15 Yahvé me dit : Même si Moïse et Samuell se tenaient devant moi, je n’aurais pas pitié de ce peuple-là ! Chasse-les loin de moi : qu’ils s’en aillent !
l Les grands intercesseurs, cf. Ex 32.11 ; 1 S 7.8-12 ; Ps 99.6. La tradition postérieure leur adjoindra Jérémie lui-même, 2 M 15.14.
Qui est pour la peste, à la peste !
qui est pour l’épée, à l’épée !
qui est pour la famine, à la famine !
qui est pour la captivité, à la captivité !
3 Je vais préposer sur eux quatre sortes de choses — oracle de Yahvé : l’épée pour tuer ; les chiens pour traîner ; les oiseaux du ciel et les bêtes de la terre pour dévorer et détruire.
m Le principal responsable de la contamination idolâtrique qui affecta le culte yahviste durant près de trois quarts de siècle, cf. 2 R 21.
5 Qui donc a compassion de toi, Jérusalem ?
Qui donc te plaint ?
Qui donc fait un détour pour demander comment tu vas ?
n Ce poème a dû être prononcé juste avant le siège de 598.
6 Toi-même m’as repoussé — oracle de Yahvé —
tu m’as tourné le dos.
Alors, j’ai étendu la main contre toi et t’ai détruite :
Je suis fatigué de consoler !
7 Avec un van je les ai vannés,
aux portes du pays.
J’ai dépeuplé, j’ai anéanti mon peuple ;
de leurs voies, ils ne se détournent pas.
8 Leurs veuves sont devenues plus nombreuses
que le sable de la mer.
Sur la mère du jeune guerrier,
j’amène le dévastateur en plein midi,
je fais tomber sur elle, soudain,
terreur et épouvante.
9 Elle languit, la mère de sept fils,
elle défaille.
Son soleil s’est couché avant la fin du jour :
la voilà honteuse et consternée ;
et ce qui reste d’eux, je le livrerai à l’épée,
face à leurs ennemis, oracle de Yahvé.
10 Malheur à moi, ma mère, car tu m’as enfanté
homme de querelle et de discorde pour tout le pays !
Jamais je ne prête ni n’emprunte,
pourtant tout le monde me maudit.
o Nouveau dialogue avec Dieu (cf. 11.8—12.5), qui atteste une crise intérieure au milieu du ministère du prophète. Ici, comme en 12.5, Yahvé, loin d’apaiser la détresse de Jérémie, la condamne comme « vile » et exige du prophète une nouvelle « conversion », qu’il sanctionne en renouvelant, presque dans les mêmes termes, les ordres et les promesses de la vocation, vv. 19-20 ; cf. 1.9, 17-19. Sur ces « confessions de Jérémie », 11.18—12.6 ; 15.10-21 ; 17.14-18 ; 18.18-23 ; 20.7-18, voir l’Introduction.
11 En vérité, Yahvé, ne t’ai-je pas servi de mon mieux ?
Ne t’ai-je pas supplié
au temps du malheur et de la détresse ?p
p « En vérité » ’amen grec ; « (Yahvé) dit » ’amar hébr. — « servi » sherattika conj. ; « fortifié » sharatika hébr. ketib ; « dégagé » sherîtîka qeré. — L’hébr. ajoute à la fin du v. « l’ennemi » qui peut être une glose expliquant le « temps du malheur ». — Ce v. est très obscur. En suivant le grec, on le met dans la bouche de Jérémie, ce qui s’accorde mieux avec le contexte. L’hébr. pourrait à la rigueur se traduire « Yahvé dit Ne t’ai-je pas délivré pour ton bien ? N’ai-je pas fait que l’ennemi vienne t’implorer, au temps du malheur et de la détresse ? » En ce cas, il faudrait sans doute comprendre le v. 12 non pas comme une menace contre Israël, en le liant à ce qui suit, mais comme une promesse de donner à Jérémie la solidité du bronze (cf. 1.18 ; 15.20), en le rattachant au v. 11.
12 q Le fer brisera-t-il le fer du Nord et le bronze ?
q Les vv. 12-14 (ou 13-14, cf. note précédente), en grande partie doublet de 17.3-4, sont ici hors de leur contexte.
13 Ta richesse et tes trésors, je vais les livrer au pillage, sans contrepartie,
à cause de tous les péchés, sur tout ton territoire.
14 Je te rendrai esclave de tes ennemisr
dans un pays que tu ne connais pas,
car ma fureur a allumé un feu
qui va brûler sur vous.
r Avec plusieurs mss hébr., grec, syr. et Vet. Lat., et en accord avec 17.4 ; hébr. « je ferai passer tes ennemis ».
15 Toi, tu le sais, Yahvé !
Souviens-toi de moi, visite-moi
et venge-moi de mes persécuteurs.
Dans la lenteur de ta colère ne m’entraîne pas.
Reconnais que je subis l’opprobre pour ta cause.
16 Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais :
ta parole était mon ravissement
et l’allégresse de mon cœur.
Car c’est ton Nom que je portais,s
Yahvé, Dieu Sabaot.
s Expression employée à propos du Temple, 7.10s ; cf. 1 R 8.43.
17 Jamais je ne m’asseyais dans une réunion de railleurst
pour m’y divertir.
Sous l’emprise de ta main, je me suis tenu seul,
car tu m’avais empli de colère.
t Railleurs, riches et orgueilleux vont de pair c’est la catégorie maudite par les psaumes, les écrits sapientiaux et l’Évangile, Lc 6.25 ; Mt 5.3s.
18 Pourquoi ma souffrance est-elle continue,
ma blessure incurable, rebelle aux soins ?
Vraiment tu es pour moi comme un ruisseau trompeur
aux eaux décevantes !
19 Alors Yahvé répondit :
Si tu reviens, et que je te fais revenir,u
tu te tiendras devant moi.
Si de ce qui est vil tu tires ce qui est noble,
tu seras comme ma bouche.
Eux reviendront vers toi,
mais toi, tu n’as pas à revenir vers eux !
u Expression typique du style jérémien, cf. 17.14 ; 20.7. Le prophète souligne ainsi le lien très étroit entre action humaine et action divine. On peut également traduire « Si tu reviens, je te ferai revenir », cf. de même 1.17 ; c’est la même idée mais avec une insistance plus nette sur la bonne volonté de l’homme rendant possible l’action de Dieu sur lui. Inversement, l’homme doit reconnaître que si Dieu n’agit pas en lui, il ne peut rien, cf. 31.18.
20 Je ferai de toi, pour ce peuple-là,
un rempart de bronze fortifié.
Ils lutteront contre toi
mais ne pourront rien contre toi,
car je suis avec toi
pour te sauver et te délivrer,
oracle de Yahvé.
21 Je veux te délivrer de la main des méchants
et te racheter de la poigne des violents.