protègent les portes par des serrures et des verrous, de peur que les voleurs ne dépouillent (entièrement) leurs dieux. 18 Ils leur allument des lampes, et en grand nombre ; mais ils n’en peuvent voir aucune, et ils sont comme des poutres dans une maison. 19 Ils disent (aussi) que les serpents nés de la terre leur lèchent le cœur, (et en effet) lorsqu’ils les dévorent, eux et leurs vêtements, sans qu’ils (ne) le sentent (pas). 20 Leurs visages deviennent noirs par la fumée qui s’élève dans la maison. 21 Sur leurs corps et sur leurs têtes volent les hiboux, les hirondelles et les autres oiseaux, et les chats y courent (sautent) aussi. [1.21 Sur leurs têtes volent les hiboux ou les chauves-souris, qui aiment à se retirer dans les endroits sombres et obscurs comme étaient les sanctuaires des anciens temples. Tous ceux qui ont voyagé en Orient ont constaté combien les chauves-souris sont nombreuses, spécialement dans les cavernes, d’où elles forcent quelquefois les curieux de s’enfuir.]22 Sachez par là que ce ne sont pas des dieux ; ne les craignez donc pas. 23 Même l’or qu’ils ont n’est que pour l’apparence ; à moins que l’on n’essuie la rouille, ils ne brilleront pas ; et lorsqu’on les a fondus, ils ne le sentaient pas. 24 On les a achetés à grand (à tout, note) prix, quoiqu’il n’y ait pas de vie en eux. [1.24 A tout prix ; jusqu’au prix le plus élevé. ― Ils ont été achetés ; dans la Vulgate et les Septante on lit le neutre, soit que les dieux des païens aient été considérés comme de simples choses, et non comme des personnes, soit que le traducteur grec ait fait allusion au mot grec eïdôlon, idole, qui, dans sa langue, aussi bien qu’en latin, est du genre neutre. Cette particularité se présente dans plusieurs autres versets suivants de ce même chapitre. ― En qui ; littéralement en lesquels, en eux. ― Ce pléonasme, qui ne se lit pas dans la version grecque, est imité d’une locution hébraïque où cependant le pléonasme n’existe réellement pas, comme nous l’avons prouvé dans nos Principes de grammaire hébraïque.]25 N’ayant pas de pieds, ils sont portés sur les épaules, et ils font voir leur honte (ignoble impuissance) aux hommes ; aussi, que ceux qui les adorent soient confondus ! (.) [1.25 Ils sont portés, etc. Comparer à Isaïe, 46, 7.]26 C’est pourquoi s’ils tombent à terre, ils ne se relèveront pas d’eux-mêmes ; et si on (ne) les redresse, ils ne se tiendront pas debout par eux-mêmes ; mais, comme à des morts, on leur apporte leurs offrandes. [1.26 Les, ils, leur ; littéralement le, il, lui ; hébraïsme pour chacun, à chacun, ou l’un, à l’un d’eux. Comparer au verset 9. ― Présents ; c’est-à-dire repas qu’on apportait à ces dieux, comme on en mettait sur les tombeaux des morts. Comparer à Ecclésiastique, 30, 18-19 ; Daniel, 14, verset 5 et suivants.]27 Leurs prêtres vendent leurs victimes, et en disposent à leur gré ; leurs femmes en prennent aussi et n’en donnent rien aux malades (à l’infirme) et aux mendiants. 28 Les femmes touchent à leurs sacrifices lorsqu’elles sont grosses et dans un état impur. Sachant donc par ces choses que ce ne sont pas des dieux, ne les craignez point. [1.28 Les femmes, etc. Chez les Hébreux, toute femme qui se trouvait dans l’un de ces états ne pouvait entrer dans le temple (voir Lévitique, 12, vv. 2, 4 ; 15, vv. 19, 33) ; quoique les païens ne fussent pas tenus d’observer cette loi, les Juifs n’en avaient pas moins d’horreur pour ceux qui ne s’y conformaient point.]29 Pourquoi, en effet, les appelle-t-on des dieux ? Car (Parce que) les femmes offrent des dons à ces dieux d’argent, d’or et de bois ; 30 et dans leurs temples les prêtres sont assis avec des tuniques déchirées la tête et la barbe rasées, et la tête nue. [1.30 Les prêtres, etc. Ces pratiques de deuil étaient surtout en usage pour honorer le dieu Adonis, dont le culte était répandu non seulement dans l’Egypte, dans la Palestine, dans la Phénicie et la Syrie, mais encore dans la Babylonie et dans les provinces au-delà de l’Euphrate ; elles étaient sévèrement défendues aux prêtres du vrai Dieu (voir Lévitique, 21, vv. 5, 10).]31 Ils rugissent en criant devant leurs dieux, comme dans un festin mortuaire. [1.31 Ils rugissent, etc. Dans les repas qui se faisaient en l’honneur des morts, et souvent près du tombeau, les parents manifestaient leur douleur par des cris et des lamentations.]32 Les prêtres leur ôtent leurs vêtements, et ils en habillent leurs femmes et leurs enfants. 33 Qu’on leur fasse du mal ou qu’on leur fasse du bien, ils ne peuvent le rendre ; ils ne peuvent établir un roi, ni lui ôter la couronne. 34 Ils ne peuvent non plus donner les richesses, ni rendre le mal. Si quelqu’un leur a fait un vœu et ne s’en acquitte pas, ils ne le lui redemandent point (s’en mettent pas en peine). 35 Ils ne sauvent personne de la mort, et ils n’arrachent pas le faible au plus puissant. 36 Ils ne rendent pas la vue à l’aveugle, et ils ne délivrent pas l’homme de la nécessité. 37 Ils n’auront pas pitié de la veuve, et ne feront pas de bien aux orphelins. 38 Leurs dieux sont semblables aux pierres extraites d’une montagne ; ils sont de bois, de pierre, d’or et d’argent ; ceux qui les adorent seront confondus. 39 Comment donc peut-on penser (estimer) ou dire que ce sont des dieux ? 40 Les Chaldéens eux-mêmes les déshonorent ; lorsqu’ils apprennent qu’un homme est muet et ne peut parler, ils le présentent à Bel, lui demandant de le faire parler ; [1.40 Bel ; le grand dieu chaldéen.]41 comme si ceux qui n’ont pas de mouvement pouvaient sentir ! (;) Et eux lorsqu’ils s’en aperçoivent, les abandonnent ; car leurs dieux sont insensibles (n’ont pas le sentiment). 42 Des femmes entourées de cordes sont assises dans les rues, brûlant des noyaux d’olives ; [1.42 Brûlant des noyaux d’olive ; en sacrifice. Hérodote dit que les femmes de Babylone offraient un pareil sacrifice à Vénus, une fois en leur vie.]43 et lorsque l’une d’elles emmenée par quelque passant, a dormi avec lui, elle reproche à sa voisine de n’avoir pas été jugée, comme elle, digne d’honneur, et de n’avoir pas vu rompre sa corde. 44 Tout ce qu’on fait à ces dieux est fausseté ; comment donc peut-on penser (estimer) ou dire que ce sont des dieux ? 45 Ils ont été faits par des ouvriers et par des orfèvres ; ils ne sont que ce que les prêtres veulent qu’ils soient. [1.45 Ouvriers en bois. Voir le verset 7.]46 Les ouvriers qui les font ne vivent eux-mêmes que peu de temps ; comment donc les objets qu’ils ont fabriqués peuvent-ils être des dieux ? 47 Ils ne laissent à ceux qui viendront après eux que la fausseté et l’opprobre. 48 Car lorsqu’il survient une guerre ou quelque malheur, les prêtres pensent en eux-mêmes en quel endroit ils iront se cacher avec leurs dieux (eux, note). [1.48 Avec eux ; c’est-à-dire avec leurs dieux.]49 Comment donc peut-on penser qu’ils sont des dieux, ceux qui ne peuvent se sauver de la guerre, ni se délivrer des malheurs (autres maux) ? 50 Car, puisqu’ils ne sont que du bois, recouvert d’or et d’argent, toutes les nations et tous les rois reconnaîtront un jour leur fausseté ; on verra clairement que ce ne sont pas des dieux, mais l’œuvre de la main des hommes, et qu’ils sont incapables de tout acte divin (il n’y a aucun ouvrage de Dieu en eux). [1.50 Il est manifeste ; littéralement lesquelles choses sont manifestes.]51 On sait donc par là que ce ne sont pas des dieux, mais l’œuvre de la main des hommes, et qu’ils sont incapables de tout acte divin (il n’y a aucun ouvrage de Dieu en eux, note). [1.51 Aucune œuvre, etc. ; c’est-à-dire il n’y a rien de divin en eux.]52 Ils n’établissent pas un roi sur une contrée ; et ils ne donnent pas (de) la pluie aux hommes. 53 Ils ne discerneront pas ce qui est juste, et ils ne délivreront pas les contrées (provinces) de la violence, car ils ne peuvent rien, et sont comme des corneilles qui volent entre le ciel et la terre. [1.53 Ils ne discerneront, etc. ; ils ne jugeront par les différends des hommes par un miracle, comme Dieu fit pour celui qui s’éleva entre Aaron et Coré, Dathan et Abiron (voir Nombres, chapitre 16).]54 Quand le feu aura pris à la maison de ces dieux de bois, d’argent et d’or, (à la vérité) leurs prêtres s’enfuiront et seront sauvés ; mais eux ils seront consumés au milieu des flammes comme des (les) poutres (d’une maison). 55 Ils ne résisteront point à un roi pendant la (ni à une) guerre. Comment donc peut-on penser ou admettre que ce soit des dieux ? 56 Ces dieux de bois, de pierre, d’or et d’argent ne se délivreront pas des larrons et des voleurs ; ceux(-là) qui sont plus forts qu’eux 57 leur voleront l’or, l’argent et les vêtements dont ils sont couverts, et ils s’en iront, et ces dieux ne pourront pas se porter secours. 58 Il vaut donc mieux être un roi qui manifeste sa force, ou un vase utile à une maison, et honorant celui qui le possède, ou la porte d’une maison qui garde tout ce qui y est, que l’un de ces faux dieux. 59 (Assurément) Le soleil, la lune et les astres brillants sont conduits pour l’utilité des hommes, et obéissent à Dieu ; 60 les éclairs aussi se font voir lorsqu’ils paraissent, et le vent souffle dans tous les pays ; 61 les nuées, lorsque Dieu leur commande de parcourir tout l’univers (le globe), exécutent ce qui leur a été ordonné ; 62 le feu (du ciel), envoyé d’en haut pour consumer les montagnes et les forêts, fait ce qui lui a été commandé ; mais ces dieux ne sont semblables ni en beauté ni en puissance à un(e) seul(e) de ces êtres (créatures). 63 On ne doit donc ni penser ni dire que ce soit des dieux, puisqu’ils ne peuvent ni rendre la justice, ni faire quoi que ce soit aux hommes. 64 C’est pourquoi, sachant que ce ne sont pas des dieux, ne les craignez pas. 65 Ils ne peuvent ni maudire (maudiront) ni bénir (béniront) les rois. 66 Ils ne montrent pas non plus dans le ciel des (les) signes pour les peuples ; ils ne brille(ro)nt pas comme le soleil, et ils ne luisent (éclaireront) pas comme la lune. 67 Les bêtes valent mieux qu’eux, puisqu’elles peuvent s’enfuir sous un toit, et se rendre service. 68 Il ne nous est donc manifesté en aucune manière qu’ils sont des dieux ; c’est pourquoi ne les craignez pas. 69 Car de même que, dans un champ de concombres, un épouvantail ne protège rien, ainsi sont leurs dieux (recouverts) de bois, d’argent et d’or. [1.69 Un épouvantail qu’on a mis dans un champ effraye d’abord les oiseaux ; mais ils découvrent bientôt ce qu’il est réellement, et dès lors il ne leur inspire plus aucune crainte.]70 Ils sont semblables à l’aubépine dans un jardin, sur laquelle tous les oiseaux se posent ; leurs dieux de bois, d’argent et d’or ressemblent encore à un mort jeté dans les ténèbres. [1.70 L’aubépine ne nuit pas aux oiseaux qui se perchent sur ses branches et ne les effraie pas.]71 La pourpre et l’écarlate, qui sont rongés sur eux par les vers, vous montre(ro)nt aussi que ce ne sont pas des dieux ; ils sont eux-mêmes mangés à la fin, et ils deviennent (seront un) l’opprobre d’un (dans le) pays. 72 L’homme juste qui n’a pas d’idoles (de simulacres) vaut mieux qu’eux, car il sera loin des opprobres.