Vigouroux – Ésaïe 18
Malheur à l’Ethiopie, qui croit le Seigneur trop faible pour défendre la maison de Juda. Le peuple de Juda, délivré, viendra offrir des présents au Seigneur.
18 Malheur à la terre où retentit le bruit des (la cymbale de ses) ailes, qui est au-delà des fleuves d’Ethiopie, [18.1-7 Prophétie sur l’Ethiopie. Le prophète se montre plein de sympathie pour ce pays qui est en guerre contre l’Assyrie, l’ennemi commun.][18.1 Malheur, etc. Voir Isaïe, 13, 1. ― On convient assez communément que cette prophétie regarde la terre de Chus ou d’Ethiopie, dont le roi Tharaca entreprit de secourir Jérusalem menacée par Sennachérib. ― Par la cymbale (cymbalo) ; le terme hébreu signifie sistre, instrument fort commun chez les Egyptiens. ― Ailes ; c’est-à-dire armées, que les Hébreux et même les Latins désignaient quelquefois par ce mot. Les Septante et le chaldéen l’ont entendu des ailes ou voiles des vaisseaux. ― Le mot traduit par cymbale est en hébreu : tselatsal, tintement, bruit, cymbale, sistre. Plusieurs commentateurs modernes y voient une allusion au tsaltsal, mouche très commune en Ethiopie et très dangereuse ainsi appelée chez les Gallas, et qui, chez d’autres peuplades, porte le nom de tsétsé. ― Au-delà des fleuves d’Ethiopie ; non seulement l’Ethiopie proprement dite ou le royaume de Méroé, qui s’étendait depuis la frontière méridionale de l’Egypte jusqu’à la jonction du Nil blanc et du Nil bleu, mais le pays au-delà de ces fleuves.]2 qui envoie des messagers sur la mer et dans des barques de jonc (vaisseaux de papyrus) sur les eaux. Allez, messagers (anges) rapides, vers une nation divisée (arrachée) et déchirée ; vers un peuple terrible, le plus terrible de tous ; vers une nation qui attend et qui est foulée aux pieds, dont la terre est ravagée par des fleuves. [18.2 Papyrus ; sorte de roseau ou de jonc dont étaient faites les barques des Egyptiens. ― Anges (angeli) ; envoyés, messagers. ― Les barques de papyrus étaient particulièrement appropriées à la navigation du haut Nil. On pouvait les porter à dos d’homme grâce à leur légèreté, quand c’était nécessaire, comme pour franchir les cataractes, et on les regardait comme une des choses caractéristiques du pays. ― Sur la mer ; désigne le Nil (comme à Isaïe, 19, 5). Ce fleuve est appelé encore aujourd’hui el-Bhar, la mer, de même qu’en sanscrit l’Indus est nommé aussi Sindhu ou la mer. ― Le roi d’Ethiopie, averti de la marche des Assyriens, envoie des messagers porter rapidement ses ordres et rassembler des troupes. ― Vers un peuple terrible ; allusion aux grandes victoires remportées par le chef du peuple éthiopien, Sabacon. ― Dont les fleuves ont ravagé la terre. La Nubie, qui est un pays montagneux, est couverte de rivières et de torrents.]3 Vous tous, habitants du monde (de l’univers), vous qui demeurez sur la terre, lorsque l’étendard sera élevé sur les montagnes, vous le verrez, et vous entendrez le bruit (éclatant) de la trompette. 4 Car voici ce que me dit le Seigneur : Je me tiendrai en repos, et je contemplerai de ma demeure, comme une (la) lumière aussi brillante que le soleil en plein midi (de midi qui est claire), et comme un nuage de rosée au temps de la moisson. [18.4 Je me tiendrai, etc. Au milieu de tous les mouvements des ennemis, je considérerai tranquillement leurs efforts, et je serai pour mon peuple comme est la lumière brillante en plein midi, et comme est un nuage, etc. ― Comme un nuage de rosée. En hébreu, tal. Ce mot, en hébreu comme en arabe, désigne « un brouillard considérable qui répand une petite pluie invisible ; il se lève vers le milieu de la nuit, pendant la saison chaude, lorsque souffle le vent d’ouest ou de nord-ouest, et il apporte un grand rafraîchissement à tous les êtres organiques. » (NEIL, Palestine, explored, p. 136). ― Au jour de la moisson. Il ne s’agit pas, au moins dans le verset suivant, de la récolte des blés, mais de celle des raisins, de la vendange, comme le prouve le texte hébreu. La vendange se fait en août ou septembre.]5 Car la vigne fleurira toute (il a fleuri) avant le temps ; elle germera sans pouvoir mûrir (son germe le plus avancé ne mûrira pas) ; ses rejetons (petites branches) seront coupés avec la faux, et ce qui en restera sera retranché et (ou) rejeté. [18.5 Car avant la moisson, etc. Ce qui est dit dans ce verset et le suivant s’explique très bien de Sennachérib et de son armée. Lorsque les froments et la vigne étaient hors de fleurs et près de mûrir, on est venu couper les grains et faire la vendange sans leur donner le temps de parvenir à maturité. C’est ainsi que le roi d’Assyrie était sur le point de se rendre maître de la Judée, lorsque le Seigneur a tranché tout d’un coup ses espérances.]6 Il(s) seront(a) (tous) abandonné(s) aux oiseaux des montagnes et aux bêtes de la terre ; les oiseaux y demeureront pendant tout l’été, et toutes les bêtes de la terre y passeront l’hiver. 7 En ce temps-là des offrandes (un présent) seront(a) apporté(es) au Seigneur des armées de la part d’un peuple divisé (arraché) et déchiré, d’un peuple terrible, le plus terrible de tous, d’une nation qui attend et qui est foulée aux pieds, dont la terre est ravagée par des fleuves ; elles (il) seront(a) apporté(es) au lieu où réside le nom du Seigneur des armées, à la montagne de Sion. [18.7 En ce temps-là ; peut s’entendre aussi du temps de Jésus-Christ, dans lequel le prophète se transporte si souvent en esprit. ― Par un peuple, etc. ; les Egyptiens, désignés au verset 2 par les même termes, et qui en effet envoyèrent au temple de Jérusalem des offrandes, persuadés que c’était par l’effet de la puissance du Dieu d’Israël que l’armée de Sennachérib avait été détruite en une seule nuit. Comparer à Isaïe, 19, verset 18 et suivants ; 2 Paralipomènes, 32, 23-24. ― Le lieu du nom ; c’est-à-dire le lieu où est invoqué le nom.]