Vigouroux – 1 Samuel 2
Cantique d’actions de grâces d’Anne, mère de Samuel. Désordre des enfants d’Héli. Samuel sert devant le Seigneur. Héli reprend trop faiblement ses enfants. Dieu lui fait prédire la ruine de sa maison.
2 Mon cœur a tressailli d’allégresse dans le Seigneur, et (ma force s’est exaltée en) mon Dieu (m’a comblée de gloire). Ma bouche s’est ouverte contre mes ennemis, parce que je me suis réjouie dans le salut que j’ai reçu de vous. [2.1 Ma force ; littéralement ma corne. Chez les anciens la corne était un symbole de la force et de la puissance. ― Ma bouche s’est dilatée, ouverte pour répondre à mes ennemis. Phénenna, sa rivale, l’insultait auparavant à cause de sa stérilité.]2 Nul n’est saint comme le Seigneur ; car il n’y en a point, Seigneur, d’autre que vous, et nul n’est fort comme notre Dieu. 3 Cessez donc de vous glorifier avec des paroles insolentes. Que votre ancien langage ne sorte plus de votre bouche ; parce que le Seigneur est le Dieu de toute science, et qu’il pénètre le fond des pensées. [2.3 C’est pour lui ; ou peut-être : C’est par lui ; ce qui s’accorderait mieux avec ce qui précède immédiatement. Remarquons aussi que la particule hébraïque, rendue ici dans la Vulgate par le datif, signifie souvent par, quand elle se trouve jointe à un verbe passif.]4 L’arc des forts à été brisé, et les faibles ont été remplis de force. 5 Ceux qui étaient auparavant comblés de biens se sont loués pour avoir du pain, et ceux qui étaient pressés de la faim ont été rassasiés. Celle qui était stérile est devenue mère de beaucoup d’enfants ; et celle qui avait des fils nombreux a été affaiblie. 6 C’est le Seigneur qui ôte et qui donne la vie ; qui conduit aux enfers et qui en retire. [2.6 Voir Deutéronome, 32, 39 ; Tobie, 13, 2 ; Sagesse, 16, 13. ― Aux enfers, en hébreu scheôl. Voir Genèse, note 37.35.]7 C’est le Seigneur qui fait le pauvre et qui fait le riche (enrichit) ; c’est lui qui abaisse et qui élève. 8 Il tire le pauvre de la poussière et l’indigent du fumier, pour le faire asseoir entre les princes, et lui donner un trône de gloire. C’est au Seigneur qu’appartiennent les fondements de la terre, et il a posé le monde sur eux (l’univers). 9 Il gardera les pieds de ses saints, et les impies seront réduits au silence dans leurs ténèbres ; car l’homme ne sera point affermi par sa propre force. [2.9 Il gardera, etc. ; il conduira leurs pas, les préservera des pièges.]10 Les ennemis du Seigneur trembleront devant lui ; il tonnera sur eux du haut des cieux. Le Seigneur jugera toute la terre ; il donnera l’empire à celui qu’il a fait roi, et il comblera de gloire le règne (élèvera la puissance) de son Christ. [2.10 Par son christ, le paraphraste chaldéen et les meilleurs interprètes entendent le Messie. ― C’est pour la première fois que le nom de Messie ou Christ apparaît dans la sainte Ecriture. « Le paraphraste chaldéen et les meilleurs interprètes, dit Calmer, entendent ceci du Messie et de son royaume sur l’Eglise. Il donnera la force à son roi, dit Jonathan, et il multipliera le royaume de son Messie. On l’explique aussi de David, qui a été une des plus expressives images de Jésus-Christ. Anne, ou plutôt le Saint-Esprit, pouvait avoir en vue en même temps ces deux grands objets : le changement de l’état présent des Hébreux de patriarcal en monarchique, et le règne glorieux du Messie. » Les sentiments exprimés par Anne dans son cantique sont si beaux que la sainte Vierge se les est appropriés en partie dans son Magnificat.]11 Après cela Elcana s’en retourna à sa maison à Ramatha. Et (Mais) l’enfant servait en la présence du Seigneur devant le (grand) prêtre Héli. 12 Or les enfants (fils) d’Héli étaient des enfants de Bélial, qui ne connaissaient point le Seigneur, [2.12 Bélial. Voir Deutéronome, 13, 13.]13 ni le devoir des prêtres à l’égard du peuple ; car lorsque quelqu’un avait immolé une victime, le serviteur du prêtre venait pendant qu’on en faisait cuire la chair, et tenant à la main une (la) fourchette à trois dents, 14 il la mettait dans la chaudière ou dans le chaudron, dans la marmite ou dans le pot, et tout ce qu’il pouvait enlever avec la fourchette était pour le prêtre. Ils traitaient ainsi tout le peuple d’Israël qui venait à Silo. 15 Avant qu’on fît aussi brûler la graisse de la victime, le serviteur du prêtre venait, et disait à celui qui immolait : Donne-moi de la chair, afin que je la fasse cuire pour le prêtre ; car je ne recevrai point de toi de chair cuite, mais j’en veux de la crue. 16 Celui qui immolait lui disait : Qu’on fasse auparavant brûler la graisse selon la coutume, et après cela prenez de la chair autant que vous en voudrez. Mais le serviteur lui répondait : Non ; (car) tu en donneras immédiatement, ou j’en prendrai par force. 17 Et ainsi le péché de ces fils d’Héli était très grand devant le Seigneur, parce qu’ils détournaient les hommes du sacrifice du Seigneur. 18 Cependant l’enfant Samuel servait devant le Seigneur, vêtu d’un éphod de lin. [2.18 D’un éphod. Voir Exode, note 25.7.]19 Et sa mère lui faisait une petite tunique qu’elle apportait aux jours solennels, lorsqu’elle venait avec son mari pour offrir le sacrifice accoutumé. [2.19 Aux jours prescrits. Voir 1 Rois, 2, 3.]20 Et Héli bénit Elcana et sa femme, et il dit à Elcana : Que le Seigneur te rende des enfants de cette femme pour le dépôt que tu as mis entre les mains du Seigneur. Et ils s’en retournèrent chez eux. 21 Le Seigneur visita donc Anne ; et elle conçut, et enfanta trois fils et deux filles ; et l’enfant Samuel grandit devant le Seigneur. 22 Or Héli était extrêmement (fort) vieux, et ayant appris la manière dont ses fils se conduisaient envers tout Israël, et qu’ils dormaient avec les femmes qui veillaient à l’entrée du tabernacle, 23 il leur dit : Pourquoi faites-vous toutes ces choses que j’entends, ces crimes détestables que j’apprends de tout le peuple ? 24 Ne faites plus cela, mes enfants ; car c’est un bruit très triste qui court à votre sujet, que vous portez le peuple du Seigneur à violer ses commandements. 25 Si un homme pèche contre un homme, on peut lui rendre Dieu favorable ; mais si un homme pèche contre le Seigneur, qui priera pour lui ? Et les fils d’Héli n’écoutèrent point la voix de leur père, parce que le Seigneur voulait les perdre. [2.25 Mais si c’est contre le Seigneur, etc. Les fautes d’un homme contre un autre homme sont plus faciles à pardonner, parce qu’elles regardent Dieu d’une manière en quelque sorte moins directe ; mais si nous l’attaquons immédiatement en profanant son nom, en souillant ses mystères, en rendant méprisables sa religion et ses cérémonies, qui s’intéressera à nous réconcilier avec lui ? quels moyens emploierons-nous pour fléchir sa justice ? Ainsi, bien que notre pardon ne soit pas en ce cas impossible, il devient au moins d’une plus grande difficulté. ― Parce que le Seigneur, etc. Parce que le Seigneur voulut les abandonner à eux-mêmes, et qu’il ne leur donna pas ces grâces extraordinaires, qui auraient triomphé de la dureté de leur cœur, mais dont ils s’étaient rendus indignes par leurs infidélités, et en comblant la mesure de leurs crimes. Comparer à Exode, 4, 21 ; Romains, 9, 18.]26 Cependant l’enfant Samuel s’avançait et croissait, et il plaisait à Dieu et aux hommes. 27 Or un homme de Dieu vint trouver Héli, et lui dit : Voici ce que dit le Seigneur : Ne me suis-je pas révélé visiblement à la maison de ton père lorsqu’ils étaient en Egypte dans la maison du (de) Pharaon ? [2.27 Un homme de Dieu ; c’est-à-dire un prophète. Comparer à 1 Rois, 9, 6. ― Ton père Aaron.]28 Je l’ai choisi de toutes les tribus d’Israël pour être mon prêtre, pour monter à mon autel, pour m’offrir des parfums et porter l’éphod en ma présence ; et j’ai fait participer la maison de ton père à tous les sacrifices des enfants d’Israël. [2.28 De tous les sacrifices ; littéralement de toutes les choses des sacrifices, de tout ce qui revenait au prêtre dans les sacrifices.]29 Pourquoi avez-vous foulé aux pieds mes victimes et les dons (présents) que j’ai ordonné qu’on m’offrit dans le temple ? et pourquoi as-tu plus honoré tes enfants que moi, pour manger avec eux les prémices de tous les sacrifices de mon peuple Israël ? 30 C’est pourquoi voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d’Israël : J’ai dit et j’ai certifié autrefois (Parlé, j’ai parlé, afin, note) que ta maison et la maison de ton père servirait à jamais devant ma face. Mais maintenant je suis bien éloigné de cette pensée, dit le Seigneur ; car je glorifierai quiconque m’aura rendu gloire, et ceux qui me méprisent tomberont dans le mépris (seront avilis). [2.30 Voir 3 Rois, 2, 27. ― Parlant, j’ai parlé. Nous avons déjà remarqué que ce genre de répétition avait pour but de donner à l’expression de la force et de l’énergie.]31 (Voici qu’) Il va venir un temps où je couperai ton bras, et le bras de la maison de ton père, de sorte qu’il n’y aura point de vieillard dans ta maison. 32 Et lorsque tout Israël sera dans la prospérité, tu verras dans le temple un homme qui sera l’objet de ton envie : et il n’y aura jamais de vieillard dans ta maison. 33 Néanmoins je n’éloignerai pas entièrement de mon autel ceux de ta race ; mais je ferai que tes yeux soient obscurcis, et que ton âme sèche de langueur ; et une grande partie de ceux de ta maison mourront lorsqu’ils seront venus en âge d’homme. 34 (Or) Le signe que tu en auras, est ce qui arrivera à tes deux fils Ophni et Phinées, qui mourront tous deux en un même jour. 35 Et je me susciterai un prêtre fidèle, qui agira selon mon cœur et selon mon âme. Je lui établirai une maison stable, et il marchera toujours devant mon christ. [2.35 Ce prêtre est Sadoc, dans la famille duquel demeura constamment le souverain sacerdoce. ― Devant mon christ, mon oint, c’est-à-dire le roi, qui devait être sacré par l’onction de l’huile. Cette prophétie annonce l’institution de la royauté en Israël.]36 Alors quiconque restera de ta maison viendra, afin que l’on prie pour lui et il offrira une pièce d’argent et un morceau de pain, en disant : Donnez-moi (Admettez-moi), je vous prie, (à) une portion sacerdotale, afin que j’aie une bouchée de pain à manger. [2.36 Viendra, comme un simple Israélite demander au prêtre de prier pour lui en présentant pour ses offrandes, non point un bœuf, un veau, ou une brebis ; mais un pain et une petite pièce d’argent comme les personnes les plus pauvres.]