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Bible de Jérusalem – Ésaïe 10

10 Malheur à ceux qui décrètent des décrets d’iniquité,
qui écrivent des rescrits d’oppression
2 pour priver les faibles de justice
et frustrer de leur droit les humbles de mon peuple,
pour faire des veuves leur butin
et dépouiller les orphelins.
3 Que ferez-vous au jour du châtiment,
quand le malheur viendra de loin ?
Vers qui fuirez-vous pour demander secours
et où laisserez-vous vos richesses,
4 pour ne pas ramper parmi les prisonniers,
tomber parmi les tués ?
Avec tout cela sa colère ne s’est pas détournée,
sa main reste levée.

Contre le roi d’Assyrie.n

5 Malheur à Assur, férule de ma colère ;
c’est un bâton dans leurs mains que
ma fureur.

n Il s’agit vraisemblablement de Sennachérib et de l’invasion de 701. Comparer les vv. 8-11 avec 36.18-20. Sans le savoir, le roi d’Assyrie est un instrument qui exécute les jugements de Dieu contre le peuple rebelle, cf. 13.5 ; 5.26 ; 7.18 ; 8.7. De même, pour Jérémie, Nabuchodonosor sera un fléau entre les mains de Yahvé, Jr 51.20 ; 50.23 ; il sera même son serviteur, Jr 25.9 ; 27.6 ; 43.10. Mais cette mission dont l’envahisseur n’est pas conscient ne supprime pas sa responsabilité. Son orgueil et sa cruauté seront châtiés au jour choisi par Dieu, v. 12.

6 Contre une nation impie je l’envoyais,
contre le peuple objet de mon emportement je le mandais,
pour se livrer au pillage et rafler le butin,
pour les piétiner comme la boue des rues.
7 Mais lui ne jugeait pas ainsi, et son cœur n’avait pas cette pensée,
car il rêvait d’exterminer, d’extirper des nations sans nombre.
8 Car il disait :
« N’est-ce pas que tous mes chefs sont des rois ?
9 N’est-ce pas que Kalno vaut bien Karkémish,
que Hamat vaut bien Arpad, et Samarie Damas ?o

o Isaïe cite les villes puissantes qui ont été ravagées par les Assyriens lors des campagnes précédentes Kalno, en Syrie du nord, prise en 738 par Téglat-Phalasar ; Karkémish, sur l’Euphrate, prise par Sargon en 717 ; Hamat, sur l’Oronte, prise par Sargon en 720 ; Arpad, près d’Alep, déjà assiégée et prise par Téglat-Phalasar avant la guerre syro-éphraïmite ; Samarie, tombée en 721 et Damas, en 732.

10 Comme ma main a atteint les royaumes des faux dieux,p
où il y a plus d’idoles qu’à Jérusalem et à Samarie,

p Isaïe fait parler ce roi assyrien comme un bon yahviste pour lequel les dieux étrangers étaient des « rien-du-tout », elilim, désignation fréquente des idoles chez Isaïe.

11 comme j’ai agi envers Samarie et ses faux dieux,
ne puis-je pas agir aussi envers Jérusalem et ses statues ? »

12 Mais lorsque le Seigneur achèvera toute son œuvre sur la montagne de Sion et à Jérusalem, il châtieraq le fruit du cœur orgueilleux du roi d’Assur et la morgue de ses regards arrogants.

q « il châtiera » grec ; « je châtierai » hébr. — Tout ce v. en prose doit être une addition.

13 Car il a dit :
« C’est par ma main puissante que j’ai fait cela,
par ma sagesse, car j’ai agi avec intelligence.
Je supprimais les frontières des peuples ;
j’ai saccagé leurs trésors ;
comme un puissant je soumettais les habitants.
14 Ma main a cueilli, comme au nid, les richesses des peuples,
et comme on ramasse des œufs abandonnés, j’ai ramassé toute la terre ;
pas un n’a battu des ailes, ni ouvert le bec pour pépier. »
15 Fanfaronne-t-elle, la hache, contre celui qui la brandit ?
Se glorifie-t-elle, la scie, aux dépens de celui qui la manie ?
Comme si le bâton faisait mouvoir ceux qui le lèvent,
comme si le gourdin levait ce qui n’est pas de bois !
16 C’est pourquoi le Seigneur Yahvé Sabaot enverra contre ses hommes gras la maigreur,
et sous sa gloire un brasier s’embrasera, comme s’embrase le feu.
17 La lumière d’Israël deviendra un feu et son Saint une flamme,
elle brûlera et consumera ses épines et ses ronces en un jour.
18 La luxuriance de sa forêt et de son verger, il l’anéantira corps et âme,
et ce sera comme un malade qui s’éteint.
19 Le reste des arbres de sa forêt sera un petit nombre, un enfant l’écrirait.r

r Certains pensent que les vv. 16-19 ne visent plus le roi d’Assur mais Juda.

Le petit reste.s

20 Ce jour-là, le reste d’Israël et les survivants de la maison de Jacob
cesseront de s’appuyer sur qui les frappe ;
ils s’appuieront en vérité sur Yahvé, le Saint d’Israël.

s Ce bref oracle paraît être un commentaire du nom donné par Isaïe à son fils aîné Shéar-Yashub, « un reste reviendra », cf. 7.3. La théologie du « reste », chère à Isaïe, cf. 4.3, est ici résumée avec ses deux aspects annonce d’un châtiment exemplaire qui ne laissera subsister qu’un petit reste, vv. 22-23, et promesse, pour ce reste, d’une conversion (yashûb, « il reviendra ») accompagnée d’un pardon et de nouvelles bénédictions, vv. 20-21.

21 Un reste reviendra, le reste de Jacob, vers le Dieu fort.
22 Mais ton peuple serait-il comme le sable de la mer, ô Israël,
ce n’est qu’un reste qui en reviendra :
destruction décidée, débordement de justice !
23 Car c’est une destruction bien décidée
que le Seigneur Yahvé Sabaot exécute au milieu de tout le pays.

Confiance en Dieu.t

24 C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur Yahvé Sabaot :
Ô mon peuple qui habites en Sion, n’aie pas peur d’Assur !
Il te frappe du bâton, il lève le gourdin contre toi (sur le chemin d’Égypte) ;u

t Cet oracle semble avoir été prononcé au temps qui précéda l’attaque de Sennachérib en 701.

u Glose tirée du v. 26.

25 mais encore quelques instants et la fureur prendra fin,
et ma colère causera leur perte.
26 Yahvé Sabaot va brandir contre lui un fouet,
comme il frappa Madiân au Rocher d’Oreb ;
il va brandir son bâton contre la mer,
comme il l’a levé sur le chemin d’Égypte.v

v Tout le v. est une addition qui interrompt le développement, et cf. 4.5.

27 Ce jour-là,
son fardeau glissera de ton épaule et son joug de ta nuque,
et le joug sera détruitw (...)

w Les derniers mots du v. sont incompréhensibles (litt. « devant la graisse »). On a proposé de rattacher « sera détruit » à la phrase précédente et de lire ensuite en corrigeant « il est monté en face de Samarie », qui serait le début du développement suivant.

L’invasion.x

28 Il est arrivé sur Ayyat, il a passé à Migrôn,
à Mikmas il a laissé ses bagages.

x Les vv. 28-32 décrivent la marche de l’envahisseur. S’il s’agit de l’attaque de Sennachérib, cf. 10.5, cette route n’est pas celle que son armée a suivie, cf. 2 R 18.17, mais la description idéale d’une invasion venant du Nord, cf. 14.31. Les villes ne sont pas toutes localisées ; la dernière, Nob, est sur le mont Scopus d’où l’on domine Jérusalem.

29 Ils ont passé par le défilé, Géba est pour nous une étape,
Rama a frémi, Gibéa de Saül a fui.
30 Fais retentir ta voix, Bat-Gallim, sois attentive, Laïsha !
Réponds-lui, Anatot !y

y « réponds-lui » `anîha syr. ; « malheureuse » `anîyyah hébr.

31 Madména s’est enfuie ;
les habitants de Gébîm se sont mis à l’abri.
32 Aujourd’hui même, à Nob, lors d’une halte,
il agitera la main vers la montagne de la fille de Sion,
la colline de Jérusalem.
33 Voici que le Seigneur Yahvé Sabaot émonde la frondaison avec violence,
les plus hautes cimes sont coupées, les plus fières sont abaissées.
34 Ils seront coupés par le fer, les halliers de la forêt,
et sous les coups d’un Puissant, le Liban tombera.

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