Le petit livre qui porte le nom de Ruth a pour objet principal de nous faire connaître la généalogie de David, le fondateur de la race royale, et de celle de Jésus-Christ. Cette généalogie, qui n’est point donnée par le livre des Rois, se lit ici, au chapitre 4, versets 18 à 21 ; elle est incomplète, car de Pharès, fils de Juda, jusqu’à David, elle ne comprend que dix membres, ce qui est insuffisant pour un intervalle de six à huit siècles ; mais l’auteur a voulu nous indiquer seulement les principaux ancêtres du grand roi, et établir qu’il descendait de Juda, fils de Jacob. L’histoire d’une Moabite, Ruth, a fourni à l’écrivain sacré l’occasion de raconter l’origine du véritable fondateur de la monarchie israélite. Elle vivait du temps des Juges ; c’est pourquoi ce livre est considéré comme une sorte d’appendice ou de supplément au livre même des Juges. Il est d’ailleurs impossible de fixer à quelle date précise se sont passés les événements mentionnés dans Ruth. Des critiques ont pensé que c’était pendant les invasions des Madianites qu’avait eu lieu la famine dont parle le premier verset du chapitre 1 ; Josèphe dit que Booz vivait du temps d’Héli, après la mort de Samson. On ne peut résoudre la question. Nous ne savons pas davantage quel est l’auteur de cet écrit. Le style ne ressemble ni à celui du livre des Juges ni à celui des deux premiers livres des Rois. Plusieurs l’ont attribué à Samuel, d’autres à Ezéchias, mais sans preuves. Il a été probablement composé peu après la mort de David, puisque la généalogie finale s’arrête à ce roi, chapitre 4, verset 22.
Le livre de Ruth nous fait pénétrer dans l’intérieur d’une famille bethléhémite et nous trace un tableau achevé de la vie domestique. C’est une ravissante idylle d’une incomparable fraîcheur, d’une grâce charmante, d’une délicate sobriété de touche, une œuvre d’art exquise. Le plus habile poète n’aurait pu imaginer des caractères mieux harmonisés et mieux choisis. Quelle belle figure que celle de Booz, homme de foi, plein de l’idée de Dieu, dont la pensée est présente à tous les détails de sa vie, diligent et soigneux dans la culture de ses terres, bon pour ses serviteurs, condescendant envers eux, aimé de tous ; libéral envers les étrangers, respectant le droit des autres et observant la loi jusque dans son amour pour Ruth, sa parente ! ― Quelle touchante et sympathique figure que celle de cette Moabite, d’un dévouement si généreux pour sa belle-mère et pour la mémoire de son époux, d’une modestie si simple, d’une patience si grande dans le support de la pauvreté, d’une docilité si candide aux avis de Noémi ! Cette étrangère, adoptée par le peuple de Jéhovah, à cause de ses vertus, destinée à devenir un des ancêtres du Messie, n’est pas seulement pour nous un beau caractère : elle est le gage de notre vocation à la foi, pour nous, gentils, qui avons été appelés comme elle de l’erreur à la vérité. ― Noémi est le type de la mère de famille, de la femme forte que devait chanter plus tard l’auteur des Proverbes ; c’est la femme religieuse, fidèle à remplir ses devoirs avec tact, sagesse et prudence, comptant toujours sur Dieu, dans l’adversité comme dans la prospérité. ― Et pour faire contraste à ces figures si attachantes, Orpha, qui n’est point méchante, mais qui n’a pas le cœur assez généreux pour suivre jusqu’au bout sa belle-mère, la quitte après l’avoir embrassée et renonce ainsi à la vraie religion, comme sans s’en douter, pour retourner chez elle, vers son peuple et « vers ses dieux, » et demeurer païenne.
« Le petit livre de Ruth, dit Roos, est placé au milieu de livres remplis de récits de guerres et d’autres grands événements comme un peinture gracieuse et incomparable d’honnêteté, de décence, de sagesse et de droiture… Cette belle histoire renferme des types de toutes les vertus nécessaires dans la vie domestique et sociale. C’est la gloire éternelle du Dieu d’Israël d’avoir été honoré, au milieu de la liberté dont son peuple jouissait à cette époque, par tant de chasteté, de justice, d’amour, de bienséance. Qu’étaient donc Noémi, Booz, Ruth ? C’étaient des paysans. Combien charmante est leur éloquence ! Combien touchante leur amitié ! Combien délicate leur conduite ! Quelle prudence et quel jugement ils manifestent ! »
1 Au temps où les juges gouvernaient, sous l’un d’entre eux il arriva une famine dans le pays (sur la terre). Et un homme partit de Bethléhem de Juda, et s’en alla avec sa femme et ses deux fils au pays des Moabites (pour y passer quelque temps). [1.1 De Juda, est ajouté à Bethléhem, parce qu’il y avait un autre Bethléhem dans la tribu de Zabulon. ― Bethléhem, gracieux village, à deux heures environ de Jérusalem au sud, bâti sur une double colline, tapissée de vignes et d’oliviers. Voir Matthieu, note 2.1. ― Moab, à l’est de la mer Morte.]