Vigouroux – Ésaïe 11
Rejeton de la tige de Jessé. Les nations viennent à lui. Restes d’Israël et de Juda rassemblés et réunis.
11 Il sortira un rejeton de la tige (racine) de Jessé, et une fleur naîtra de sa racine. [11.1-16 Tout le chapitre 11 est consacré à dépeindre le Messie et les biens qu’il apportera à la terre : 1° Il sortira de la race de Jessé, ancêtre de David. ― 2° Ce rejeton de la tige de Jessé sera rempli des dons du Saint-Esprit, versets 2 et 3. ― 3° Le Messie apportera avec lui dans le monde le règne de la justice, versets 4 et 5. Voir 2 Thessaloniciens, 2, 8. Isaïe dépeint son règne sous les images les plus riantes, versets 6 à 9 ; il annonce enfin la conversion des Gentils, versets 11 à 16.][11.1 Voir Actes des Apôtres, 13, 23. ― Et il sortira, etc. Sous ces expressions, le prophète annonce la naissance du Messie, même selon la paraphrase chaldaïque et la plupart des rabbins. ― Il faut avouer que ce qui suit s’y rapporte également. ― L’opposition entre les cèdres du Liban du verset précédent, voir Isaïe, 10, 34, avec ce rejeton de la racine (en hébreu, du tronc coupé) de Jessé est frappante. Le cèdre ne pousse pas de rejetons, ce qui explique la disparition presque complète de cet arbre du mont Liban, mais l’arbre qui figure Jessé a des rejetons qui perpétueront à jamais sa postérité.]2 Et l’Esprit du Seigneur (se) reposera sur lui ; l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et de force, l’esprit de science et de piété ; [11.2-3 Isaïe énumère sept dons du Saint-Esprit pour indiquer la plénitude de sa grâce. Le texte hébreu ne mentionne que six dons, parce que ce que la Vulgate a traduit par piété et crainte du Seigneur, est exprimé deux fois par le même mot dans le texte original. Ces dons sont énumérés deux par deux : la sagesse, c’est la sagesse théorique ; l’intelligence, c’est le discernement, la prudence ; le conseil, c’est la sagesse pratique qui, en toute circonstance, et surtout dans les cas difficiles, voit avec sûreté ce qui doit être fait ; la force, c’est la force de la volonté qui exécute ce que conseille la sagesse ; la science, c’est la connaissance de la loi de Dieu ; la piété, c’est la religion. Quoique, en hébreu, le septième don soit exprimé par les mêmes mots que le sixième, nous pouvons l’entendre, comme l’a fait la Vulgate, dans le sens même des termes : la crainte de Dieu proprement dite, en attribuant le sens de piété au sixième don, comme nous l’avons fait.]3 et il sera rempli de l’esprit de la crainte du Seigneur. Il ne jugera pas sur le rapport des yeux, et il ne condamnera pas par un ouï-dire ; 4 mais il jugera les pauvres avec justice, et il se déclarera le juste vengeur des (se prononcera avec équité pour les) humbles (hommes paisibles) de la terre ; il frappera la terre avec la verge de sa bouche, et il tuera l’impie par le souffle de ses lèvres. [11.4 Il tuera, etc. Saint Paul se sert des mêmes expressions pour marquer la défaite de l’antéchrist par le Seigneur Jésus (voir 2 Thessaloniciens, 2, 8).]5 La justice sera la ceinture de ses reins, et la fidélité le baudrier dont il sera ceint. 6 Le loup habitera avec l’agneau, et le léopard se couchera auprès du chevreau ; le veau (jaune taureau), le lion et la brebis demeureront ensemble, et un petit enfant les conduira. [11.6-9 « Certains, je ne l’ignore pas, tentent d’appliquer ces textes de façon métaphorique à ces hommes sauvages, issus de diverses nations et ayant eu toute espèce de comportements ont embrassé la foi et, depuis qu’ils ont cru, vivent en bonne entente avec les justes. Mais, même si cela a eu lieu dès à présent pour des hommes issus de toutes sortes de nations et venus à une même disposition de foi, cela n’en aura pas moins lieu pour ces animaux lors de la résurrection des justes [lors du Royaume de Dieu sur terre], ainsi que nous l’avons dit ; car Dieu est riche en toutes choses, et il faut que, lorsque le monde aura été rétabli dans son état premier, toutes les bêtes sauvages obéissent à l’homme et lui soient soumises et qu’elles reviennent à la première nourriture donnée par Dieu, à la manière dont elles étaient soumises à Adam avant sa désobéissance et dont elles mangeaient les fruits de la terre. Ce n’est d’ailleurs pas le moment de prouver que le lion se nourrira de paille ; mais ce trait indique bien la grandeur et l’opulence des fruits ; car, si une bête telle que le lion doit se nourrir de paille, quel ne sera pas le blé dont la simple paille suffira à nourrir les lions ! » (Saint Irénée, Contre les hérésies, V, 33-4). Voir Isaïe, 65, 25.][11.6 Voir Isaïe, 65, 25.]7 Le veau et l’ours iront dans les mêmes pâturages, leurs petits se reposeront ensemble, et le lion mangera la paille comme le bœuf. 8 L’enfant encore à la mamelle se jouera sur le trou de l’aspic, et celui qui aura été sevré mettra sa main dans la caverne du basilic. [11.8 Aspic, basilic, serpents très venimeux.]9 Ils ne nuiront pas, et ils ne tueront pas sur toute ma montagne sainte, parce que la terre est remplie de la connaissance du Seigneur, comme la mer des eaux qui la couvrent. 10 En ce jour, (viendra) le rejeton (racine) de Jessé sera comme un (l’) étendard pour les peuples ; les nations lui offriront leurs prières, et son sépulcre sera glorieux. [11.10 Voir Romains, 15, 12. ― La racine de Jessé. Voir le verset 1. ― L’étendard des peuples ; c’est la croix du Sauveur, qui fut comme un signal autour duquel tous les peuples du monde se sont rassemblés. ― Son sépulcre, etc. Le sépulcre de Jésus-Christ a été glorieux, tant parce que ce divin Sauveur en est sorti après avoir vaincu la mort, et qu’il s’y est opéré depuis bien des miracles, que parce que le tombeau lui-même est depuis tant de siècles l’objet de la vénération des chrétiens.]11 En ce jour-là, le Seigneur étendra une seconde fois sa main pour prendre possession du reste de son peuple, qui aura échappé aux Assyriens, à l’Egypte, à Phétros, à l’Ethiopie, à Elam, à Sennaar, à Emath et aux îles de la mer. [11.11 Une seconde fois. Le Seigneur avait autrefois étendu sa main pour délivre son peuple de la puissance des Egyptiens, et il devait l’étendre encore dans la suite pour le ramener de la captivité de Babylone. ― L’Egypte désigne ici la basse Egypte ; Phétros, la Haute-Egypte ; l’Ethiopie commandait alors par ses rois à toute l’Egypte. ― Elam, la Susiane. ― Sennaar, la Babylonie. ― Emath, voir plus haut, Isaïe, 10, 9.]12 Il (é)lèvera son étendard parmi les nations, et il réunira les exilés d’Israël, et il rassemblera des quatre coins de la terre les dispersés de Juda. 13 La jalousie d’Ephraïm sera détruite, et les ennemis de Juda périront ; Ephraïm ne sera plus envieux de Juda, et Juda ne combattra plus contre Ephraïm. [11.13 Ephraïm, le royaume d’Israël.]14 Ils voleront sur (les) l’épaule(s) des Philistins, du côté de la mer ; ils pilleront ensemble les fils de l’Orient ; l’Idumée et Moab seront dociles à l’ordre (la première capture) de leur main, et les fils d’Ammon leur obéiront. [11.14 La première capture ; vrai sens du latin præceptum ; car, comme le remarquent judicieusement Martini et Scio, ce mot représente ici le participe du verbe præcipio, dont la signification primitive est prendre, obtenir le premier (primus capio, occupo). ― Les épaules ou plutôt l’épaule (kateph) des Philistins est le nom propre de la côte du pays des Philistins le long de la Méditerranée (voir Josué, 15, 11) qu’on comparait à une épaule (voir Nombres, 34, 7). ― Les fils de l’Orient sont les Arabes, surtout nomades, à l’est et au nord-est de la Palestine.]15 Le Seigneur rendra déserte (mettra à sec) la langue de la mer d’Egypte, et il lèvera sa main sur le fleuve, qu’il agitera par son souffle puissant ; il le frappera et le divisera en (frappera dans ses) sept ruisseaux, de sorte qu’on le traversera avec des chaussures ; [11.15 Mettra à sec ; littéralement désolera (desolabit). ― Le fleuve ; c’est-à-dire l’Euphrate, selon les uns, et le Nil, selon les autres. ― Le ; est au masculin, dans la Vulgate, bien qu’il se rapporte à flumen, nom neutre. Cette anomalie vient de ce que la version conserve souvent le genre qui est dans le texte hébreu. ― Sept ruisseaux ; les sept branches du Nil ; ou bien quelques ruisseaux de l’Euphrate. Voir sur le mot sept, Isaïe, 4, 1. Au reste, ces expressions peuvent être considérées comme figurées, et comme annonçant que le Seigneur lèvera tous les obstacles qui pourraient s’opposer au retour de son peuple. Comparer cette prophétie avec celle de Zacharie, 10, verset 10 et suivants. ― La langue, le golfe d’Akaba, de la mer d’Egypte, de la mer Rouge.]16 et il y aura une route pour le reste de mon peuple qui sera échappé des Assyriens, comme il y en eut une pour le jour où Israël sortit (monta) de la terre d’Egypte.