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Bible de Jérusalem – Ésaïe 14

Fin de l’Exil.q

14 Oui, Yahvé aura pitié de Jacob, il choisira de nouveau Israël. Il les réinstallera sur leur sol. L’étranger se joindra à eux pour s’associer à la maison de Jacob.

q Cette annonce du retour des exilés et de la conversion des nations n’est pas à sa place dans cette collection d’oracles contre les peuples étrangers. Elle est à rapprocher d’49.22 ; 66.20 ; cf. 46.14.

2 Des peuples les prendront et les ramèneront chez eux. La maison d’Israël les assujettira sur le sol de Yahvé, pour en faire des esclaves et des servantes. Ils asserviront ceux qui les avaient asservis, ils maîtriseront leurs oppresseurs.

La mort du roi de Babylone.r

3 Et il arrivera qu’au jour où Yahvé te soulagera de ta souffrance, de tes tourments et de la dure servitude à laquelle tu étais asservi,

r Ce mashal, satire contre un tyran abattu, vise un roi de Babylone, sans doute Nabuchodonosor ou Nabonide, et se place donc dans le contexte des oracles de l’Exil. Mais on s’est demandé s’il ne s’agirait pas en fait d’un morceau plus ancien, dirigé contre un roi d’Assyrie, Sargon ou Sennachérib, et retouché plus tard pour l’adapter à l’époque de l’Exil.

4 tu entonneras cette satire sur le roi de Babylone, et tu diras :

Comment a fini le tyran, a fini son arrogance ?s

s « arrogance » versions, 1QIsa ; TM corrompu.

5 Yahvé a brisé le bâton des méchants,
le sceptre des souverains,
6 lui qui rouait de coups les peuples,
avec emportement et sans relâche,
qui maîtrisait avec colère les nations,
les pourchassant sans répit.
7 Toute la terre repose dans le calme,
on pousse des cris de joie.
8 Les cyprès même se réjouissent à ton sujet,
et les cèdres du Liban :
« Depuis que tu t’es couché,
on ne monte plus pour nous abattre ! »t

t Les rois d’Assyrie et de Babylonie exploitaient les forêts du Liban pour leurs constructions.

9 En bas, le shéol a tressailli à ton sujet
pour venir à ta rencontre,
il a réveillé pour toi les ombres,
tous les potentats de la terre,
il a fait lever de leur trône
tous les rois des nations.
10 Tous prennent la parole pour te dire :
« Toi aussi, tu es déchu comme nous,
devenu semblable à nous.
11 Ton faste a été précipité au shéol,
avec la musique de tes cithares.
Sous toi s’est formé un matelas de vermine,
les larves te recouvrent.
12 Comment es-tu tombé du ciel,
étoile du matin, fils de l’aurore ?u
As-tu été jeté à terre,
vainqueur des nations ?

u Les vv. 12-15 semblent s’inspirer d’un modèle phénicien. En tout cas ils présentent plusieurs points de contacts avec les poèmes de Râs-Shamra l’Étoile du matin et l’Aurore sont deux figures divines ; la montagne de l’Assemblée est celle où les dieux se réunissaient, comme sur l’Olympe des Grecs. Les Pères ont interprété la chute de l’Étoile du matin (Vulg. « Lucifer ») comme celle du prince des démons.

13 Toi qui avais dit dans ton cœur :
« J’escaladerai les cieux,
au-dessus des étoiles de Dieu j’élèverai mon trône,
je siégerai sur la montagne de l’Assemblée,
aux confins du septentrion.
14 Je monterai au sommet des nuages,
je m’égalerai au Très-Haut. »
15 Mais tu as été précipité au shéol,
dans les profondeurs de l’abîme. »

16 Ceux qui t’aperçoivent te considèrent,
ils fixent leur regard sur toi.
« Est-ce bien l’homme qui faisait trembler la terre,
qui ébranlait les royaumes ?
17 Il a réduit le monde en désert,
rasé les villes,
il ne renvoyait pas chez eux les prisonniers.
18 Tous les rois des nations, tous, reposent avec honneur,
chacun chez soi.
19 Toi, on t’a jeté hors de ton sépulcre,
comme un rameauv dégoûtant,
au milieu de gens massacrés, transpercés par l’épée,
jetés sur les pierres de la fosse,
comme une charogne foulée aux pieds.

v « rameau », en hébr. neçer, allusion au nom de Nabuchodonosor, en hébr. Nebukadneççar. — La privation de sépulture était la suprême malédiction, cf. 1 R 13.21-22 ; Jr 22.19.

20 Tu ne leur seras pas uni dans la tombe,
car tu as ruiné ton pays, fait périr ton peuple.
Plus jamais on ne prononcera le nom
de la race des méchants.
21 Préparez le massacre de ses fils
pour la faute de leur père.
Qu’ils ne se lèvent plus pour conquérir la terre
et couvrir de villes la face du monde. »

22 Je me lèverai contre eux, oracle de Yahvé Sabaot, et je retrancherai de Babylone le nom et le reste, descendance et postérité, oracle de Yahvé.
23 J’en ferai un repaire de hérissons, un marécage. Je la balaierai avec le balai
de la destruction. Oracle de Yahvé Sabaot.w

w Ces deux vv. en prose paraissent avoir été ajoutés au poème pour en souligner la conclusion.

Contre Assur.x

24 Yahvé Sabaot l’a juré :
Oui ! Comme j’ai projeté, cela se fera,
comme j’ai décidé, cela se réalisera :

x Oracle d’Isaïe, prononcé probablement lors de l’invasion de Sennachérib en 701, cf. 10.24-27 ; 30.27-33 ; 31.4-9 ; 37.22-29.

25 Je briserai Assur dans mon pays,
je le piétinerai sur mes montagnes.
Et son joug glissera de sur eux,
son fardeau glissera de son épaule.
26 Telle est la décision prise contre toute la terre,
telle est la main étendue sur toutes les nations.
27 Quand Yahvé Sabaot a décidé, qui l’arrêtera,
et sa main levée, qui la fera revenir ?

Contre les Philistins.

28 L’année de la mort du roi Achaz,y cet oracle fut prononcé :

y Cet oracle peut dater des années qui précèdent l’invasion de Sennachérib. Ce « bâton qui frappait » la Philistie serait Sargon II qui y intervint plusieurs fois, en dernier lieu en 711, cf. 20.1s. Sargon est mort en 705, mais son successeur, Sennachérib, « vipère » ou « dragon volant », sera un adversaire encore plus redoutable. Si cette interprétation est exacte, la référence à la mort d’Achaz, donnée par le titre, doit être une addition on aurait reconnu dans la « vipère » et le « dragon volant » Ézéchias, fils d’Achaz, qui d’après 2 R 18.18 dévasta la Philistie.

29 Ne te réjouis pas, Philistie tout entière,
de ce qu’est brisé le bâton qui te frappait.
Car de la souche du serpent sortira une vipère,
et son fruit sera un dragon volant.
30 Car les premiers-nés des pauvres auront leur pâture,
et les malheureux reposeront en sécurité,
tandis que je ferai mourir de faim ta souche,
et que je tueraiz ce qui reste de toi.

z « je tuerai » Vulg., 1QIsa ; « il tuera » TM.

31 Hurle, porte ! Crie, ville !
Chancelle, Philistie tout entière !
Car du norda vient une fumée,
et personne ne déserte ses bataillons.

a C’est du Nord que venaient les invasions assyriennes et babyloniennes, cf. Jr 1.3 ; 4.6 ; 6.1, 22 ; Ez 26.7.

32 Que répondra-t-on aux messagers de cette nation ?b
Que Yahvé a fondé Sion,
et que là se réfugieront les pauvres de son peuple.

b Peut-être des messagers envoyés par les Philistins pour attirer Juda dans une coalition contre l’Assyrie ; mais le texte n’est pas sûr. Quoi qu’il en soit, la réponse affirme l’inviolabilité de Sion, protégée par Yahvé.

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