Vigouroux – Daniel 2
Songe de Nabuchodonosor, statue composée de quatre métaux. Les devins de Chaldée ne peuvent pas faire connaître au roi ce songe qu’il avait oublié. Daniel le lui fait connaître et le lui explique. Honneurs que Nabuchodonosor fait à Daniel.
2 La seconde année de son règne, Nabuchodonosor eut un songe, dont son esprit fut effrayé ; puis ce songe lui échappa. [2.1-49 2° Le second chapitre contient le récit d’un songe de Nabuchodonosor, en 602 ou 603, et l’explication qu’en donna Daniel. Le roi avait vu une statue dont la tête était d’or, la poitrine et les bras d’argent, le ventre et les cuisses de bronze, les jambes de fer, une partie des pieds de fer et l’autre d’argile. Le Prophète expliqua au roi, comme Joseph l’avait fait autrefois au pharaon, la signification du songe. Les diverses parties de la statue marquaient les empires qui devaient se succéder dans le monde : la tête d’or, c’est l’empire de Nabuchodonosor ; la poitrine d’argent, c’est l’empire médo-perse ; le ventre de bronze, c’est l’empire d’Alexandre et les royaumes des Séleucides et des Ptolémées, la Syrie et l’Egypte, qui en sont issus ; les jambes de fer, c’est l’empire romain qui brise et écrase tout ; les pieds, moitié argile, moitié fer, c’est ce même empire divisé en empire d’Orient et empire d’Occident. Une petite pierre détachée de la montagne, c’est-à-dire Jésus-Christ, renverse le colosse, et Dieu fonde le royaume éternel de son Eglise.][2.1 La seconde année. Probablement la seconde année du règne de Nabuchodonosor, depuis la mort de son père Nabopolassar (602).]2 Le roi ordonna donc de rassembler les devins, les mages, les enchanteurs et les Chaldéens, pour qu’ils lui fissent connaître ses songes. Ils vinrent et se présentèrent devant le roi. [2.2 Les Chaldéens ; probablement les prêtres Chaldéens adonnés à l’astrologie. ― Les devins, les mages, etc., sont les diverses classes de magiciens qu’on distinguait à Babylone, où la magie était si cultivée que chaldéen devint synonyme de magiciens.]3 Et le roi leur dit : J’ai eu un songe ; mais mon esprit est confus, et j’ignore ce que j’ai vu. 4 Les Chaldéens répondirent au roi en langue syriaque : O roi, vis (vivez) éternellement ; di(te)s le songe à tes (vos) serviteurs, et nous en donnerons l’interprétation. [2.4 En syriaque ; selon le texte hébreu, en araméen, c’est-à-dire en chaldéen et en syriaque ; car anciennement ces deux langues n’en faisaient qu’une (voir 4 Rois, 18, 26 ; 1 Esdras, 4, 7) ; et quoique depuis elles aient formé deux idiomes, d’ailleurs fort rapprochés, on les a toujours comprises l’une et l’autre sous la dénomination commune de langue araméenne. Depuis ce verset jusqu’à la fin du chapitre 7, le texte primitif est écrit en chaldéen. ― En syriaque ou en araméen ne signifie pas que les Chaldéens parlèrent au roi en cette langue, mais que ce qui suit dans le livre du Prophète est écrit en syriaque. Après : un roi, il faudrait un point. En syriaque est une indication donnée au lecteur.]5 Le roi répondit aux Chaldéens : La chose m’a échappé (m’est échappé de la mémoire) ; si vous ne me faites pas connaître le songe et ce qu’il signifie, vous périrez tous, et vos maisons seront confisquées. [2.5 ; 2.8 La chose ; le songe ; selon d’autres, la parole ; c’est-à-dire l’ordre, le commandement est émané de moi.]6 Mais si vous me racontez le songe et ce qu’il signifie, vous recevrez de moi des dons, des présents et des grands honneurs. Faites-moi donc connaître le songe et son interprétation. 7 Ils répondirent pour la seconde fois, et ils dirent : Que le roi dise le songe à ses serviteurs, et nous lui en donnerons l’interprétation. 8 Le roi répondit : Je vois bien que vous cherchez à gagner du temps, parce que vous savez que la chose m’a (m’est) échappé (de la mémoire). 9 Si donc vous ne me faites pas connaître le songe, vous subirez tous la même sentence, parce que vous m’auriez donné une interprétation trompeuse et pleine de fausseté, pour m’entretenir jusqu’à ce que le temps se passe. Dites-moi le songe, afin que je sache que l’interprétation que vous en donnerez sera véritable. 10 Les Chaldéens répondirent au roi : Il n’y a pas d’homme sur la terre, ô roi, qui puisse accomplir ton ordre (votre parole) ; et il n’y a pas de roi, quelque grand et puissant qu’il fût, qui ait jamais demandé une pareille chose à un devin, à un magicien et à un Chaldéen. [2.10 Les livres de magie chaldéens, dont plusieurs sont parvenus jusqu’à nous, donnent l’interprétation des différentes choses qu’on peut voir en songe, mais ils ne peuvent apprendre quel a été le songe sur lequel on consulte ; Dieu seul peut faire cette révélation.]11 Car ce que tu (vous) demandes(z), ô roi, est difficile ; et on ne trouvera personne qui puisse l’indiquer en ta (votre) présence, excepté les dieux, qui n’ont pas de commerce avec les hommes. 12 A cette réponse, le roi entra en fureur, et, dans son extrême colère, il ordonna qu’on fît périr tous les sages de Babylone. 13 Cet arrêt ayant été prononcé, les sages étaient mis à mort, et on cherchait Daniel et ses compagnons pour les faire périr. [2.13 Les sages étaient mis à mort (interficiebantur). D’après ces paroles on avait déjà commencé à exécuter la sentence du roi ; celles du verset 24 ne disent pas formellement le contraire.]14 Alors Daniel s’informa de la loi et de la sentence auprès d’Arioch, chef (prince) de la milice du roi, qui était sorti pour mettre à mort les sages de Babylone ; [2.14 Arioch ; en assyrien : Eriaku, signifie d’après quelques-uns, serviteur du dieu Lune.]15 et comme il avait reçu cet ordre du roi, Daniel lui demanda pour quel motif le roi avait prononcé une sentence si cruelle. Arioch ayant exposé l’affaire à Daniel, [2.15 Emanée du roi ; littéralement sortie de la face du roi. Comparer au verset 19.]16 Daniel se présenta devant le roi, et le pria de lui accorder du temps pour donner au roi la solution. 17 Et étant entré dans sa maison, il déclara ce qui se passait à Ananias, Misaël et Azarias, ses compagnons, 18 afin qu’ils implorassent la miséricorde du Dieu du ciel sur ce mystère, et que Daniel et ses compagnons ne périssent pas avec les autres sages de Babylone. 19 Alors le mystère fut révélé à Daniel dans une vision pendant la nuit ; et Daniel bénit le Dieu du ciel 20 et dit : Que le nom du Seigneur soit béni de siècle en siècle, parce que la sagesse et la force sont à lui ! (.) 21 C’est lui qui change les temps et les âges, qui transfère et qui établit les royaumes, qui donne la sagesse aux sages, et la science à ceux qui ont l’intelligence (comprennent l’instruction). 22 C’est lui qui révèle les choses profondes et cachées, et qui connaît ce qui est dans les ténèbres ; et la lumière est avec lui. 23 Dieu de nos pères, je vous rends grâces et je vous loue, parce que vous m’avez donné la sagesse et la force ; et maintenant vous m’avez montré ce que nous vous avons demandé, car vous nous avez découvert le secret du roi. [2.23 La sagesse et la force qui nous étaient nécessaires pour nous délivrer d’un si grand danger.]24 Après cela Daniel alla trouver Arioch, à qui le roi avait ordonné de faire mourir les sages de Babylone, et il lui parla ainsi : Ne fais(tes) pas mourir les sages de Babylone ; conduis(ez)-moi en présence du roi, et je lui donnerai la solution. [2.24 La solution ; l’éclaircissement qu’il demande.]25 Alors Arioch conduisit promptement Daniel auprès du roi, et lui dit : J’ai trouvé un homme d’entre les captifs des enfants (fils de la transmigration) de Juda, qui donnera au roi la solution. 26 Le roi répondit et dit à Daniel, surnommé (dont le nom était) Baltassar : Penses-tu pouvoir véritablement me dire le songe que j’ai eu, et son interprétation ? 27 Daniel répondit en présence du roi et dit : Le mystère dont le roi s’enquiert, les sages, les mages, les devins et les augures ne peuvent le découvrir au roi. 28 Mais il y a dans le ciel un Dieu qui révèle les mystères, et qui (vous) t’a montré, ô roi, ce qui doit arriver dans les derniers temps. Voici ton (votre) songe et les visions qui (vous) t’ont traversé l’esprit sur ta (votre) couche : [2.28 Les derniers temps, dans l’Ancien Testament, et surtout dans le style des prophètes, désignent ordinairement l’avènement du Messie, et l’établissement de son règne. Comparer à Isaïe, 2, 2. ― Les visions, etc., sont la même chose que votre songe. ― L’expression vision de la tête, familière à Daniel, veut dire, vision qui ne vient pas dans l’esprit par la vue des objets extérieurs, mais qui est formée uniquement dans le cerveau.]29 Tu (Vous) commenças (avez commencé), ô roi, à penser à ce qui devait arriver après ce temps-ci ; et celui qui révèle les mystères (vous) t’a montré les choses à venir. 30 A moi aussi ce secret a été révélé, non par une sagesse qui serait en moi plus que chez tous les vivants, mais afin que le roi sût l’interprétation du songe, et que tu (nous) connusses(siez) les pensées de ton esprit. 31 O roi, tu (vous) regardais(iez), et voici qu’une statue immense (vous) t’apparut ; cette statue, grande et extraordinairement élevée, était debout devant toi (vous), et son aspect (regard) était terrible. 32 La tête de cette statue était d’un or très pur ; (mais) la poitrine et les bras étaient d’argent ; le ventre et les cuisses, d’airain ; 33 les jambes, de fer ; une partie des pieds était de fer, et (mais) l’autre d’argile. 34 Tu (Vous) la regardais(iez), lorsqu’une pierre se détacha de la montagne sans la main d’aucun homme, et elle frappa la statue sur ses pieds de fer et d’argile, et elle les mit en pièces. 35 Alors le fer, l’argile, l’airain, l’argent et l’or se brisèrent ensemble, et devinrent comme la menue paille d’une aire en été ; le vent les emporta ; et on n’en trouva plus de trace ; mais la pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne et remplit toute la terre. [2.35 Comme la cendre brûlante d’une aire d’été ; toute autre traduction ferait évidemment violence au texte de la Vulgate (Quasi in favillam æstivæ areæ). Quant au terme chaldéen hour, qui peut très bien signifier les ordures qui restent sur l’aire, après qu’on a battu les grains, rien n’empêche de supposer qu’on brûlait ces ordures, dont la cendre était emportée par le vent ; et que c’est à cela que fait allusion l’écrivain sacré. Ajoutons que le mot grec des Septante koniortos signifie, entre autres choses, cendre enlevée par le vent.]36 Voilà le songe ; nous en donnerons aussi l’interprétation devant toi (vous), ô roi. 37 Tu (Vous êt)es le roi des rois, et le Dieu du ciel (vous) t’a donné le royaume, la force, l’empire et la gloire ; [2.37 Le roi des rois ; titre ordinaire que prenaient aussi les rois de Perse. Nabuchodonosor était alors le plus grand roi du monde.]38 il (vous) t’a assujetti tous les lieux où habitent les enfants des hommes et les bêtes des champs ; il a mis aussi dans ta (votre) main les oiseaux du ciel, et il a soumis toutes choses à ta (votre) puissance : c’est donc toi (vous) qui (êt)es la tête d’or. [2.38 Les fils des hommes ; expression poétique, signifiant simplement, les hommes.]39 Après toi (vous) il s’élèvera un autre royaume, moindre que le tien (votre), il sera d’argent ; et ensuite un troisième royaume qui sera d’airain et qui commandera à toute la terre. [2.39 Un royaume moindre, etc. ; c’est le royaume Médo-Persique fondé par Darius le Mède et Cyrus, et qui fut moindre en effet que l’empire babylonien, tant par la durée que par l’étendue et la puissance. ― Un troisième royaume, l’empire des Grecs, fondé par Alexandre le Grand.]40 Le quatrième royaume sera comme le fer ; de même que le fer brise et dompte toutes choses, ainsi il brisera et il réduira tout cela (tous ces autres royaumes) en poudre. [2.40 Le quatrième royaume, l’empire romain, qui brisa et mit en poudres tous les royaumes qui subsistaient avant lui dans l’Europe, dans l’Afrique et dans presque toute l’Asie.]41 Mais, comme tu (vous) as(vez) vu que les pieds et les doigts des pieds étaient en partie d’argile de potier et en partie de fer, le royaume, quoique prenant son origine du fer, sera divisé, selon que tu (vous) as(vez) vu que le fer était mêlé avec la terre et l’argile (à l’argile fangeuse). [2.41-43 Tout ceci regarde le dernier âge de l’empire romain depuis Auguste. L’ancienne vigueur de la république romaine s’énerva sous le gouvernement des empereurs, représentés par les pieds de la statue.]42 Et comme les doigts des pieds étaient en partie de fer et en partie de terre, le royaume sera solide en partie, et en partie fragile. 43 Et comme tu (vous) as(vez) vu que le fer était mêlé avec la terre et l’argile, ils se mêleront aussi par des alliances humaines ; mais ils ne demeureront pas unis, de même que le fer ne peut se mêler avec l’argile. 44 Au temps de ces royaumes, le Dieu du ciel suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et ce royaume ne sera pas livré à un autre peuple ; il brisera et anéantira tous ces autres royaumes, et lui-même subsistera éternellement. [2.44 Un royaume qui jamais, etc. Ce royaume éternel est celui du Messie qui prit naissance sous Auguste, le premier empereur des Romains, et qui n’a jamais passé au pouvoir d’un autre peuple.]45 Comme tu (vous) as(vez) vu que la pierre qui avait été détachée de la montagne, sans la main d’aucun homme, a brisé l’argile, le fer, l’airain, l’argent et l’or, le grand Dieu a fait voir au roi ce qui doit arriver plus tard. Le songe est véritable et l’interprétation en est certaine. [2.45 Une pierre, etc. C’est Jésus-Christ, né d’une vierge, et qui a établi son royaume sur la terre sans le concours d’aucune puissance humaine. Il a frappé les pieds du colosse, c’est-à-dire de l’empire idolâtre des Romains.]46 Alors le roi Nabuchodonosor se prosterna la face contre terre et adora Daniel, et il ordonna qu’on lui offrit des victimes (hosties) et de l’encens. 47 Parlant ensuite à Daniel, le roi dit : Votre Dieu est véritablement le Dieu des dieux, et le Seigneur des rois, et celui qui révèle les mystères, puisque tu as pu dévoiler ce secret. 48 Alors le roi éleva Daniel aux plus hauts honneurs et lui fit de nombreux et magnifiques présents, il lui donna le gouvernement de toutes les provinces de Babylone, et l’établit chef suprême de tous les sages de Babylone. 49 Daniel demanda au roi, qui l’accorda, de donner à Sidrach, à Misach et à Abdénago l’intendance des affaires de la province de Babylone ; quant à Daniel, il était à la cour du roi. [2.49 A la porte du roi ; près de la personne du roi.]