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Vigouroux – Tobie 1

Livre de Tobie

Introduction

Le livre de Tobie a été composé en chaldéen, d’après saint Jérôme ; il l’a été en hébreu, d’après un certain nombre de critiques ; en grec, d’après quelques autres. Cette dernière opinion est fausse. Quant aux deux premières, on n’apporte aucun argument décisif en faveur de l’une ni de l’autre ; les savants modernes penchent cependant plus communément pour l’original hébreu.

Quoiqu’il en soit, le texte primitif est perdu. Un texte chaldéen, découvert en 1877, et publié en 1878, n’est certainement pas le texte original. Les anciennes versions de ce livre sont sensiblement différentes les unes des autres ; les noms propres ne se ressemblent pas toujours entre eux, et la critique ne peut réussir, en plus d’un cas, à découvrir quelle était la leçon authentique. La plupart des objections qu’on fait contre cette histoire n’ont pas d’autre fondement que les altérations provenant de la variété des leçons ou des négligences des copistes. Le nom de Tobie est en hébreu Tobiyah. Il signifie : « Jéhovah est bon. »

La réalité de son histoire est attestée par les détails minutieux du récit, par la généalogie du principal personnage, qui est longuement donnée dans le texte grec le plus complet par les renseignements précis sur la géographie, l’histoire, la chronologie, etc.

Plusieurs critiques modernes retardent jusqu’au temps d’Adrien, qui régna de 117 à 138 de notre ère, la composition du livre de Tobie. Ils s’appuient sur des raisons futiles, tirées de la tendance qu’ils attribuent l’auteur, celle, par exemple, de montrer que l’ensevelissement des morts est une œuvre agréable à Dieu, comme si on l’on avait eu besoin d’attendre l’époque de l’empereur Adrien pour soupçonner que c’était là un acte de charité !

La tradition a toujours attribué à Tobie père et fils la rédaction de leur histoire ; 1° parce que, dans toutes les versions (celle de saint Jérôme, et en partie, le nouveau texte chaldéen exceptés), Tobie parle à la première personne, depuis le chapitre Ier jusqu’au commencement de l’histoire de Sara. Le texte grec, chapitre 12, verset 20, porte que l’ange Raphaël commanda à Tobie d’écrire son histoire, et l’on ne peut douter qu’il n’ait obéi à cet ordre, comme l’insinue le verset suivant, chapitre 13, verset 1, dans les éditions grecques. Le livre de Tobie a donc été écrit très probablement dans les premiers temps qui suivirent la déportation des Israélites du nord en Assyrie, puisque c’est à cette époque que vivait le héros de cette histoire, et qu’il en est vraisemblablement l’auteur. Les deux derniers versets, voir Tobie, 14, 16-17, sont d’une main étrangère. ― Le concile de Trente a déclaré contre les protestants le livre de Tobie canonique.

Ce livre forme un tout parfaitement coordonné et disposé avec un art admirable. Il est partagé en six sections formant autant de tableaux : Vertus et épreuves de Tobie ; vertus et épreuves de Sara ; voyage du jeune Tobie en Médie ; son mariage avec Sara ; son retour à Ninive ; conclusion : manifestation de l’ange Raphaël, dernières années de Tobie.

L’histoire de Tobie nous offre un parfait modèle de la vie domestique et renferme les exemples les plus instructifs et les plus touchants de toutes sortes de vertus.

Son but direct est d’apprendre aux Juifs à honorer Dieu, au milieu même des païens, pour leur faire connaître la vérité, comme le chante Tobie dans son cantique d’actions de grâce, qui peut être considéré comme l’épilogue de son livre, voir Tobie, 13, 3-4.

Mais en même temps que l’auteur poursuit ce but élevé, il en atteint un autre, presque sans y penser, celui d’édifier ses lecteurs, non pas seulement ceux qui vivraient, comme lui et avec lui, captifs au milieu des Assyriens, mais ceux de tous les temps et de tous les lieux, par sa patience, et par des exemples de toutes les vertus. ― « [Le livre de Tobie] nous offre un tableau intime des vertus, des souffrances et des joies de l’exil de Tobie. Ce n’est pas le froid récit d’événements fortuitement rapprochés, mais le tableau plein de simplicité et de grandeur des épreuves d’un homme juste et miséricordieux. Tobie est un second Job, dont les malheurs et le salut sont liés à des événements qui font en même temps de son histoire le manuel des [époux]. L’exemple du jeune Tobie montre comment doivent se contracter et se célébrer les unions agréables à Dieu. L’humanité, l’amour paternel, la piété filiale, la douceur et la probité des deux Tobie sont le développement de la pensée fondamentale du livre ; la confiance en Dieu ne peut tourner à la confusion du juste. Ainsi ce livre devient le livre élémentaire des parents qui veulent fonder une famille agréable à Dieu et marcher courageusement au devant des épreuves de la vie. » (HANEBERG.) ― Mais il n’est pas seulement le guide des pères et des mères, il renferme aussi des exemples et des enseignements pour tous ; l’aumône y est recommandée avec insistance, voir Tobie, 1, 16-17 ; 2, 1-2 ; 4, vv. 7-12, 17&nbp;; 12, 8-9 ; le grand précepte de la charité y est donné sous forme négative, voir Tobie, 4, 16 ; la prière revient constamment pour attirer les bénédictions de Dieu sur toutes les affaires importantes, voir Tobie, 4, 20 ; 3, vv. 1-6, 11, 13-23 ; 6, 18 ; 8, 6-10, etc. ; la fuite de tout péché est recommandée comme celle du seul mal véritable, voir Tobie, 4, 23, etc. ― L’intervention d’un ange, envoyé de Dieu, est un des traits principaux du livre de Tobie, qui nous révèle ainsi, d’une manière manifeste, la doctrine des anges gardiens. ― Cette histoire est, comme celle de Job, une justification de la Providence.

« L’histoire de Tobie est un des plus beaux monuments de la littérature juive. Les caractères sont très simples, mais dessinés avec une grande habileté. Le pieux et infortuné Tobie, sa femme également pieuse, mais impatiente et un peu acariâtre, sont des personnes réelles. Fort simple, le récit est très heureusement disposé. » (NŒLDEKE.)

Origine de Tobie. Sa fidélité à la loi. Naissance de son fils. Il demeure fidèle dans sa captivité. Situation où il se trouve sous Salmanasar, sous Sennachérib, et après la mort de ce prince.

1 Tobie, de la tribu et d’une ville de Nephthali, qui est dans la haute Galilée au-dessus de Naasson, derrière le chemin qui conduit à l’occident, ayant à sa gauche la ville de Séphet, [1.1 Première section : « Vertus et épreuves de Tobie », du chapitre 1 au chapitre 3, verset 6. ― Tobie signifie en hébreu « Jéhovah est bon. » ― De la ville de Nephthali. Il faut entendre d’une ville de la tribu de Nephthali, parce qu’il n’y avait pas de ville qui portât ce nom. D’après plusieurs modernes, Tobie pouvait être originaire de Cadès de Nephthali, ainsi surnommée pour la distinguer de Cadès d’Issachar. ― Naasson est inconnue. ― Séphet, d’après l’opinion commune, est la ville encore aujourd’hui importante de Safed, où il y a une nombreuse colonie juive, dans un climat très sain, à cause de sa situation qui est la plus élevée de la Galilée, à 845 mètres d’altitude.]2 fut emmené captif au temps de Salmanasar, roi des Assyriens ; et, même dans sa captivité, il n’abandonna pas la voie de la vérité ; [1.2 Voir 4 Rois, 17, 3 ; 18, 9. ― Dans les jours de Salmanasar, roi des Assyriens, qui régna de 727 à 723 ou 722 avant Jésus-Christ.]3 en sorte qu’il distribuait tous les jours ce qu’il pouvait avoir à ses frères, à ceux de sa nation qui étaient captifs avec lui. 4 Et quoiqu’il fût le plus jeune de tous dans la tribu de Nephthali, il ne fit rien paraître de puéril dans ses actes. 5 Car lorsque tous allaient aux veaux d’or que Jéroboam, roi d’Israël, avait faits, il (lui seul) fuyait seul la compagnie de tous. [1.5 Voir 3 Rois, 12, 28.]6 Et il allait à Jérusalem au temple du Seigneur, et il y adorait le Seigneur, le Dieu d’Israël, offrant fidèlement les prémices et les dîmes de tous ses biens, 7 et, la troisième année, il distribuait toute sa dîme aux prosélytes et aux étrangers. 8 Il observait ces choses et d’autres semblables conformément à la loi de Dieu, n’étant encore qu’un enfant. 9 Mais, lorsqu’il fut devenu homme, il épousa une femme de sa tribu, nommée Anne, et en eut un fils auquel il donna son nom. 10 Et il lui apprit dès son enfance à craindre Dieu, et à s’abstenir de tout péché. 11 Lors donc qu’ayant été emmené captif avec sa femme, son fils et toute sa tribu, il fut arrivé dans la ville de Ninive, [1.11 Où il se trouva. Ces mots nous paraissent nécessaires pour le vrai sens du texte. D’abord la construction même de la phrase semble s’opposer à ce qu’on rattache l’expression avec toute sa tribu aux mots avec sa femme et son fils. En second lieu, il est certain que la tribu de Nephthali, à laquelle appartenait Tobie, avait été déjà auparavant transportée en Assyrie par Théglathphalasar, qui en était le roi. Voir 4 Rois, 15, 29. ― Avec toute sa tribu, peut mieux s’entendre avec tout ce qui restait de sa tribu en Palestine, car Téglathphalasar n’avait pas déporté absolument tous les Nephthalites. ― Ninive, capitale de l’Assyrie, sur le Tigre.]12 quoique tous mangeassent des mets des Gentils, il garda néanmoins son âme, et il ne se souilla jamais de leurs mets. [1.12 Des aliments des Gentils ; c’est-à-dire des viandes défendues par la Loi aux Juifs (voir Lévitique, chapitre 11).]13 Et parce qu’il se souvint de Dieu de tout son cœur, Dieu lui fit trouver grâce devant le roi Salmanasar, 14 qui lui donna pouvoir d’aller partout où il voudrait, et la liberté de faire (tout) ce qu’il lui plairait. 15 Il allait donc trouver tous ceux qui étaient captifs, et leur donnait des avis salutaires. 16 Or il vint à Ragès, ville des Mèdes, ayant dix talents d’argent qui provenaient des dons qu’il avait reçus du roi. [1.16 De ce dont, etc. ; des appointements attachés à son emploi. ― Ragès, aujourd’hui Reï, s’élevait non loin de l’emplacement actuel de Téhéran. On y voit encore des restes de fortifications antiques. Elle est mentionnée comme une ville très ancienne dans le Zend Avesta et son nom se lit dans les inscriptions cunéiformes de Darius, fils d’Hystaspe. Séleucus Nicator la rebâtit et lui donna le nom d’Europos. Les Mongols la détruisirent presque complètement en 1220.]17 Et parmi le grand nombre de ceux de sa race, voyant que Gabélus, qui était de sa tribu, (était dans le besoin,) il lui donna sous son seing cette somme d’argent. 18 Mais, longtemps après, le roi Salmanasar étant mort, et Sennachérib, son fils, qui régna après lui, ayant une grande haine contre les fils d’Israël, [1.18 Sennachérib, roi de Ninive, régna de l’an 705 à l’an 681 avant Jésus-Christ. Il n’était pas fils de Salmanasar, mais de Sargon. Ce nom de Salmanasar a été altéré par les copistes, comme le prouve le texte grec, qui porte Enémessaros.]19 Tobie allait visiter presque tous les jours tous ceux de sa parenté, les consolait, et distribuait de son bien à chacun d’eux selon son pouvoir. 20 Il nourrissait ceux qui avaient faim, il donnait des vêtements à ceux qui étaient nus, et ensevelissait soigneusement ceux qui étaient morts ou qui avaient été tués. 21 Car le roi Sennachérib étant revenu de la Judée, fuyant la plaie dont Dieu l’avait frappé pour ses blasphèmes, il faisait tuer dans sa colère beaucoup des fils d’Israël, et Tobie ensevelissait leurs corps. [1.21 Voir Ecclésiastique, 48, 24 ; 2 Machabées, 8, 19. ― La plaie, etc. ; la destruction miraculeuse de son armée. Voir 4 Rois, 19, 35-36.]22 Mais, lorsque le roi l’apprit, il ordonna de le tuer, et il lui ôta tout son bien. 23 Alors Tobie s’enfuit avec son fils et sa femme, et, dépouillé de tout, il put se cacher, parce qu’un grand nombre l’aimaient (le chérissaient). 24 (Or) Quarante-cinq jours après, le roi fut tué par ses fils ; [1.24 Voir 4 Rois, 19, 37 ; 2 Paralipomènes, 32, 21 ; Isaïe, 37, 38. ― Après quarante-cinq jours. Les différents textes de Tobie donnent un nombre de jours différents. Ces jours ne s’appliquent pas d’ailleurs au temps qui s’écoula depuis le retour de Sennachérib dans ses états, après la destruction de son armée en Palestine, mais au temps qui s’écoula depuis la spoliation de Tobie.]25 et Tobie revint dans sa maison, et on lui rendit tout son bien.

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