Vigouroux – Habakuk 2
Ordre au prophète d’écrire sa vision. Malheur à celui dont l’ambition est insatiable, à celui qui établit sa maison par la violence, à celui qui bâtit sa ville dans le sang, à celui qui mêle le fiel dans le vin pour enivrer son allié, à celui qui adore le bois et la pierre.
2 Je me tiendrai à mon poste de garde, et je demeurerai ferme sur le rempart, et je regarderai attentivement pour voir ce qui me sera dit, et ce que je répondrai à celui qui me reprendra (m’interpellera). 2 Alors le Seigneur me parla, et me dit : Ecris ce que tu vois, et marque-le sur des tablettes, afin qu’on puisse le lire couramment (que ne s’arrête pas celui qui la lira, note). [2.2 Ne s’arrête pas ; lise de suite couramment.]3 Car ce qui t’a été révélé est encore lointain ; mais cela paraîtra enfin (à la fin) et ne mentira pas : si cela est différé, attends-le, car cela arrivera certainement et ne tardera pas. 4 Voici, celui qui est incrédule n’a(ura) pas (une) l’âme droite en lui ; mais le juste vivra par sa foi. [2.4 Voir Jean, 3, 36 ; Galates, 3, 11. ― Mais le juste, etc. ; paroles que saint Paul (voir Romains, 1, 17 ; Hébreux, 10, 38) applique à la foi en Jésus-Christ, en l’œuvre de la rédemption.]5 Comme le vin trompe celui qui en boit, ainsi l’homme orgueilleux ne demeurera pas dans son éclat (ne sera pas honoré) ; il a dilaté son âme comme l’enfer, il est comme la mort et n’est pas rassasié (se rassasie pas) ; il attire(ra) à soi (vers lui) toutes les nations, et réunit(ra) auprès de lui tous les peuples. [2.5 Et il ne sera pas honoré. La particule et peut être ici purement pléonastique, marquant l’apodose (voir Osée, 11, 1), ou bien explicative, synonyme de c’est-à-dire, sens qu’elle a quelquefois dans la Bible. Cette prophétie peut s’entendre non seulement de Nabuchodonosor, mais encore de la monarchie même des Chaldéens.]6 Est-ce que tous ceux-ci ne le prendront pas (Ne le prendront-ils pas, note) comme un sujet de fable, de railleries et d’énigmes ? On dira : Malheur à celui qui accumule (des biens) ce qui n’est pas à lui. Jusques à quand amassera-t-il contre lui une boue épaisse ? [2.6 Ne le prendront pas, etc. Voir Jérémie, 24, 7. ― Une boue épaisse, comparaison pour désigner les richesses.]7 Est-ce qu’il ne s’élèvera pas soudain des hommes qui te mordront ? ne s’éveilleront-ils pas pour te déchirer, de sorte que tu sois leur proie ? [2.7 Le Prophète désigne ici les Mèdes et les Perses, qui, sous la conduite de Cyrus, attaquèrent l’empire des Chaldéens, et le détruisirent sous Baltassar, petit-fils de Nabuchodonosor.]8 Parce que tu as dépouillé des nations nombreuses, tous ceux qui seront restés d’entre les peuples te dépouilleront, à cause du sang des hommes (que tu as versé), et des injustices exercées contre les terres de (de l’iniquité que tu as commise sur le pays,) la ville, et contre tous ceux qui y habitent. 9 Malheur à celui qui amasse avec (les fruits d’) une avarice criminelle pour sa maison, et pour mettre son nid dans un lieu élevé, pensant qu’il se garantira de la main du mal(heur) ! [2.9 Malheur, etc. On explique encore ordinairement ceci du roi de Babylone.]10 Tu as médité (des desseins qui ont été) la honte pour (de) ta maison, tu as détruit des peuples nombreux, et ton âme a péché. 11 Car la pierre criera de la muraille, et le bois qui lie la charpente du bâtiment lui répondra. 12 Malheur à celui qui bâtit une ville avec le sang, et qui fonde une ville dans (sur) l’iniquité ! (.) [2.12 Voir Ezéchiel, 24, 9 ; Nahum, 3, 1. ― Le sang ; littéralement, les sangs. Voir Ezéchiel, 22, 2.]13 N’est-ce pas le Seigneur des armées qui fera cela ? Les peuples travailleront pour le feu, et les nations pour le néant, et elles seront épuisées (périront). [2.13 Toutes ces choses que j’annonce, n’est-ce pas le Seigneur qui me les fait annoncer, et qui les exécutera ? ― Des peuples travailleront, etc., c’est-à-dire, que leurs travaux seront consumés par le feu. Comparer à Jérémie, 51, 58.]14 Car la terre sera remplie de la connaissance de la gloire du Seigneur (sera remplie d’ennemis), comme (le lit de) la mer (qui est couvert) par les eaux qui la couvrent. 15 Malheur à celui qui met du fiel dans le breuvage qu’il donne à son ami, et qui l’enivre pour voir sa nudité ! 16 Tu seras (a été) rempli d’ignominie au lieu de gloire. Bois, toi aussi, et sois frappé d’assoupissement. Le calice de la droite du Seigneur t’entourera, et un vomissement d’ignominie couvrira (viendra sur) ta gloire. [2.16 Le calice, etc. ; allusion à l’ancien usage selon lequel, dans les repas, la même coupe passait d’un convive à l’autre.]17 Car l’outrage fait au (commis sur le) Liban retombera sur toi, et les ravages des bêtes farouches (exercé sur les animaux) les effrayeront, à cause du sang des hommes et des injustices commises contre la terre, et la ville, et tous ceux qui y habitent. [2.17 Le Liban ; nom que les prophètes donnaient à Jérusalem. ― Te couvrira ; retombera sur toi. Comparer à Isaïe, 37, 24.]18 A quoi sert la statue (une image taillée au ciseau) qu’un sculpteur a faite, ou l’image fausse qui se coule en fonte (une statue jetée en fonte et une image fausse) ? Cependant l’ouvrier espère en son ouvrage et dans les idoles muettes qu’il a formées (pour faire des simulacres muets). [2.18 L’analyse grammaticale de ce verset est très difficile, pour ne pas dire impossible à faire, tant dans l’hébreu que dans la Vulgate. Les mots statue jetée en fonte (conflatile) et image fausse (imaginem falsam) étant à l’accusatif, sont nécessairement des compléments directs du verbe a fait ou sculpté (sculpsit). Une traduction rigoureuse étant impossible dans notre langue, nous croyons cependant avoir rendu le fond de la pensée de l’écrivain sacré en combinant les deux textes grec et latin.]19 Malheur à celui qui dit au bois : Réveille-toi ; et à la pierre muette : Lève-toi ! Cette pierre pourra-t-elle instruire ? Voici, elle est couverte d’or et d’argent, et il n’y a pas du tout de souffle (vie) dans ses entrailles. 20 Mais le Seigneur habite dans son temple saint : que toute la terre se taise devant lui ! (.) [2.20 Voir Psaumes, 11, 5. ― Son temple saint ; expression qui sert souvent à exprimer le ciel même ; elle peut avoir ici cette signification.]