Amiot-Tamisier – Galates 2
LA DOCTRINE DE SAINT PAUL SUR L'ABROGATION DE LA LOI MOSAÏQUE A ÉTÉ APPROUVÉE PAR LES AUTRES APÔTRES ♦ IL L'A SOUTENUE VICTORIEUSEMENT À ANTIOCHE CONTRE SAINT PIERRE, DONT L'ATTITUDE RISQUAIT D'ENGENDRER UNE ÉQUIVOQUE
2 Ensuite, quatorze ans plus tard, je montai de nouveau à Jérusalem, ayant en outre pris Tite avec moi. [1. Les quatorze années sont à compter à partir de la conversion de l'Apôtre ; on est donc en 45 ou 46. Le voyage mentionné ici est celui dont parlent les Actes XI, 29-30 ; XII, 25, et non celui raconté dans Actes XV (Concile de Jérusalem).] 2 J'y montai à la suite d'une révélation et j'y exposai l'Évangile que je prêche parmi les païens ; [je l'exposai] en particulier aux autorités, pour savoir si je courais ou avais couru pour rien. [2. Il s'agit d'une conférence particulière, non de l'assemblée générale de 49.] 3 Or, pas même Tite qui m'accompagnait et qui était Grec ne fut contraint de se faire circoncire, [3-5. Saint Paul a absolument refusé de laisser circoncire Tite ; céder sur ce point eût compromis la « vérité de l'Évangile », c'est-à-dire la doctrine de l'abrogation de la Loi mosaïque.] 4 cela à cause des intrus, des faux frères qui s'étaient glissés parmi nous, pour épier la liberté dont nous jouissions dans le Christ Jésus, et dans le dessein de nous asservir. 5 Nous ne leur avons cédé en rien, pas même un instant, afin que la vérité de l'Évangile demeurât sauve pour vous. 6 Quant à ceux qui sont tenus pour les autorités — peu m'importe ce qu'ils étaient, Dieu ne fait pas acception de personnes — les autorités ne m'imposèrent absolument rien. [6. Les autorités n'ont rien imposé à Paul, ce qui n'est pas vrai de l'assemblée de 49 qui imposa aux convertis du paganisme l'abstention de certains aliments : Actes XV, 20.] 7 Au contraire, voyant que l'évangélisation des incirconcis m'a été confiée comme à Pierre celle des circoncis — 8 car celui dont l'intervention a fait de Pierre l'apôtre des circoncis a fait aussi de moi l'apôtre des païens — [8-9. La délimitation des champs respectifs d'apostolat est approximative et nullement exclusive.] 9 et reconnaissant la grâce qui m'a été départie, Jacques, Céphas et Jean, regardés [de tous] comme les colonnes, nous donnèrent la main en signe d'accord, à Barnabé et à moi, pour aller, nous aux païens, eux aux circoncis. 10 [Ils nous demandèrent] seulement de nous souvenir des pauvres, ce que précisément j'ai eu à cœur de faire.
11 Mais quand Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il était digne de blâme. [11-13. Comparer Actes XV, 1-2. Pierre était d'accord avec Paul sur les principes depuis la conversion du centurion Corneille : Actes X, 14-16, 47-48 ; XI, 1-18. Mais il crut devoir user de condescendance envers les Judéo-chrétiens, au risque de couper en deux l'Église d'Antioche et de donner le change sur sa pensée ; d'où la réaction très vive de Paul.] 12 Avant l'arrivée de certaines gens de l'entourage de Jacques, il prenait ses repas avec les païens ; mais à leur arrivée, il s'esquiva et se tint à l'écart, par peur des circoncis. 13 Les autres Juifs imitèrent sa dissimulation, au point que Barnabé lui-même s'y laissa entraîner. 14 Mais quand je vis qu'ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l'Évangile, je dis à Céphas en présence de tous :
Si toi, qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à celle des Juifs, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser ? [14. L'attitude de Pierre contraignait moralement à judaïser les chrétiens issus du paganisme.] 15 Nous autres, nous sommes Juifs de naissance, et non pécheurs d'entre les païens. 16 Sachant bien que l'homme n'est pas justifié par les œuvres de la Loi, mais par la foi au Christ Jésus, nous avons cru, nous aussi, au Christ Jésus, afin d'être justifiés par la foi en lui et non par les œuvres de la Loi, car, par les œuvres de la Loi personne ne saurait être justifié. [16. Les apparitions du Sauveur, les révélations dont Pierre et Paul ont été favorisés, la transformation des âmes par l'Évangile, leur ont montré que la foi dans le Christ peut seule justifier, à l'exclusion de la pratique de la Loi. Le Psaume CXLIII, 2, invoqué à la fin du verset, affirme, en outre, que les œuvres de la Loi n'ont pu justifier personne.] 17 Que si, cherchant la justification dans le Christ, nous nous trouvons, nous aussi, au rang des pécheurs, c'est donc que le Christ servirait la cause du péché ? [17. Si l'abandon de la Loi est coupable, le Christ en l'autorisant fait commettre une faute nouvelle : supposition blasphématoire et impossible.] 18 Non, certes, mais si je rebâtis ce que j'ai détruit, c'est alors que je me constitue prévaricateur. [18. Relever ce qu'on a détruit, c'est-à-dire revenir à la Loi mosaïque, serait reconnaître qu'on a péché en la rejetant et se constituer prévaricateur.][18-19. Le Christ a détruit la Loi, en vertu de laquelle il a été mis à mort, comme blasphémateur ; il l'a clouée à la croix : Éphésiens II, 15 ; Colossiens II, 14. Comparer avec III, 13. Or, la Loi n'a évidemment aucun droit sur un mort et, à plus forte raison, sur le Christ ressuscité ; elle n'en a pas davantage sur le chrétien, que le baptême unit intimement à la mort et à la résurrection du Christ : Romains VI, 7 ; VII, 2-6 ; il demeure crucifié avec lui, donc mort à la Loi comme lui, et en outre vivant de sa vie,] 19 Car par la Loi je suis mort à la Loi, afin de vivre pour Dieu. 20 Je suis crucifié à jamais avec le Christ ; ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi. Il est vrai, je vis présentement dans la chair, mais j'y vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et s'est livré pour moi. [20. Admirable verset, où s'exprime toute l'âme de saint Paul.] 21 Je ne rejette pas la grâce de Dieu ; car si la justice s'obtient par la Loi, c'est pour rien que le Christ est mort. [21. Dernière considération qui complète la démonstration : si la justice s'obtient par la Loi, à quoi bon la mort du Christ ? Tout porte à croire que Pierre fut convaincu, si on en juge par son attitude, à l'assemblée de Jérusalem : Actes XV, 7-11.]