Le livre des Nombres, ainsi appelé par les traducteurs grecs à cause des recensements qui font l'objet des premiers chapitres, est le plus complexe des livres du Pentateuque.
Si l'on s'en tient aux grandes lignes, on découvre trois parties :
— la première prolonge et achève la mise en place des institutions décrites dans l'Exode et le Lévitique : recensements (ch. 1 — 4), dédicace du sanctuaire (7), consécration des lévites (8) ;
— dans la deuxième, Israël quitte le Sinaï (10) pour traverser le désert où il devra errer pendant quarante ans (11 — 14 ; 16 — 17 ; 20). Il aboutit finalement en Transjordanie aux lisières du pays de Moab (21) ; c'est là que se situent les épisodes des bénédictions de Balaam (22 — 24) et de l'apostasie de Beth-Péor (25) ;
— la troisième commence par un nouveau recensement (26) et contient surtout les dispositions prises par Moïse pour le partage des territoires conquis (32) ou à conquérir (27 ; 34 — 36). On y trouve aussi le récit d'une expédition contre la tribu de Madiân (31) et le résumé des étapes de la marche d'Israël depuis l'Egypte jusqu'au bord du Jourdain (33).
Le livre a donc la forme d'un récit, mais le mouvement d'ensemble de celui-ci est souvent masqué par la complexité des détails. Il contient en outre de nombreux éléments législatifs : les uns sont incorporés au récit (Nb 17.3-5; 31.21-47) ; les autres, de rédaction plus récente, sont intercalés à divers endroits sans que soit évidente leur relation avec le contexte (ch. 5 ; 6 ; 9 ; 15 ; 18 ; 19 ; 28 — 30).
On peut éclairer beaucoup de détails et reconstituer en partie l'histoire du texte à l'aide des théories modernes de la critique du Pentateuque. Elles ne permettent pourtant pas de rendre compte de l'unité du livre. Le principe de cette unité est à chercher dans le sujet traité, que résume très exactement le titre hébreu du livre — c'est-à-dire ses premiers mots — : Dans le désert.
La majorité des textes rassemblés dans les Nombres concernent en effet la période pendant laquelle Israël a séjourné dans les déserts qui bordent la Palestine au sud et au sud-est.
Les événements de cette période sont difficilement saisissables par l'historien. Ce qui semble le plus assuré, c'est que diverses tribus semi-nomades se sont rencontrées dans la péninsule du Sinaï et dans le sud de la Transjordanie et qu'elles se sont progressivement associées pour former un peuple. Certaines s'étaient enfuies d'Egypte (vers 1230), d'autres venaient d'ailleurs. S'il est impossible de déterminer la durée exacte de ce processus, on peut avec la Bible le rattacher à des sites connus, spécialement les trois sites autour desquels gravitent les récits des trois parties des Nombres : le lieu saint du Sinaï (1 — 10), le groupe d'oasis de Qadesh (13 — 14 ; 20), la plaine de Moab dans la basse vallée du Jourdain (21 — 36).
De cette période où Israël a commencé à prendre consistance, la Bible s'attache surtout à donner la signification globale. Le séjour au désert a été pour Israël le lieu d'une expérience religieuse privilégiée qui garde une valeur pour toutes les générations suivantes. Souvent même, cette période sera présentée comme un idéal auquel il faudrait tenter de revenir, au moins partiellement. La Bible donne plusieurs interprétations de cette époque exceptionnelle : celle d'Osée (temps des fiançailles: Os 2.16-25 ; de même Jr 2.2-3), celle du Deutéronome (période d'éducation : Dt 8.2-6), celle d'Ezéchiel (temps de l'infidélité : Ez 20). Nombres, le seul livre entièrement consacré à ce thème, retient surtout trois aspects : Israël était alors un peuple en marche, sans installation permanente ; c'était un peuple isolé, soustrait à toute influence étrangère; c'était un peuple en formation chez qui beaucoup de problèmes fondamentaux restaient encore à résoudre.
Le livre est charpenté par une série de récits qui continuent ceux de l'Exode. Et ici, comme dans l'Exode, certains reconnaissent trois trames narratives: les traditions « sacerdotale » (P), « yahviste » (J) et « élohiste » (E). Mais elles sont plus étroitement amalgamées et dans l'ensemble, le récit est cohérent, sans redites. C'est surtout par leurs intentions théologiques que les trois traditions se distinguent. Pour J et E, il s'agit d'exposer l'histoire de la première génération d'Israël en laissant aux lecteurs le soin d'en tirer des leçons pour leur époque. P au contraire (de même E dans quelques cas) cherche à justifier les institutions qu'il recommande, en racontant leur origine et en décrivant leur fonctionnement.
Les trois traditions s'accordent sur les événements essentiels de la traversée du désert, qui apparaît comme une période de mise au point dont les faits saillants sont des crises souvent dramatiques. Les deux premières de ces crises figurent dans l'Exode (Ex 17 et 32), et les Nombres en comptent au moins dix autres: deux au ch. 11, une au ch. 12, une en 13 — 14, deux ou trois en 16 — 17, une en 20.2-13, une en 21.4-9, une ou deux en 25. Sans cesse le peuple refuse de marcher, de poursuivre une aventure qui l'effraie et à laquelle il ne croit plus ; il conteste l'autorité de ses chefs, leurs décisions et même le plan de Dieu. Les chefs, et surtout le Seigneur lui-même, auront à faire des coupes sombres dans ce peuple rétif: toute une génération sera condamnée. Mais le dessein de Dieu se réalisera quand même avec la génération suivante: le peuple atteindra le pays que le Seigneur lui destinait.
Le livre des Nombres est ainsi à la fois le tableau idéalisé du peuple saint, et l'histoire très réaliste de la première phase de son existence. Et c'est à ce double titre qu'il a un intérêt permanent. Dans la description idéalisée, le peuple de Dieu pourra toujours trouver un modèle. Non pas qu'il doive imiter servilement les institutions qui ont été l'expression concrète de l'idéal d'Israël; mais il peut y lire quelques-uns des principes auxquels il doit conformer sa vie. Ainsi l'Eglise aura toujours besoin des Nombres pour lui rappeler qu'elle est un peuple en marche, un peuple de prophètes régi par la parole de Dieu, voué au culte du Seigneur.
Dans le récit des révoltes du peuple en formation, le peuple de Dieu trouve un avertissement permanent. C'est déjà dans ce sens que les Prophètes et les Psaumes font appel aux événements de la période du désert (Mi 6.3-5; Ez 16 ; 20 ; 23 ; Ps 78.17-40; 81.12-17 ; 95.8 ; 106.14-33, etc.). C'est ce que fait encore saint Paul quand il renvoie les Corinthiens aux récits de l'Exode et des Nombres: « Ces événements leur arrivaient pour servir d'exemple et furent mis par écrit pour nous instruire » (1Co 10.11). Certes l'Eglise d'aujourd'hui n'a pas à chercher à reconnaître sa propre histoire dans les récits des Nombres. Mais les multiples crises traversées par l'Israël du désert sont l'effet de lois qui semblent bien valoir pour toute communauté de croyants rassemblés par la parole de Dieu; la réflexion des Nombres sur ces crises pourrait aider l'Eglise à mieux faire face à celles qu'elle doit traverser à son tour.
Un des messages les plus remarquables des Nombres, c'est le choix de ce peuple de pécheurs, mis à part pour porter la bénédiction à l'humanité entière et pour permettre à Dieu d'être présent au milieu des hommes. C'est un message que l'Eglise aura toujours besoin de réentendre pour rester fidèle à sa vocation de sainteté sans perdre de vue la réalité des hommes qu'elle rassemble.
1 Dans le désert du Sinaï, le Seigneur parla à Moïse dans la tente de la rencontre ; c'était le premier jour du deuxième mois, la deuxième année après leur sortie du pays d'Egypte. Il dit : [Nb 26.1-51 ; Ex 30.11-16 ; Lc 2.1-5.]
20 Ce qui donna pour les fils de Ruben, premier-né d'Israël : en relevant un par un les noms de tous les hommes de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
22 Pour les fils de Siméon : en relevant un par un les noms des hommes recensés, de tous les hommes de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
24 Pour les fils de Gad : en relevant les noms de tous ceux de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
26 Pour les fils de Juda : en relevant les noms de tous ceux de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
28 Pour les fils d'Issakar : en relevant les noms de tous ceux de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
30 Pour les fils de Zabulon : en relevant les noms de tous ceux de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
32 Quant aux fils de Joseph : pour les fils d'Ephraïm : en relevant les noms de tous ceux de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
34 Pour les fils de Manassé : en relevant les noms de tous ceux de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
36 Pour les fils de Benjamin : en relevant les noms de tous ceux de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
38 Pour les fils de Dan : en relevant les noms de tous ceux de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
40 Pour les fils d'Asher : en relevant les noms de tous ceux de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
42 Pour les fils de Nephtali : en relevant les noms de tous ceux de vingt ans et plus qui servaient dans l'armée, leurs listes généalogiques par clans et par familles
44 Voici donc les effectifs que recensèrent Moïse, Aaron et les douze responsables d'Israël — ils étaient un homme par tribu.
48 Le Seigneur parla à Moïse :
52 Les fils d'Israël camperont chacun dans son camp, chacun dans son groupe d'armée.
54 C'est ce que firent les fils d'Israël ; ils firent exactement ce que le Seigneur avait ordonné à Moïse.