Bible de Jérusalem – Juges 16
L’épisode des portes de Gaza.
16 Puis Samson se rendit à Gaza ; il y vit une prostituée et il entra chez elle.
2 On fit savoir aux gens de Gaza : « Samson est venu ici. » Ils firent des rondes et le guettèrent toute la nuit à la porte de la ville. Toute la nuit ils se tinrent tranquilles. « Attendons, disaient-ils, jusqu’au point du jour, et nous le tuerons. »
3 Mais Samson resta couché jusqu’au milieu de la nuit et, au milieu de la nuit, se levant, il saisit les battants de la porte de la ville, ainsi que les deux montants, il les arracha avec la barre et, les chargeant sur ses épaules, il les porta jusqu’au sommet de la montagne qui est en face d’Hébron.k
k Hébron est à 60 km de Gaza. Cet exploit de l’Hercule danite expliquait peut-être le nom d’un lieu-dit près d’Hébron, au départ de la piste descendant vers Gaza.
Samson trahi par Dalila.l
4 Après cela il aima une femme de la vallée de Soreq qui se nommait Dalila.
l Des femmes ont entraîné Samson dans toutes ses aventures ; il en est sorti grâce à la force que Dieu donne à l’homme qui lui est consacré. Une dernière femme le perdra parce qu’elle lui aura fait manquer à son vœu de nazir.
5 Les princes des Philistins allèrent la trouver et lui dirent « Séduis-le et sache d’où vient sa grande force, par quel moyen nous pourrions nous rendre maîtres de lui et le lier pour le maîtriser. Quant à nous, nous te donnerons chacun onze cents sicles d’argent. »
6 Dalila dit à Samson : « Révèle-moi, je te prie, d’où vient ta grande force et avec quoi il faudrait te lier pour te maîtriser. »
7 Samson lui répondit : « Si on me liait avec sept cordes d’arc fraîches et qu’on n’aurait pas encore fait sécher, je perdrais ma vigueur et je deviendrais comme un homme ordinaire. »
8 Les princes des Philistins apportèrent à Dalila sept cordes d’arc fraîches qu’on n’avait pas encore fait sécher et elle s’en servit pour le lier.
9 Elle avait des gens embusqués dans sa chambre et elle lui cria : « Les Philistins sur toi, Samson ! » Il rompit les cordes d’arc comme se rompt un cordon d’étoupe lorsqu’il sent le feu. On ne sut pas d’où venait sa force.
10 Alors Dalila dit à Samson : « Tu t’es joué de moi et tu m’as dit des mensonges. Mais maintenant révèle-moi, je te prie, avec quoi il faudrait te lier. »
11 Il lui répondit : « Si on me liait fortement avec des cordes neuves qui n’ont jamais servi, je perdrais ma vigueur et je deviendrais comme un homme ordinaire. »
12 Alors Dalila prit des cordes neuves, elle s’en servit pour le lier puis lui cria : « Les Philistins sur toi, Samson ! » et elle avait des gens embusqués dans sa chambre. Mais il rompit comme un fil les cordes qu’il avait aux bras.
13 Alors Dalila dit à Samson : « Jusqu’à présent tu t’es joué de moi et tu m’as dit des mensonges. Révèle-moi avec quoi il faudrait te lier. » Il lui répondit : « Si tu tissais les sept tresses de ma chevelure avec la chaîne d’un tissu, et si tu les comprimais avec la batte de tisserand, je deviendrais faible et serais comme n’importe quel homme. »
14 Or, tandis qu’il dormit, Dalila prit les sept tresses de sa chevelure, les tissa avec la chaîne, et les comprima avec la batte, puis elle lui cria : « Les Philistins sur toi, Samson ! » Il s’éveilla de son sommeil et arracha la batte avec la chaîne.m
m Les vv. 13-14 sont complétés d’après le grec, car le texte hébreu entre le premier emploi du mot « chaîne » et le second a disparu. — Pour comprendre l’action de Dalila, il faut imaginer un métier à tisser horizontal où la chaîne de la pièce qu’on tisse est tendue entre des piquets enfoncés dans le sol. Après chaque passage de la navette, la trame est comprimée par la batte, barre de bois manipulée par le tisserand.
15 Dalila lui dit : « Comment peux-tu dire que tu m’aimes, alors que ton cœur n’est pas avec moi ? Voilà trois fois que tu te joues de moi et tu ne m’as pas révélé d’où vient ta grande force. »
16 Comme tous les jours elle le poussait à bout par ses paroles et qu’elle le harcelait, il fut excédé à en mourir.
17 Il lui ouvrit tout son cœur : « Le rasoir n’a jamais passé sur ma tête, lui dit-il, car je suis nazir de Dieu depuis le sein de ma mère. Si on me rasait, alors ma force se retirerait de moi, je perdrais ma vigueur et je deviendrais comme tous les hommes. »
18 Dalila comprit alors qu’il lui avait ouvert tout son cœur, elle fit appeler les princes des Philistins et leur dit : « Venez cette fois, car il m’a ouvert tout son cœur. » Et les princes des Philistins vinrent chez elle, l’argent en main.
19 Elle endormit Samson sur ses genoux, appela un homme et lui fit raser les sept tresses des cheveux de sa tête. Ainsi elle commença à le dominer et sa force se retira de lui.
20 Elle cria : « Les Philistins sur toi, Samson ! » S’éveillant de son sommeil il se dit : « J’en sortirai comme les autres fois et je me dégagerai. » Mais il ne savait pas que Yahvé s’était retiré de lui.
21 Les Philistins se saisirent de lui, ils lui crevèrent les yeux et le firent descendre à Gaza. Ils l’enchaînèrent avec une double chaîne d’airain et il tournait la meule dans la prison.
Vengeance et mort de Samson.
22 Cependant, après qu’elle eut été rasée, la chevelure se mit à repousser.
23 Les princes des Philistins se réunirent pour offrir un grand sacrifice à Dagôn, leur dieu,n et se livrer à des réjouissances. Ils disaient :
« Notre dieu a livré entre nos mains Samson, notre ennemi. »
n Dagôn était anciennement la grande divinité de la région du Moyen-Euphrate. Son culte s’étant répandu en Syrie et en Palestine, cf. le nom de lieu Bet-Dagôn, Jos 15, 41 ; 19.27. Il avait été adopté par les Philistins, qui semblent avoir très vite tout oublié de leur religion originelle. On retrouvera Dagôn dans l’histoire de l’arche, 1 S 5.2s.
24 Dès que le peuple vit son dieu, il poussa une acclamation en son honneur et dit :
« Notre dieu a livré entre nos mains
Samson,o notre ennemi,
celui qui dévastait notre pays
et qui multipliait nos morts. »
o Ajouté pour le rythme et d’après le v. 23 ; omis par hébr.
25 Et comme leur cœur était en joie, ils s’écrièrent : « Faites venir Samson pour qu’il nous amuse ! » On fit donc venir Samson de la prison et il fit des jeux devant eux, puis on le plaça debout entre les colonnes.
26 Samson dit alors au jeune garçon qui le menait par la main : « Conduis-moi et fais-moi toucher les colonnes sur lesquelles repose le temple, que je m’y appuie. »
27 Or le temple était rempli d’hommes et de femmes. Il y avait là tous les princes des Philistins et, sur la terrasse, environ trois mille hommes et femmes qui regardaient les jeux de Samson.
28 Samson invoqua Yahvé et il s’écria : « Seigneur Yahvé, je t’en prie, souviens-toi de moi, donne-moi des forces encore cette fois, ô Dieu, et que, d’un seul coup, je me venge des Philistins pour mes deux yeux. »
29 Et Samson tâta les deux colonnes du milieu sur lesquelles reposait le temple, il s’arc-bouta contre elles, contre l’une avec son bras droit, contre l’autre avec son bras gauche,
30 et il s’écria : « Que je meure avec les Philistins ! » Il poussa de toutes ses forces et le temple s’écroula sur les princes et sur tout le peuple qui se trouvait là. Ceux qu’il fit mourir en mourant furent plus nombreux que ceux qu’il avait fait mourir pendant sa vie.p
p La fin de Samson a une réelle grandeur il donne sa vie en mettant en œuvre pour la dernière fois, contre les ennemis de son peuple, la force qu’il tient de Dieu.
31 Ses frères et toute la maison de son père descendirent et l’emportèrent. Ils remontèrent et l’ensevelirent entre Çoréa et Eshtaol dans le tombeau de Manoah son père. Il avait jugé Israël pendant vingt ans.q q La finale du v. constitue une deuxième conclusion dans le cycle de Samson, cf. 15.20. Samson y est assimilé aux « petits » juges.