16 Job prit la parole et dit :
2 Que de fois ai-je entendu de tels propos,
et quels pénibles consolateurs vous faites !
3 « Y aura-t-il une fin à ces paroles en l’air ? »
Ou encore : « Quel mal te pousse à te défendre ? »
4 Oh ! moi aussi, je saurais parler comme vous,
si vous étiez à ma place ;
je pourrais vous accablerg de discours
en hochant la tête sur vous,h
g « accabler » ’akbîdah conj. ; « disposer » ’ahbîrah hébr.
h Geste, soit de condoléance, soit de mépris ou de moquerie.
5 vous réconforter en paroles,
puis cesser d’agiter les lèvres.
6 Mais quand je parle, ma souffrance ne cesse pas,
si je me tais, en quoi disparaît-elle ?i
i À la différence de ses consolateurs qui ne s’intéressent à son cas qu’en paroles, Job souffre sans répit, qu’il parle ou qu’il se taise. Il justifie ainsi le ton de ses propos, cf. Job 6.26, contre Éliphaz, cf. Job 15.5-6.
7 Et maintenant elle me pousse à bout ;
tu as frappé d’horreur tout mon entourage
8 et il me presse,
mon calomniateurj s’est fait mon témoin,
il se dresse contre moi, il m’accuse en face ;
j « mon calomniateur », litt. « mon menteur », kehashî conj. ; « ma maigreur » kahashî hébr. — Les vv. 7-8 sont très difficiles ; la traduction suit de près le TM (sauf la corr. signalée), mais celui-ci est peut-être corrompu.
9 sa colère déchire et me poursuit,
en montrant des dents grinçantes.
Mes adversaires aiguisent sur moi leurs regards,
10 ouvrent une bouche menaçante.
Leurs railleries m’atteignent comme des soufflets ;
ensemble ils s’ameutent contre moi.
11 Oui, Dieu m’a livré à des injustes,k
entre les mains des méchants, il m’a jeté.
k « des injustes », litt. « un injuste » (collectif), versions ; « un gamin » hébr.
12 Je vivais tranquille quand il m’a fait chanceler,
saisi par la nuque pour me briser.
Il a fait de moi sa cible :
13 il me cerne de ses traits,
transperce mes reins sans pitié
et répand à terre mon fiel.
14 Il ouvre en moi brèche sur brèche,
fonce sur moi tel un guerrier.
15 J’ai cousu un sac sur ma peau,
jeté mon front dans la poussière.
16 Mon visage est rougi par les larmes
et l’ombre couvre mes paupières.
17 Pourtant, point de violence dans mes mains,
et ma prière est pure.
18 Ô terre, ne couvre point mon sang,l
et que mon cri monte sans arrêt.
l Le sang crie vengeance vers Dieu tant qu’il n’a pas été recouvert par la poussière du sol, Gn 4.10 ; 37.26 ; Isa 26.21 ; Ez 24.8. Job blessé à mort veut que subsiste un appel permanent à la vengeance de sa cause, cf. Ps 5.11, son sang sur la terre et près de Dieu le cri de sa prière. Celle-ci est personnifiée et, à ce titre, peut devenir auprès de Dieu « le témoin » et le « défenseur » de Job, v. 19. Mais on peut aussi appliquer ces termes à Dieu lui-même, le Dieu de fidélité et de bonté à qui Job en appellerait dans un sursaut d’espérance. On peut encore penser qu’il s’agit d’un médiateur de Job. Le contexte semble plutôt en faveur de la première interprétation.
19 Dès maintenant, j’ai dans les cieux un témoin,
là-haut se tient mon défenseur.
20 Interprète de mes pensées auprès de Dieu,
devant qui coulent mes larmes,m
m « interprète » melîç conj. ; « mes interprètes » ou « mes moqueurs » melîcay. hébr. — « devant qui » d’après grec ; omis par hébr.
21 qu’il plaide la cause d’un homme aux prises avec Dieu,
comme un mortel défend son semblable.
22 Car mes années de vie sont comptées,
et je m’en vais par le chemin sans retour.n
n Job espère-t-il être justifié avant sa mort et souhaite-t-il que Dieu entende son cri, car il est temps ? Ou bien repousse-t-il cette issue comme illusoire et n’attend-il plus que sa fin prochaine ?