Écrit en grec, ce livre vit le jour entre 150 et 50, dans l'importante communauté juive d'Alexandrie. On y jouissait d'une enviable autonomie, religieuse, fiscale et judiciaire, qui n'allait pas sans provoquer la jalousie, voire la haine, de la population païenne. Si les Juifs alexandrins répugnaient au paganisme ambiant, leurs mœurs, parfois même leurs idées, allaient s'hellénisant. Par contre, l'ensemble des païens les moquaient, sinon les persécutaient ; ainsi en fut-il lorsque Ptolémée VII commença de régner seul en 145, et, plus sourdement, de 88 à 30. Cependant une élite subissait l'attirance du monothéisme mosaïque. C'est pour répondre à cette situation complexe qu'un Juif hellénisé inconnu écrivit cette œuvre inspirée ; il entendait au premier chef consoler et fortifier les Juifs fidèles d'Alexandrie, en butte à l'hostilité des Égyptiens comme à celle de leurs propres compatriotes traîtres à la religion des pères ; peut-être aussi s'adressait-il secondairement aux païens sympathisants, pour les acheminer vers le monothéisme d'Israël, source unique de salut. ♦ Son ouvrage se divise en trois parties : 1° I – V : Sagesse et destinée individuelle : la vie véritable consiste à accomplir la volonté divine sous la direction de la Sagesse ; c'est l'assurance de l'immortalité avec Dieu : ainsi se trouve résolu l'angoissant problème de la rétribution ; 2° VI – IX : Panégyrique de la Sagesse par Salomon ; sous cette fiction littéraire, l'auteur montre les attraits de la Sagesse, et définit sa nature et son rôle ; 3° X – XIX : Interventions de la Sagesse dans l'histoire d'Israël : toujours et partout, elle n'a cessé de faire œuvre de délivrance ; mais Dieu exercera son jugement contre l'idolâtrie sous toutes ses formes. C'est une leçon d'espérance pour les Juifs opprimés, un appel aux païens pour participer aux lumières révélées à Israël. ♦ On doit reconnaître une certaine influence de l'hellénisme : l'auteur a une culture grecque ; il utilise parfois le vocabulaire philosophique de son temps pour mieux exprimer l'enseignement de ses pères ; peut-être même la pensée hellénique l'a-t-elle excité à préciser la doctrine de l'immortalité et celle de la Sagesse divine. Mais par ses sources, inspirées ou non, et par sa mentalité, il se rattache très étroitement à la Loi ancienne et au Judaïsme ; il les développe, toutefois, et les dépasse par sa doctrine de la Providence et du sens de la vie, de la recherche de Dieu et de la chasteté, et tout spécialement par ce qu'il enseigne sur les fins dernières et la Sagesse. On y trouve l'annonce d'un jugement particulier au moment où chacun meurt, et du Jugement général ; en assurant que le plan divin primitif, où la mort n'avait point de place, sera restauré, il affirme, implicitement, que la résurrection des morts précédera le jugement général. Quant à la Sagesse, si la théologie trinitaire est assurément étrangère au Judaïsme, on doit y reconnaître du moins un pressentiment très net, voulu par Dieu, de la pluralité des Personnes divines, On est avec ce livre au seuil du Nouveau Testament ; les premiers rayons de la lumière évangélique l'illuminent déjà.
1 Aimez la justice, vous qui gouvernez la terre, Ayez sur le Seigneur des sentiments dignes de lui, et cherchez-le avec un cœur simple,
6 La sagesse est un esprit qui aime les hommes ; elle ne laissera pas impunies les paroles du médisant, parce que Dieu sonde ses reins, qu'il pénètre le fond de son cœur, et qu'il entend les paroles de sa langue.
12 Cessez de chercher la mort avec tant d'ardeur dans les égarements de votre vie, et n'employez pas les travaux de vos mains à acquérir ce qui doit vous perdre. [12-16. Dieu veut la vie et il n'y a dans les créatures aucun principe de perdition. La mort dont il s'agit ici est certainement en premier lieu la mort physique ; mais l’auteur n'en sépare point la perte éternelle de l'âme, car le juste, affirmera-t-il plus loin, ne meurt vraiment pas. C'est donc le pécheur lui-même qui fixe son sort éternel.]