Vigouroux – Luc 1
L’Évangile selon saint Luc
Introduction
Tous les auteurs ecclésiastiques, sauf Clément d’Alexandrie, attestent que cet Evangile a paru après celui de saint Marc, et qu’il vient en troisième lieu. L’auteur dit lui-même qu’il n’est pas le premier qui ait essayé d’écrire la Vie du Sauveur. Ailleurs il nous apprend qu’il a publié son évangile avant d’écrire les Actes des Apôtres. Or, le livre des Actes a été terminé, suivant toutes les apparences, en l’an 62 ou 63, époque à laquelle son récit s’arrête brusquement. Il est donc probable que le troisième évangile a été écrit entre l’an 55 et l’an 60, une huitaine d’années après celui de saint Marc, une quinzaine après celui de saint Matthieu. A cette date, le christianisme était déjà établi dans beaucoup de contrées de l’empire ; mais la plupart des Apôtres étaient encore en vie.
On peut distinguer dans l’Evangile de saint Luc quatre parties : ― 1° Enfance et jeunesse de Notre-Seigneur, du chapitre 1, verset 5 au chapitre 4, verset 13. ― 2° Prédication dans la Galilée, du chapitre 4, verset 14 au chapitre 9, verset 50. ― 3° Voyage de Galilée à Jérusalem, du chapitre 9, verset 51 au chapitre 18, verset 30. ― 4° Derniers mystères, du chapitre 18, verset 31 jusqu’à la fin du livre.
Saint Luc n’avait pas connu Notre-Seigneur, ni observé par lui-même les faits évangéliques ; mais il avait à sa disposition les écrits de saint Matthieu et de saint Marc, qui pouvaient le guider dans la plupart de ses récits. Quant aux faits qu’il rapporte seul, et aux circonstances qu’il ajoute aux récits de ses devanciers, il a eu pour s’en assurer diverses autorités :
1° Saint Paul, si bien instruit de tout ce qui concernait le Sauveur, soit par ses révélations, soit par les rapports des premiers disciples. On sait que saint Luc a longtemps vécu avec l’Apôtre, qu’il l’a suivi dans la plus grande partie de ses missions. Les premiers chrétiens étaient si persuadés de la part que saint Paul avait prise à la composition du troisième évangile, qu’ils lui en faisaient honneur et que Tertullien l’appelle illuminatori Lucæ.
2° Plusieurs personnages apostoliques : saint Barnabé, l’un des premiers lévites convertis qui devint fondateur de l’Eglise d’Antioche où saint Luc apprit les éléments de la doctrine chrétienne ; saint Philippe, diacre de Césarée, chez lequel saint Luc logea avec saint Paul en se rendant à Jérusalem, et auprès de qui il demeura les deux premières années de la captivité de l’Apôtren ; saint Jacques le Mineur, évêque de Jérusalem ; saint Pierre et les autres Apôtres, avec lesquels saint Luc fut en rapport.
3° La sainte Vierge et les parents de saint Jean-Baptiste. C’est à cette dernière source qu’a dû être puisé en particulier le récit des faits qui ont précédé la naissance du Sauveur ; récit dont la couleur toute hébraïque contraste avec le prologue de l’Evangile. Aussi saint Luc atteste-t-il qu’il a remonté jusqu’aux origines, et fait-il remarquer à deux reprises que la mère de Dieu conservait dans son cœur le souvenir de tout ce qu’elle voyait et entendait.
Le troisième évangile offre des marques très nombreuses d’authenticité. On sait que saint Luc était médecin, et qu’il avait fait par conséquent quelques études, qu’il était Gentil d’origine, qu’il fut disciple de saint Paul, qu’il se consacra comme son maître à la conversion des Gentils, enfin qu’après avoir écrit son évangile, il a composé les Actes des Apôtres. Or, ces qualités, ces habitudes d’esprit, ces dispositions, ces particularités, se reflètent d’une manière visible dans le troisième évangile.
1° On reconnaît la profession de l’auteur à la manière dont il parle des maladies et de leur guérison ; et il est facile de constater la culture de son esprit aux qualités de sa composition. ― Cet évangile décrit les maladies guéries par le Sauveur avec bien plus de précision que les autres, en des termes qui lui sont propres et qui appartiennent au langage médical de l’époque. En outre, il a plus qu’aucun autre la forme de l’histoire. ― Il commence, comme Josèphe, par un prologue, suivant l’usage des Grecs, et par une dédicace à un Théophile qu’il nomme Excellence, ou excellent. Ce Théophile pourrait être un chrétien de Rome ou d’Achaïe, honoré d’un emploi civil. Ce pourrait bien être aussi, comme le pense Origène et comme on en trouve des exemples vers cette époque, un personnage fictif, représentant tous les fidèles, désireux de servir et aimer Dieu. « Si tu aimes Dieu, c’est à toi qu’il est écrit, » dit saint Ambroise, qui suivait ce sentiment. ― L’auteur remonte au commencement des faits évangéliques, et il conduit son récit jusqu’à la fin, en le rattachant aux évènements contemporains, et en suivant autant qu’il peut la chronologie. C’est un soin que saint Matthieu avait négligé et dont l’importance commençait à se faire sentir. Déjà saint Marc avait essayé de rétablir cet ordre. Saint Luc profite de son travail et cherche à le compléter. Il distribue tout autrement les faits rapportés par saint Matthieu du chapitre 8 au chapitre 11. ― Il s’efforce aussi de combler les lacunes de ses devanciers. Un tiers de ses récits, cinq miracles et douze paraboles lui appartiennent en propre. Il est le seul qui parle des soixante-douze disciples et de leur mission. C’est peut-être ce qui a fait dire à plusieurs auteurs, à saint Epiphane en particulier, qu’il en faisait partie, bien que saint Luc lui-même semble affirmer le contraire, suivant Grégoire le Grand. ― Pour le style, quoique son grec ait encore bien des hébraïsmes, surtout au commencement, dans les cantiques en particulier, il est notablement plus pur que celui des écrivains du Nouveau Testament. Il ne les reproduit presque jamais sans leur donner plus de correction et d’élégance.
2° On reconnaît un disciple de saint Paul. ― Comme le Docteur des Gentils, il appelle le Sauveur Dominus, « le Seigneur, » titre qui suppose l’habitude de le considérer au ciel, dans sa gloire, plutôt que le souvenir de sa vie sur la terre. ― Il insiste sur la nécessité et l’efficacité de la foi, sur l’universalité de la rédemption, sur le mérite de l’aumône et de la pauvreté évangélique, sur la générosité nécessaire aux Apôtres. ― Le récit qu’il fait de l’institution de l’Eucharistie diffère de ceux de saint Matthieu et de saint Marc ; mais il est presque identique avec celui que saint Paul fit vers la même époque aux Corinthiens ; les paroles sacramentelles sont suivies, dans l’un comme dans l’autre, de la même recommandation : « Faites cela, etc. » Il est aussi, avec l’Apôtre, le seul qui mentionne l’apparition de Notre Seigneur à saint Pierre après la Résurrection. ― Enfin, on a remarque que son élocution a quelque chose de l’abondance et de la facilité de saint Paul, de même que celle de saint Marc tient de la concision et de la fermeté de saint Pierre, et l’on a relevé de nombreuses coïncidences de pensée et d’expression avec les épîtres de l’Apôtre.
3° L’ouvrage n’est pas fait pour les Juifs. ― L’auteur ne suppose pas à ses lecteurs une grande connaissance de la langue, des mœurs, de la géographie de la Palestine. Il ne cite aucune parole du Sauveur en hébreu. Il nomme toutes les localités par leur nom grec. Il dit : le mont appelé des Oliviers, la bourgade qu’on nomme Bethléem, la fête des azymes, connue sous le nom de Pâques. Il fait connaître la distance d’Emmaüs. Il avertit qu’Arimathie est en Judée, que Capharnaüm est en Galilée, aussi bien que Nazareth, mais non Gadare. Il évite de dire comme saint Matthieu : la cité sainte, les anciens. Il remplace Rabbi par Maître, Hosanna par une périphrase. Il présente Jésus-Christ comme le Sauveur du genre humain plutôt que comme le Messie de la nation juive. Sa généalogie ne s’arrête pas à Abraham ; elle remonte jusqu’à Adam, et montre que tous les hommes sont de la famille du Sauveur. Ce n’est pas par les rois de Juda, mais par une ligne collatérale qu’elle le rattache à David. Zacharie, à la naissance de son précurseur, comme Siméon dans le récit de sa Présentation, annonce l’aurore du salut du genre humain tout entier. Enfin les faits qui n’ont qu’un intérêt temporaire et local, comme les longues disputes des Pharisiens avec le Sauveur, sont constamment écartés.
4° Il est destiné aux Gentils. ― Tout ce qui eût pu les choquer ou donner lieu aux Juifs de se mettre au-dessus d’eux est passé sous silence. Au lieu d’opposer aux enfants de Dieu les nations ou les Gentils, comme saint Matthieu, il leur oppose les pécheurs, terme qui peut s’appliquer aux Juifs comme au reste des hommes. Dans plusieurs endroits, il fait mention de l’empire, de ses magistrats, de ses officiers, et toujours avec une considération bien marquée. Il évite de leur attribuer le supplice du Sauveur. Quand il est question du royaume de Dieu, il fait remarquer qu’il est avant tout spirituel. Il recueille avec soin un grand nombre de traits négligés par saint Matthieu, qui étaient de nature, soit à humilier les Juifs, soit à toucher les païens et à leur donner confiance : le salut promis à Zachée et au bon larron ; le pardon accordé au prodigue et à la pécheresse ; la préférence donnée au publicain sur le pharisien et au Samaritain sur le prêtre et le lévite ; les paraboles de la brebis égarée, de la drachme perdue, du figuier tardif ; l’éloge fait par le Sauveur de plusieurs Gentils ; sa prière pour ses bourreaux ; la conversion d’un larron sur la croix, et celle du centenier à la mort du Fils de Dieu. Aussi a-t-on dit de cet évangile en particulier qu’il est l’évangile de la miséricorde et que les paroles d’Isaïe, lues par le divin Maître dans la synagogue de Nazareth, pourraient lui servir d’épigraphe. L’Homme-Dieu y paraît comme le divin médecin. Saint Matthieu l’avait présenté aux Hébreux comme Messie, et saint Marc aux Romains comme Fils de Dieu : saint Luc le présente aux Grecs, c’est-à-dire à tous les peuples civilisés, comme Sauveur du genre humain tout entier.
5° Quant au style, cet évangile, plus correct, plus soigné que le reste du Nouveau Testament, a une grande analogie avec le livre des Actes. On remarque des deux côtés des passages empruntés à des pièces officielles ou à des écrits plus anciens, des paroles touchantes, affectueuses, pleines de délicatesse, des tableaux admirables de naturel, de simplicité et de grâce, qui font penser au talent de peindre attribué à l’auteur par la tradition. Des deux côtés, l’Ancien Testament est cité d’après les Septante ; Jésus-Christ est appelé le Seigneur, et la foi en sa méditation est préconisée comme la condition et le moyen du salut. On trouve même dans les deux livres des membres de phrases identiques, et des périphrases communes, « le Saint de Dieu, les discours du prophète, le livre des psaumes, etc. » Ce sont aussi les mêmes mots favoris, « grâce, multitude, salut, cœur, évangéliser, etc. » 69 verbes sont répétés 254 fois dans le troisième évangile et 427 fois dans les Actes, tandis que dans tout le reste du Nouveau Testament, il ne le sont que 271 fois ; 33 mots se trouvent dans l’un et l’autre de ces livres, sans qu’on les rencontre en aucun autre. (L. BACUEZ.)
Prologue de saint Luc. Naissance de saint Jean-Baptiste. L’incarnation du Verbe annoncée. Visite de la sainte Vierge à sainte Elisabeth. Son cantique. Naissance de saint Jean-Baptiste. Cantique de Zacharie.
1 Plusieurs ayant entrepris d’écrire l’histoire des choses qui se sont accomplies parmi nous, [1.1 Beaucoup : Saint Matthieu et saint Marc sont-ils compris dans cette expression ? A notre avis, si ces deux Evangélistes n’en sont pas formellement exclus, c’est pourtant sur d’autres écrits moins considérables, et surtout moins autorisés, d’auteurs inconnus, que se porte la pensée de saint Luc, qui d’ailleurs ne blâme pas autrement ces premiers essais. Il pourrait donc s’agir des écrits que plusieurs fidèles avaient composés dès le commencement du christianisme, écrits peu exacts et peu fidèles, malgré la bonne intention de leurs auteurs, mais aussi des œuvres mensongères que des imposteurs fabriquèrent pour corrompre le dépôt des vraies Ecritures, afin de mieux établir leurs fausses doctrines.]2 suivant ce que nous ont transmis ceux qui les ont vues eux-mêmes dès le commencement, et qui ont été les ministres de la parole, 3 il m’a paru bon, à moi aussi, après m’être soigneusement informé de tout depuis l’origine, de te les exposer par écrit d’une manière suivie, excellent Théophile, [1.3 Théophile, chrétien de distinction, d’ailleurs inconnu (peut-être d’Antioche), probablement d’origine païenne, à qui saint Luc a aussi dédié les Actes des Apôtres.]4 afin que tu reconnaisses la vérité des paroles que l’on t’a enseignées. 5 Il y avait, aux jours d’Hérode, roi de Judée, un prêtre nommé Zacharie, de la classe d’Abia ; et sa femme était d’entre les filles d’Aaron, et s’appelait Elisabeth. [1.5 Voir 1 Paralipomènes, 24, 10. ― Zacharie, de la classe d’Abia. David avait partagé les prêtres en vingt-quatre classes ou familles qui remplissaient les fonctions sacrées à tour de rôle dans le temple une semaine chacune, d’un sabbat à un autre sabbat, voir 1 Paralipomènes, 24, 4 ; 2 Paralipomènes, 8, 14 ; 2 Esdras, 12, 40. Entre les membres de la famille, les divers offices à remplir étaient tirés au sort. Zacharie appartenait à la huitième classe qui était celle d’Abia. Lui échut la charge d’entrer dans le Saint, pour offrir l’encens, matin et soir, sur l’autel d’or, devant le Saint des Saints pendant que le peuple se tenait dans les cours et sous les portiques. Nous ne savons du reste sur lui que ce que nous apprend l’Evangile. ― Elisabeth. Nous ne connaissons non plus d’elle que ce que nous raconte saint Luc. ― Sur Hérode le Grand, voir Matthieu, 2, 1.]6 Ils étaient tous deux justes devant Dieu, marchant sans reproche dans tous les commandements et tous les préceptes du Seigneur. 7 Et ils n’avaient pas d’enfant, parce qu’Elisabeth était stérile, et qu’ils étaient tous deux avancés en âge. [1.7 Chez les Hébreux, être stérile était un malheur et un opprobre (saint Chrysostome).]8 Or il arriva, lorsqu’il accomplissait devant Dieu les fonctions du sacerdoce selon le rang de sa classe, 9 qu’il lui échut par le sort, d’après la coutume établie entre les prêtres, d’entrer dans le temple du Seigneur pour y offrir l’encens. [1.9 Dans le temple, le naos, la maison de Dieu, dans la partie appelée le Saint où était l’autel des parfums. Voir Matthieu, 21, 12.]10 Et toute la multitude du peuple était dehors, en prière, à l’heure de l’encens. [1.10 Voir Exode, 30, 7 ; Lévitique, 16, 17. ― A l’heure de l’encens. On offrait l’encens tous les jours, matin et soir, Voir Exode, 36, 6-8.]11 Et un ange du Seigneur lui apparut, se tenant debout à droite de l’autel de l’encens. [1.11 L’autel de l’encens est le même que l’autel des parfums. Voir Exode, 37, verset 25 et suivants.]12 Zacharie fut troublé en le voyant, et la frayeur le saisit. 13 Mais l’ange lui dit : Ne crains pas, Zacharie, car ta prière a été exaucée, et ta femme Elisabeth t’enfantera un fils, auquel tu donneras le nom de Jean. [1.13 Jean. Sur saint Jean-Baptiste, voir Matthieu, 3, 1.]14 Il sera pour toi un sujet de joie et d’allégresse, et beaucoup se réjouiront de sa naissance, 15 car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira pas de vin ni de liqueur enivrante, et il sera rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère ; [1.15 Il ne boira ni vin ni cervoise, comme les Nazaréens, voir Nombres, 6, 3. La cervoise indique une liqueur enivrante faite avec des fruits doux autres que le raisin.]16 et il convertira un grand nombre des enfants d’Israël au Seigneur leur Dieu. 17 Et il marchera devant lui dans l’esprit et la vertu d’Elie, pour ramener les cœurs des pères vers les enfants, et les incrédules à la prudence des justes, de manière à préparer au Seigneur un peuple parfait. [1.17 Voir Malachie, 3, 24 ; Matthieu, 11, 14. ― Elie le prophète. Voir Matthieu, note 11.14. Voir aussi Jean, 1, 21.]18 Zacharie dit à l’ange : A quoi connaîtrai-je cela ? car je suis vieux, et ma femme est avancée en âge. 19 Et l’ange lui répondit : Je suis Gabriel, qui me tiens devant Dieu ; et j’ai été envoyé pour te parler, et pour t’annoncer cette bonne nouvelle. [1.19 Gabriel, l’homme de Dieu, l’un des principaux anges qui se tiennent devant le trône de Dieu, celui qui avait annoncé à Daniel l’époque de la venue du Messie. Voir Daniel, 8, 16 ; 9, 21.]20 Et voici que tu seras muet, et que tu ne pourras plus parler, jusqu’au jour où ces choses arriveront, parce que tu n’as pas cru à mes paroles, qui s’accompliront en leur temps. 21 Cependant le peuple attendait Zacharie, et on s’étonnait qu’il s’attardât dans le temple. [1.21 Le peuple était dans les parvis extérieurs de l’hiéron et il ne voyait pas Zacharie qui était dans le Saint du naos.]22 Mais, étant sorti, il ne pouvait leur parler ; et ils comprirent qu’il avait eu une vision dans le temple. Et lui, il leur faisait des signes, et il demeura muet. 23 Lorsque les jours de son ministère furent écoulés, il s’en alla dans sa maison. [1.23 Il s’en alla en sa maison. A Hébron, suivant les uns, à Jutta, selon les autres. Voir plus bas, verset 39.]24 Quelque temps après, Elisabeth sa femme conçut ; et elle se tenait cachée durant cinq mois, disant : 25 Voilà ce que le Seigneur a fait pour moi aux jours où il m’a regardée, afin de me délivrer de mon opprobre parmi les hommes. 26 Or, au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, [1.26 Ville de Galilée appelée Nazareth. Sur la Galilée et Nazareth, voir aux notes 29 et 30 à la fin du volume.]27 auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et le nom de la vierge était Marie. 28 L’Ange, étant entré auprès d’elle, lui dit : Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes. 29 Elle, l’ayant entendu, fut troublée de ses paroles, et elle se demandait quelle pouvait être cette salutation. 30 Et l’Ange lui dit : Ne craignez pas, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. 31 Voici que vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. [1.31 Voir Isaïe, 7, 14 ; Luc, 2, 21. ― Jésus ; c’est-à-dire Sauveur. Voir Matthieu, 1, 21.]32 Il sera grand, et sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, et il régnera éternellement sur la maison de Jacob, [1.32 Voir Daniel, 7, vv. 14, 27 ; Michée, 4, 7. ― Sera appelé, etc. ; hébraïsme, pour sera le Fils, etc.]33 et son règne n’aura pas de fin. 34 Alors Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il ? car je ne connais pas d’homme. [1.34 Marie avait fait vœu de garder sa virginité, ou elle en avait au moins formé le propos, la résolution.]35 L’ange lui répondit : L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; c’est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. 36 Et voici qu’Elisabeth, votre parente, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et ce mois est le sixième de celle qui est appelée stérile ; 37 car il n’y a rien d’impossible à Dieu. 38 Et Marie dit : Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole. Et l’ange s’éloigna d’elle. 39 En ces jours-là, Marie, se levant, s’en alla en grande hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda ; [1.39 En une ville de Juda. Cette ville est, suivant les uns, Hébron, ville sacerdotale, la plus importante des montagnes de Juda ; suivant les autres, qui pensent qu’Hébron aurait été nommée par son nom, si cette ville avait été réellement la résidence de Zacharie, la ville de Juda est une autre ville sacerdotale dont le nom est légèrement défiguré, Jutta, située également dans la partie montagneuse de la Judée.]40 et elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Elisabeth. 41 Et il arriva, aussitôt qu’Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, que l’enfant tressaillit dans son sein ; et Elisabeth fut remplie du Saint-Esprit. 42 Et elle s’écria d’une voix forte : Vous êtes bénie entre les femmes, et le fruit de votre sein est béni. [1.42 L’ange Gabriel et Elisabeth, révérant Marie avec les mêmes paroles, l’indiquent à la vénération des Anges et des hommes (saint Bède).]43 Et d’où m’est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? 44 Car voici, dès que votre voix a frappé mon oreille, quand vous m’avez saluée, l’enfant a tressailli de joie dans mon sein. 45 Et vous êtes bienheureuse d’avoir cru ; car ce qui vous a été dit de la part du Seigneur s’accomplira. 46 Et Marie dit : Mon âme glorifie le Seigneur, [1.46 « Le Magnificat est le premier cantique du Nouveau Testament : il pourrait servir de conclusion à l’Ancien. Il a du rapport avec plusieurs autres, surtout avec ceux de Marie, sœur de Moïse, et d’Anne, mère de Samuel ; mais combien l’âme de la sainte Vierge paraît plus unie à Dieu et plus sainte ! Combien son langage a plus de majesté, d’élévation et de calme ! C’est bien le prélude de la voix du Sauveur. ― La conduite de Dieu dans l’établissement du christianisme y est admirablement dépeinte. Marie a devant les yeux tous les évènements qui vont s’accomplir : la synagogue réprouvée, l’Eglise fondée, les Apôtres glorifiés, les Gentils comblés de grâce, enfin toutes les promesses magnifiquement accomplies. ― A la salutation de sa parente : « Vous êtes bénie entre les femmes, » la sainte Vierge répond par une prédiction aussi précise que merveilleuse : « Toutes les générations me diront bienheureuse. » Or, elle a vu pendant sa vie et nous voyons encore tous les jours l’accomplissement de cet oracle. ― Les sentiments exprimés dans ce cantique sont bien ceux qui devaient pénétrer la mère de Jésus, après la faveur incompréhensible qu’elle avait reçue. Telles devaient être sa foi, son humilité, sa reconnaissance ; tel son ravissement sur la sagesse, la puissance, la bonté de Dieu dans la rédemption du monde. Quel admirable modèle pour les âmes intérieures que le Ciel favorise de ses grâces ! ― Enfin remarquez combien Marie était accoutumée au langage des écrivains sacrés. Elle n’emploie pas une expression qu’on ne lise dans le Psalmiste et dans les Prophètes. Toute la différence est dans la profondeur de ses pensées et dans la sublimité de ses sentiments. » (L. BACUEZ.)
Marie, la première, prophétise avant Jésus lui-même (saint Ambroise). En méditant et en contemplant, elle rend, avec son âme, des louanges magnifiques à Dieu (saint Basile). Ce chant si humble et si élevé, ainsi que les récits de l’enfance de Jésus, saint Luc les a transmis, comme il les a reçus de Marie. On y sent le cœur de la Vierge Mère.]47 et mon esprit a tressailli d’allégresse en Dieu mon Sauveur, 48 parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse (l’humilité) de sa servante. Car voici que, désormais, toutes les générations me diront bienheureuse, [1.48 Ces paroles sont une prédiction de l’honneur insigne que l’Eglise, dans tous les siècles devait rendre à la très sainte Vierge.]49 parce que celui qui est puissant a fait en moi de grandes choses, et son nom est saint ; 50 et sa miséricorde se répand d’âge en âge sur ceux qui le craignent. 51 Il a déployé la force de son bras, il a dispersé ceux qui s’enorgueillissaient dans les pensées de leur cœur. [1.51 Voir Isaïe, 51, 9 ; Psaumes, 32, 10.]52 Il a renversé les puissants de leur trône, et il a élevé les humbles. 53 Il a rempli de biens les affamés, et il a renvoyé les riches les mains vides. [1.53 Voir 1 Rois, 2, 5 ; Psaumes, 33, 11.]54 Il a relevé Israël, son serviteur, se souvenant de sa miséricorde : 55 selon ce qu’il avait dit à nos pères, à Abraham et à sa race (postérité) pour toujours. [1.55 Voir Genèse, 17, 9 ; 22, 16 ; Psaumes, 131, 11 ; Isaïe, 41, 8.]56 Marie demeura environ trois mois avec Elisabeth ; puis elle s’en retourna dans sa maison. [1.56 En sa maison à Nazareth.]57 Cependant, le temps où Elisabeth devait enfanter s’accomplit, et elle mit au monde un fils. 58 Ses voisins et ses parents apprirent que le Seigneur avait signalé envers elle sa miséricorde, et ils l’en félicitaient. 59 Et il arriva qu’au huitième jour ils vinrent pour circoncire l’enfant, et ils l’appelaient Zacharie, du nom de son père. 60 Mais sa mère, prenant la parole, dit : Non ; mais il sera appelé Jean. 61 Ils lui dirent : Il n’y a personne dans ta famille qui soit appelé de ce nom. 62 Et ils faisaient des signes à son père, pour savoir comment il voulait qu’on l’appelât. 63 Et, demandant des tablettes, il écrivit : Jean est son nom. Et tous furent dans l’étonnement. [1.63 Voir Luc, 1, 13. ― Des tablettes, en grec pinakidion, planchette en bois de pin si l’on peut s’en rapporter à l’étymologie, probablement enduite de cire et sur laquelle on pouvait tracer des caractères avec un stylet.]64 Au même instant, sa bouche s’ouvrit, et sa langue se délia, et il parlait en bénissant Dieu. 65 Et la crainte s’empara de tous leurs voisins, et, dans toutes les montagnes de la Judée, toutes ces choses (merveilles) étaient divulguées. 66 Et tous ceux qui les entendirent les conservèrent dans leur cœur, en disant : Que pensez-vous que sera cet enfant ? Car la main du Seigneur était avec lui. 67 Et Zacharie, son père, fut rempli du Saint-Esprit, et il prophétisa, en disant : 68 Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de ce qu’il a visité et racheté son peuple, [1.68 Voir Psaumes, 73, 12.]69 et nous a suscité un puissant Sauveur (corne de salut) dans la maison de David, son serviteur, [1.69 Voir Psaumes, 131, 17. ― Une corne de salut ; c’est-à-dire un puissant sauveur. Chez les Hébreux, la corne était un symbole de la force. ― Dans la maison de David, dans sa postérité, en Jésus.]70 ainsi qu’il a dit par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens, [1.70 Voir Jérémie, 23, 6 ; 30, 10.]71 qu’il nous délivrerait de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent, 72 pour exercer sa miséricorde envers nos pères, et se souvenir de son alliance sainte, 73 selon le serment qu’il a juré à Abraham, notre père, de nous accorder cette grâce (faire pour nous), [1.73 Voir Genèse, 22, 16 ; Jérémie, 31, 33 ; Hébreux, 6, vv. 13, 17.]74 qu’étant délivrés de la main de nos ennemis, nous le servions sans crainte, 75 marchant devant lui dans la sainteté et la justice, tous les jours de notre vie. 76 Et toi, petit enfant, tu seras appelé le prophète du Très-Haut : car tu marcheras devant la face du Seigneur, pour préparer ses voies, 77 afin de donner à son peuple la connaissance du salut, pour la rémission de leurs péchés, [1.77 Voir Malachie, 3, 23 ; Luc, 1, 17.]78 par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, grâce auxquelles le soleil levant nous a visités d’en haut, [1.78 Voir Zacharie, 3, 8 ; 6, 12 ; Malachie, 3, 20.]79 pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort, pour diriger nos pas dans la voie de la paix. 80 Or l’enfant croissait, et se fortifiait en esprit ; et il demeurait dans les déserts, jusqu’au jour de sa manifestation à Israël. [1.80 Dans les déserts. Dans le désert de Judée. Voir Matthieu, 3, 1.]