Bible de Jérusalem – Juges 19
2. LE CRIME DE GIBÉA ET LA GUERRE CONTRE BENJAMINg
Le lévite d’Éphraïm et sa concubine.
19 En ce temps-là — il n’y avait pas alors de roi en Israël — il y avait un homme, un lévite, qui résidait au fond de la montagne d’Éphraïm. Il prit pour concubine une femme de Bethléem de Juda.
g Un rédacteur, sans doute tardif, a combiné ici deux récits dont la dualité apparaît clairement aux chap. 20-21, cf. 20.22. Ceci explique les deux récits de la défaite de Benjamin et de la chute de Gibéa (comparer, par exemple, 20.30-32 et 36-44), et les deux moyens d’assurer la survivance de la tribu de Benjamin, 21.1-12, 15-23.
2 Sa concubine se fâcha contre lui et elle le quitta pour rentrer dans la maison de son père à Bethléem de Juda, et elle y demeura un certain temps, quatre mois.
3 Son mari partit et alla la trouver pour parler à son cœur et la ramener chez lui ; il avait avec lui son serviteur et deux ânes. Comme il arrivait à la maison du père de la jeune femme, celui-ci l’aperçut et s’en vint tout joyeux au-devant de lui.
4 Son beau-père, le père de la jeune femme, le retint et il demeura trois jours chez lui, ils y mangèrent et burent et ils y passèrent la nuit.
5 Le quatrième jour, ils s’éveillèrent de bon matin et le lévite se disposait à partir, quand le père de la jeune femme dit à son gendre : « Restaure-toi en mangeant un morceau de pain, vous partirez après. »
6 S’étant assis, ils se mirent à manger et à boire tous les deux ensemble, puis le père de la jeune femme dit à cet homme : « Consens, je te prie, à passer la nuit, et que ton cœur se réjouisse. »
7 Comme l’homme se levait pour partir, le beau-père insista auprès de lui, et il y passa encore la nuit.
8 Le cinquième jour, le lévite se leva de bon matin pour partir, mais le père de la jeune femme lui dit : « Restaure-toi d’abord, je t’en prie, et attardez-vous jusqu’au déclin du jour. » Ils mangèrent donc tous deux ensemble.
9 Le mari se levait pour partir avec sa concubine et son serviteur, quand son beau-père, le père de la jeune femme, lui dit : « Voici que le jour baisse vers le soir, passez donc la nuit. Voici le déclin du jour, passez la nuit ici, et que ton cœur se réjouisse. Demain de bon matin, vous partirez et tu regagneras ta tente. »
10 Mais l’homme, refusant de passer la nuit, se leva, partit et il arriva en vue de Jébus — c’est Jérusalem. Il avait avec lui deux ânes bâtés et sa concubine.h
h L’hébr. répète « avec lui » ; les versions ajoutent « et son serviteur ».
Le crime des gens de Gibéa.i
11 Lorsqu’ils furent près de Jébus, le jour avait beaucoup baissé. Le serviteur dit à son maître : « Viens donc, je te prie, faisons un détour vers cette ville des Jébuséens et nous y passerons la nuit. »
i À Gibéa de Benjamin, le lévite ne trouve asile que chez un homme d’Éphraïm, v. 16, qui est prêt à remplir ses devoirs d’hôte jusqu’à l’héroïsme, v. 24. Les Benjaminites de la ville manquent gravement à la loi de l’hospitalité, v. 15, et ont ensuite une conduite abominable. Il y a dans le rappel de cette histoire une polémique (judéenne ?) contre Saül, dont Gibéa était la capitale. — Tout ce récit comporte, dans sa rédaction, des réminiscences de l’histoire de Lot, Gn 19.1-11.
12 Son maître lui répondit : « Nous ne ferons pas de détour vers une ville d’étrangers, ici où il n’y a aucun Israélite, mais nous pousserons jusqu’à Gibéa. »
13 Et il ajouta à son serviteur : « Allons, et tâchons d’atteindre l’une de ces localités pour y passer la nuit, Gibéa ou Rama. »
14 Ils poussèrent donc plus loin et continuèrent leur marche. À leur arrivée en face de Gibéa de Benjamin, le soleil se couchait.
15 Ils se tournèrent alors de ce côté pour passer la nuit à Gibéa. Le lévite, étant entré, s’assit sur la place de la ville, mais personne ne leur offrit dans sa maison l’hospitalité pour la nuit.
16 Survint un vieillard qui, le soir venu, rentrait de son travail des champs. C’était un homme de la montagne d’Éphraïm, qui résidait à Gibéa, tandis que les gens de l’endroit étaient des Benjaminites.
17 Levant les yeux, il remarqua le voyageur, sur la place de la ville : « Où vas-tu, lui dit le vieillard, et d’où viens-tu ? »
18 Et l’autre lui répondit : « Nous faisons route de Bethléem de Juda vers le fond de la montagne d’Éphraïm. C’est de là que je suis. J’étais allé à Bethléem de Juda. Je fréquente la maison de Yahvé, mais personne ne m’accueille dans sa maison.j
j Le lévite souligne l’ironie de sa situation lui qui a accès à la maison de Yahvé ne trouve personne pour l’accueillir dans sa maison.
19 Nous avons pourtant de la paille et du fourrage pour nos ânes, j’ai aussi du pain et du vin pour moi, pour ta servante et pour le jeune homme qui accompagne ton serviteur. Nous ne manquons de rien. » —
20 « Sois le bienvenu, repartit le vieillard, laisse-moi pourvoir à tous tes besoins, mais ne passe pas la nuit sur la place. »
21 Il le fit donc entrer dans sa maison et il donna du fourrage aux ânes. Les voyageurs se lavèrent les pieds, puis mangèrent et burent.
22 Pendant qu’ils se réconfortaient, voici que des gens de la ville, des vauriens, s’attroupèrent autour de la maison et, frappant à la porte à coups redoublés, ils dirent au vieillard, maître de la maison : « Fais sortir l’homme qui est venu chez toi, que nous le connaissions. »
23 Alors le maître de la maison sortit vers eux et leur dit : « Non, mes frères, je vous en prie, ne soyez pas des criminels. Après que cet homme est entré dans ma maison, ne commettez pas cette infamie.k
k Le terme hébreu désigne des fautes graves contre la loi divine, surtout des fautes contre les mœurs, particulièrement réprouvées par réaction contre la licence des cultes cananéens. La faute s’accompagne ici d’une atteinte au droit sacré de l’hospitalité.
24 Voici ma fille qui est vierge.l Je vous la livrerai. Abusez d’elle et faites ce que bon vous semble, mais ne commettez pas à l’égard de cet homme une pareille infamie. » l L’hébr. ajoute « et sa concubine (du lévite) ».
25 Ces gens ne voulurent pas l’écouter. Alors l’homme prit sa concubine et la leur amena dehors. Ils la connurent, ils abusèrent d’elle toute la nuit jusqu’au matin et, au lever de l’aurore, ils la lâchèrent.
26 Vers le matin la femme s’en vint tomber à l’entrée de la maison de l’homme chez qui était son mari et elle resta là jusqu’au jour.
27 Au matin son mari se leva et, ayant ouvert la porte de la maison, il sortait pour continuer sa route, quand il vit que la femme, sa concubine, gisait à l’entrée de la maison, les mains sur le seuil.
28 « Lève-toi, lui dit-il, et partons ! » Pas de réponse. Alors il la chargea sur son âne et il se mit en route pour rentrer chez lui.
29 Arrivé à la maison, il prit un couteau et, saisissant sa concubine, il la découpa, membre par membre, en douze morceaux, puis il l’envoya dans tout le territoire d’Israël.m
m Ce sinistre message de vengeance est adressé à tout Israël, cf. 20.1, 2, 10, etc. Cela pourrait souligner la solidarité des tribus en face d’une infraction à la loi religieuse, mais une telle action commune serait unique, et il y a plus vraisemblablement un élargissement de la tradition primitive qui, en face de Benjamin, devait mettre principalement Éphraïm. Ce serait un nouvel épisode de la lutte d’Éphraïm pour la suprématie, cf. 8.1 ; 12.1.
30 Or quiconque voyait cela disait : « Jamais n’est arrivée ni ne s’est vue pareille chose depuis le jour où les Israélites sont montés du pays d’Égypte jusqu’à aujourd’hui ! » Le lévite donna cet ordre aux hommes qu’il envoya : « Ainsi parlerez-vous à tous les Israélites : Est-il arrivé pareille chose depuis le jour où les Israélites sont montés du pays d’Égypte jusqu’à aujourd’hui ?n Réfléchissez-y, consultez-vous et prononcez-vous ! »
n Le v. est tronqué dans l’hébr. et on restitue à partir du grec depuis « le lévite donna cet ordre » jusqu’à « aujourd’hui ». — De la réaction immédiate des gens du voisinage face au drame le lévite tire un message pour tout Israël, d’où la répétition entre les deux parties du v.