Vigouroux – Zacharie 11
Incendie du temple ; ruine de Jérusalem ; pasteur suscité de Dieu, les deux houlettes de ce pasteur ; trois pasteurs infidèles retranchés en un mois. Première houlette brisée. Trente pièces d’argent données pour la récompense du pasteur. Seconde houlette brisée. Pasteur infidèle suscité sur la terre.
11 Ouvre tes portes, (ô) Liban, et que le feu dévore tes cèdres. [11.1-17 Un tableau de désolation succède, chapitre 11, au tableau de félicité, chapitre 10. La terre d’Israël est dévastée par les ennemis qui l’ont envahie, chapitre 11, versets 1 à 3. Zacharie reçoit l’ordre de soigner et de garder avec soin le troupeau destiné à la mort, (son peuple) qu’il avait abandonné aux Gentils, versets 4 à 6. Le Prophète, armé de deux bâtons, appelés l’un Beauté et l’autre Cordeau, protège avec le premier contre les nations les brebis confiées à ses soins, et avec le second il les tient réunies. Cependant Dieu, en un mois, c’est-à-dire 30 jours ou 30 × 7 = 210 ans, voir Daniel, 9, 2 et Jérémie, 25, 11 ; 29, 10 et Daniel, 9, 24, détruit trois pasteurs de peuples (de peuples), chapitre 11, versets 1 à 8, les Chaldéens, les Perses et les Grecs ; il abandonne les Juifs et les livre à leur malheureux sort, chapitre 11, versets 7 à 11. Dieu leur dit alors : Puisque je ne serai plus votre pasteur et que vous m’obligez à vous quitter, donnez-moi au moins mon salaire. Dieu continue : ils me traitent comme un vil esclave, ils m’offrent le salaire d’un esclave, trente sicles d’argent. Le Seigneur fait rejeter cette somme dans le temple, et son peuple cesse de lui appartenir, son alliance avec les Juifs est rompue, versets 12 à 14. L’histoire de Notre-Seigneur nous explique clairement ce passage. Le Messie, méconnu des siens, fut acheté trente sicles d’argent ; cette somme fut rapportée au temple par Juda, le traître qui l’avait reçue, et consacrée par les prêtres à acheter le champ du potier. ― Le peuple élu, désormais irrévocablement délaissé par Dieu, est livré à un pasteur insensé, les Romains qui consomment sa ruine, versets 15 à 17.][11.1 Liban. Le temple peut être comparé au Liban à cause de la quantité de colonnes de cèdre qui ornaient ses portiques. Le Prophète annonce ici la dernière ruine du temple par les Romains.]2 Hurle, sapin, car le cèdre est tombé et les arbres magnifiques sont détruits (parce que des grands ont été abattus) ; hurlez, chênes de Basan, car la forêt épaisse (fortifiée) a été coupée. [11.2 Des grands ; des princes, des nobles, etc. ; littéralement, des magnifiques (magnifici) ; ce mot, mis au masculin dans la Vulgate, ne saurait se rapporter à cèdres ni à arbres en général, parce que l’un et l’autre sont en latin du féminin. ― Le terme hébreu adirim est une épithète qu’on donne ordinairement aux princes, aux hommes illustres, puissants, etc. ― La forêt fortifiée. Le temple était une vraie forteresse ; c’est ainsi que Tacite (Hist., V) le représente. ― Basan. Voir Nombres, note 21.33.]3 Les pasteurs poussent des cris lamentables, parce que leur magnificence a été dévastée ; les lions rugissent, parce que l’orgueil du Jourdain a été dévasté. [11.3 Le bruit, etc. Voir Jérémie, 12, 5 ; 49, 19 ; 50, 44.]4 Ainsi parle le Seigneur mon Dieu : Pais les brebis destinées à la boucherie (troupeaux de tuerie), 5 que leurs maîtres égorgeaient sans éprouver de compassion, et qu’ils vendaient, en disant : Béni soit le Seigneur ! nous sommes devenus riches ; et leurs pasteurs ne les épargnaient pas. [11.5 Sans pitié ; littéralement, et n’étaient pas affligés (et non dolebant). Cela peut regarder particulièrement les violences des Romains à l’égard des Juifs.]6 Moi non plus, je n’épargnerai pas désormais les habitants du pays, dit le Seigneur ; voici, je livrerai les hommes aux mains les uns des autres, et aux mains de leur (son) roi ; ils ravageront le pays et je ne (les) délivrerai pas de leur main. [11.6 Chacun, etc. Au dernier siège de Jérusalem, les différentes factions qui existaient parmi le peuple juif se détruisirent les unes et les autres. Ceux qui survécurent tombèrent sous la domination de leur roi, c’est-à-dire de l’empereur romain, auquel ils aimèrent mieux se soumettre qu’à Jésus-Christ (voir Jean, 19, 15).]7 C’est pourquoi, ô pauvres du troupeau, (Et) je ferai paître ces brebis destinées à la boucherie (le troupeau de tuerie). Je pris deux houlettes ; j’appelai l’une Beauté et l’autre Lien (Cordelette), et je fis paître le troupeau. [11.7 Je paîtrai, etc. Zacharie (comparer au verset 4), en cette qualité de pasteur, représentait Jésus-Christ même. ― Beauté (decorem). Le terme hébreu signifie aussi douceur, aménité, c’est-à-dire le gouvernement doux et plein de bonté que Dieu a exercé pendant longtemps envers son peuple après la captivité. ― Cordelette (funiculum) ou fouet ; symbole de la sévérité avec laquelle Dieu a commencé à punir les Juifs à cause de l’abus qu’ils ont fait de ses grâces et de ses bienfaits, et a continué de les châtier jusqu’à la fin. Selon d’autres, Cordelette, marque l’union qui devait être entre les deux maisons d’Israël et de Juda, c’est-à-dire le peuple ancien et le peuple nouveau (voir verset 14).]8 Je fis mourir (J’ai retranché) trois pasteurs en un mois, et mon cœur se resserra à leur égard, parce que leur âme aussi m’avait été infidèle (a varié pour moi). [11.8 Les trois pasteurs, sont, selon la plupart des interprètes, les prêtres, les princes et les magistrats, et suivant quelques-uns, trois personnages, mais sur lesquels on est loin de s’accorder ; suivant d’autres enfin, le nombre trois est mis pour un nombre indéterminé. ― Un seul mois, suivant l’opinion commune, signifie un court espace de temps.]9 Et je dis (j’ai dit) : Je ne vous ferai plus paître ; que ce qui meurt, meure ; que ce qui est égorgé (retranché), soit égorgé (retranché), et que ceux qui restent dévorent la chair les uns des autres. [11.9 Ce verset semble annoncer les trois fléaux les plus redoutables, la guerre, la peste et la famine.]10 Je pris la houlette qui s’appelait Beauté, et je la brisai, pour rompre mon alliance que j’avais (j’ai) faite avec tous les peuples. 11 Elle fut annulée en ce jour-là ; et les pauvres du troupeau, qui me gardent la fidélité, reconnurent ainsi que c’était la parole du Seigneur. 12 Et je leur dis : Si vous le trouvez bon, apportez-moi mon salaire (ma récompense) ; sinon, ne le faites pas. Ils pesèrent alors trente pièces d’argent pour mon salaire (ma récompense). [11.12-13 Comparer cette prophétie avec Matthieu, 26, 15 ; 27, verset 3 et suivants.][11.12 Voir Matthieu, 27, 9.]13 Et le Seigneur me dit : Jette-la au potier (statuaire), cette belle somme (ce prix magnifique) pour laquelle ils m’ont apprécié (évalué). Et je pris les trente pièces d’argent, et je les jetai au potier (statuaire), dans la maison du Seigneur. 14 Puis je brisai ma seconde houlette, qui s’appelait Lien (Cordelette), pour rompre la fraternité entre Juda et Israël. [11.14 Juda désigne les Juifs fidèles qui crurent en Jésus-Christ, et Israël, les Juifs endurcis qui le rejetèrent.]15 Et le Seigneur me dit : Prends encore l’attirail (les instruments) d’un pasteur insensé. [11.15 Les instruments (vasa), etc., tels qu’une besace percée qui ne pourrait pas contenir ce qui est nécessaire pour lui et pour ses brebis, une houlette noueuse ou ferrée dont les coups blessent et donnent même la mort. Ce pasteur insensé qui succède au vrai pasteur, à Jésus-Christ, est Caligula, ou Claude ou enfin Néron ; car selon les historiens romains eux-mêmes, ces trois empereurs étaient des insensés ou des furieux ; et le portrait qu’en fait Zacharie au verset suivant, leur convient parfaitement.]16 Car voici, je susciterai dans le pays un pasteur qui ne visitera pas les brebis abandonnées, qui ne cherchera pas celles qui sont dispersées, qui ne guérira pas les blessées, qui ne nourrira pas les saines, mais qui mangera la chair des plus grasses, et qui leur rompra la corne des pieds (leur sabot). 17 O pasteur, ô (et) idole qui abandonne le troupeau ! L’épée tombera sur son bras et sur son œil droit ; son bras se desséchera entièrement, et son œil droit sera couvert de ténèbres. [11.17 O pasteur et idole, c’est-à-dire, fantôme de pasteur. ― Un glaive, etc. L’historien Josèphe assure (Ant., I, XIX, chapitre 1) que lorsque Caligula fut tué par Chéréas et par ses conjurés, on lui porta le premier coup au haut du bras entre le cou et l’épaule ; et que comme il voulait se sauver, un des conjurés le fit tomber à terre sur ses genoux, et qu’il fut achevé par les autres. Ce fut sans doute alors qu’il reçut sur l’œil droit le coup dont parle Zacharie. Ajoutons que l’œil droit et le bras peuvent être employés ici d’une manière figurée pour désigner la force et la lumière de l’homme, ce que l’homme a de plus cher de plus nécessaire.]