De toutes les lettres de Paul parvenues jusqu'à nous, l'Epître à Philémon est la plus brève, la plus personnelle aussi. Pour autant, elle n'est pas une « lettre privée ». Paul s'adresse en effet aussi à l'« Eglise qui s'assemble dans la maison de Philémon » (Phm 1.2).
C'est sans doute de Rome ou de Césarée que Paul écrit cette lettre. Elle est en tout cas contemporaine de l'épître aux Colossiens: Paul est alors prisonnier (Col 4.3,10,18 ; Phm 1.9,10,13,18) et se trouve entouré des mêmes compagnons (Col 3.7-14 ; Phm 23-24). Philémon est un converti de Paul (Phm 19), et Paul l'appelle « son bien-aimé collaborateur » (Phm 1).
Les circonstances de la lettre demeurent quelque peu obscures. Il semble qu'Onésime, esclave de Philémon, se soit enfui de chez son maître et ait trouvé refuge auprès de Paul, qui s'est attaché à lui et en a fait son collaborateur. Il l'appelle « ce frère fidèle et très cher » (Col 4.9). Peut-être pour des raisons juridiques, Paul s'est décidé à renvoyer Onésime à son maître. Mais en même temps, il adresse à Philémon ce billet dans lequel il le prie d'accueillir l'esclave non seulement comme « un frère bien-aimé » mais, plus encore, comme si c'était Paul lui-même (Phm 17). Paul ne demande pas en termes exprès à Philémon d'affranchir Onésime, mais il ne doute pas que Philémon fera plus encore qu'il ne lui est demandé (Phm 21).
Les divers passages où Paul, dans ses épîtres, aborde le problème des relations entre les maîtres et les esclaves peuvent paraître timides (1Co 7.20-24 ; Ep 6.5-9; Col 3.22 — 4.1). S'il assure bien que, dans le Christ, toutes les frontières sont abolies, qu'il n'y a plus « ni esclave ni homme libre » (Ga 3.28), il semble n'en tirer aucune conséquence sur le plan extérieur et juridique, celui de la vie civile.
L'Epître à Philémon interdit toutefois une interprétation dualiste de la pensée de Paul, et c'est son originalité. Comme le relève Théo Preiss : « En fait, Paul ne juxtapose pas du tout le spirituel et le social : la fraternité, l'unité en Christ, s'empare plutôt de cette relation maître-esclave, la brise et l'accomplit sur un tout autre plan. Onésime sera considéré, non seulement comme un égal, un autre membre de la famille de Philémon, il sera pleinement frère. Il ne reste donc aucune marge de paternalisme : ce sera une totale fraternité. »
Si le Nouveau Testament n'est pas révolutionnaire, il ne saurait être qualifié de conservateur: tout ordre social se trouve radicalement mis en question par l'Evangile du Christ et son message d'amour.
1 Paul, prisonnier de Jésus Christ et Timothée, le frère, à Philémon, notre bien-aimé collaborateur, [Paul est en prison (Phm 1.13,22,23), mais c'est pour le service du Christ (Phm 1.13) ; voir Ep 3.1
— Timothée Ac 16.1]
— l'Eglise qui s'assemble dans ta maison Rm 16.5]
4 Je rends grâce à mon Dieu en faisant continuellement mention de toi dans mes prières, [Rm 1.8-9]
8 Aussi, bien que j'aie, en Christ, toute liberté de te prescrire ton devoir,
— Onésime : un esclave qui s'était enfui de chez son maître Philémon ; son nom signifie Utile, et fait jeu de mots au v : 11 : Voir Col 4.9]
17 Si donc tu me tiens pour ton frère en la foi, reçois-le comme si c'était moi.
22 En même temps, prépare-moi un logement : j'espère en effet, grâce à vos prières, vous être rendu.
— Aristarque Ac 19.29
— Démas Col 4.14
— Luc Col 4.14]