Bible en français courant – Tobie 1
Tobit
L'histoire de Tobit et de son fils Tobie présente en bien des passages l'aspect d'un conte populaire. C'est un récit édifiant qui met en scène une famille d'Israélites fidèles, déportés à Ninive par les Assyriens dès avant la ruine de Samarie (722 avant J.-C.). Dans les malheurs qui frappent cette famille, Tobit et son fils s'appliquent à respecter pieusement les prescriptions de la loi juive. Ils sont aidés dans la réalisation de leurs projets par le pouvoir merveilleux de l'ange Raphaël, qui intervient en leur faveur sous les traits d'un de leurs frères en la foi.
Le livre de Tobit veut apporter ainsi un enseignement et un encouragement aux Juifs qui vivent isolés à l'étranger. Il rappelle les règles de vie que doivent suivre tous les Israélites fidèles : respect des parents, aumône et prière, service du prochain, mariage conforme à la volonté de Dieu. En vivant selon ces principes, les membres du peuple de Dieu conserveront leur identité au milieu des populations païennes chez lesquelles ils vivent, mais ils resteront aussi ces fidèles, ces justes, que Dieu ne manque jamais de secourir.
Le livre de Tobit nous a été transmis sous deux formes : une brève, représentée par presque tous les manuscrits grecs, et une longue, conservée dans le Sinaiticus. C'est cette dernière, probablement plus proche de l'original, qui a été suivie ici.a [a On a trouvé à Qumrân des fragments hébreux (1 manuscrit) et araméens (4 manuscrits) du livre de Tobit.]
1 Voici l'histoire de Tobit, fils de Tobiel et petit-fils d'Ananiel, lui-même fils d'Adouël et petit-fils de Gabaël, tous du clan d'Asiel, de la tribu de Neftalia. [b Neftali : voir Jos 19.32 et la note.] 2 Il habitait le pays de Neftali en Haute-Galilée, dans la ville de Tisbé, entre Cadès au nord, Hassor à l'ouest et Fogor au sud. C'est de là qu'il fut déporté en Assyrie à l'époque de Salmanasar, roi de ce paysb. [c Salmanasar V fut aussi roi d'Assyrie de 726 à 722 avant J.-C. D'après 2 Rois 15.29, ce fut son prédécesseur, Téglath-Phalasar III, qui déporta les habitants de Neftali en Assyrie.]
Les souvenirs de Tobit
3 Moic, Tobit, j'ai pratiqué l'honnêteté et les bonnes œuvres toute ma vie, et j'ai souvent donné de l'argent à mes frères de race, déportés en même temps que moi à Ninive, au pays des Assyriens. [d Le récit est mis dans la bouche de Tobit lui-même jusqu'en 3.6.] 4 Dans ma jeunesse, quand j'habitais encore mon pays d'Israël, toute la tribu de Neftali, mon ancêtre, rompit avec la famille royale de David et avec Jérusalem. Pourtant cette ville était la seule que Dieu avait choisied en Israël pour que toutes les tribus viennent y offrir des sacrifices. C'est là que le temple, la demeure de Dieu, avait été bâti et consacré pour toutes les générations à venir. [e rompit avec le maison royale : les versets 4 et 5 évoquent le récit rapporté en 1 Rois 12 et particulièrement les versets 26 à 33. — ville... que Dieu avait choisie : voir Deut 12.5-11 ; 1 Rois 11.13,32,36.] 5 Sur toutes les montagnes de Galilée, ma famille, ainsi que toute la tribu de Neftali, mon ancêtre, offrait des sacrifices au veau d'or que Jéroboam, roi d'Israël, avait fait installer dans le lieu sacré de Dan. 6 Quant à moi, j'étais souvent le seul à me rendre à Jérusalem aux jours de fête, comme la loi l'a prescrit pour toujours à tout Israële. J'y apportais fidèlement les premiers fruits de mes récoltes, les premiers-nés de mes troupeaux, la dixième partie de mon bétail et la première laine de mes moutons. [f l'a prescrit à Israël : voir Deut 16.16.] 7 Je donnais cela aux prêtres, les descendants d'Aaron, pour les sacrifices. J'apportais aussi la dixième partie du blé, du vin, des olives, des grenades, des figues et des autres fruits, pour la remettre aux lévites en service à Jérusalem. Je vendais un second dixième de mes biens, celui qui est dû six ans sur sept, et je dépensais chaque année à Jérusalem l'argent ainsi obtenu. 8 Enfin je donnais un troisième dixième aux orphelins, aux veuves et aux étrangers convertis à la foi d'Israël. Je l'apportais tous les trois ans pour que nous prenions un repas ensemble, comme la loi de Moïse le prescritf et comme Débora, ma grand-mère paternelle, me l'avait enseigné. En effet, Ananiel, mon père, était mort, me laissant orphelin. [g La pratique des trois dîmes, mentionnée aux versets 6 à 8, s'inspire de la réglementation de Deut 14.22-29.] 9 Parvenu à l'âge d'homme, j'épousai une femme de ma tribu. Elle me donna un fils que j'appelai Tobie.
10 Plus tard, lorsque je fus déporté en Assyrie, je vins habiter Ninive. Dans cette ville, toute ma parenté et mes compatriotes mangeaient la même nourriture que les païens, 11 mais moi, je me gardais bien de le faireg. [h Voir Judith 12.1-2 et la note.] 12 Je restais entièrement fidèle à mon Dieu, 13 et c'est pourquoi le Très-Haut attira sur moi la bienveillance de Salmanasarh. Celui-ci me chargeait d'acheter tout ce qui lui était nécessaire. [i Comparer Gen 39.4 ; 41.39-40 ; Dan 2.48.] 14 Jusqu'à sa mort j'allais en Médiei faire des achats pour lui. Dans ce pays, je confiai un jour, dans des sacs, trois cents kilos de pièces d'argent à Gabaël, le frère de Gabri. [j Médie : pays situé à l'est de l'Assyrie et au sud de la mer Caspienne.] 15 A la mort du roi Salmanasar, son fils Sennakéribj lui succéda. Les routes de Médie devinrent alors si peu sûres que je dus cesser d'aller dans ce pays. [k Sennakérib : historiquement, le successeur de Salmanasar V fut Sargon II (722-705 avant J.-C.), qui fut le prédécesseur de Sennakérib (704-681 avant J.-C.)]
16 Déjà du temps de Salmanasar, je donnais souvent de l'argent à mes frères de race. 17 Je partageais mon pain avec les affamés et je procurais des vêtements à ceux qui en manquaient. Si j'apercevais le cadavre d'un de mes compatriotes jeté hors des murs de Ninive, je l'enterraisk. [l je partageais mon pain : comparer És 58.7 ; Job 31.16-20 ; Matt 25.35-36. — si j'apercevais... je l'enterrais : voir la note sur Jér 8.2.] 18 J'enterrai aussi ceux que tua Sennakérib. Celui-ci avait insulté Dieu, le roi du ciel, en Judée. Pour le punir, Dieu l'obligea à quitter précipitamment ce paysl. De retour à Ninive, Sennakérib, en colère, tua de nombreux Israélites. Moi, j'emportais leur corps en cachette et je les enterrais. Le roi les faisait rechercher, mais on ne les trouvait pas. [m Voir 2 Rois 19.35-36.] 19 Quelqu'un de Ninive alla lui dire que c'était moi qui les enterrais et je dus me cacher. Mais quand j'appris que le roi possédait des renseignements sur mon compte et me faisait rechercher pour me mettre à mort, je pris peur et je m'enfuis. 20 Tous mes biens sans exception furent confisqués au profit du roi. Seuls me restèrent Anna, ma femme, et mon fils Tobie. 21 Moins de quarante jours plus tard, le roi fut assassiné par deux de ses fils, qui s'enfuirent dans les montagnes d'Araratm. Un autre de ses fils, Asarhaddon, devint roi à sa place. Il confia à Ahikar, fils de mon frère Anaël, toute l'administration de son royaume et la responsabilité des affaires financières. [n Voir 2 Rois 19.37 et la note.] 22 Ahikar intervint en ma faveur et je pus revenir à Ninive. Il faut savoir que, sous le règne de Sennakérib, Ahikar avait été grand échanson, garde du sceau royaln, chef de l'administration et des finances en Assyrie. C'est lui qu'Asarhaddon venait de confirmer dans ses fonctions. De plus, Ahikar était de ma famille, il était mon propre neveu. [o échanson : voir Néh 1.11 et la note. — sceau : voir Apoc 5.1 et la note.]