Vigouroux – Jérémie 2
Plaintes du Seigneur contre son peuple. Prédiction des maux qui doivent fondre sur lui.
2 La parole du Seigneur me fut adressée en ces termes : [2.1 et suivants. Ire partie : Réprobation d’Israël, du chapitre 2 au chapitre 17. ― 1re section : Causes de cette réprobation, du chapitre 2 au chapitre 11. ― 1° Infidélité d’Israël, du chapitre 2 au chapitre 3, verset 5. ― La première cause de la réprobation d’Israël, annoncée par les visions symboliques montrées à Jérémie dans le chapitre 1, c’est son infidélité. Israël, uni à son Dieu au moment de la sortie d’Egypte, lui a été infidèle, chapitre 2, versets 1 à 7 ; ses chefs, les prêtres et les princes, lui ont donné le mauvais exemple, versets 8 et 9. Chez aucun peuple, on n’a vu pareille ingratitude : Dieu a été abandonné pour des idoles, versets 10 à 13. De libre qu’il était, Israël deviendra donc esclave en punition de son crime ; son pays sera dévasté par ceux-là mêmes en qui il s’est confié, les Egyptiens, versets 14 à 21. Sa honte est irrémédiable, son idolâtrie incompréhensible, versets 22 à 32 ; il la porte sur son front, versets 33 à 35 ; il l’expiera, versets 36 et 37 ; il aura beau réclamer hypocritement le pardon, il ne l’obtiendra pas, chapitre 3, versets 1 à 5.][2.1 Disant (dicens). Voir, sur ce mot, Jérémie, 1, 4.]2 Va, et crie aux oreilles de Jérusalem ; dis-lui : Voici ce que dit le Seigneur : Je me suis souvenu de toi, ayant compassion de ta jeunesse ; je me suis souvenu de ton amour pour moi, lorsque tu m’étais fiancée, quand tu me suivis au désert, dans une terre où l’on ne sème pas. [2.2 Je me suis souvenu, etc. La plupart des interprètes expliquent ainsi ce passage : Je me souviens des premiers temps de ton alliance avec moi, et j’ai la douleur de me voir forcé aujourd’hui de te faire des reproches d’infidélité, et de te répudier, après les bontés que j’ai eues pour toi, et la tendresse que je t’ai témoignée dans le temps que je te conduisais dans les déserts d’Arabie.]3 Israël a été consacré au Seigneur, il est les prémices de ses fruits : tous ceux qui le dévorent sont (se rendent) coupables ; les maux viendront sur eux, dit le Seigneur. 4 Ecoutez la parole du Seigneur, maison de Jacob, et (vous) toutes les familles de la maison d’Israël. 5 Voici ce que dit le Seigneur : Quelle iniquité vos pères ont-ils trouvée en moi pour s’éloigner de moi, et pour aller après la vanité, et devenir vains eux-mêmes ? [2.5 Voir Michée, 6, 3.]6 Et ils n’ont pas dit : Où est le Seigneur qui nous a fait monter de la terre d’Egypte, qui nous a conduits par le désert, à travers une terre inhabitée(able) et inaccessible, une terre où l’on a soif, image de la mort, une terre par où aucun homme n’a passé, et où aucun homme n’a habité ? [2.6 A travers le désert du Sinaï, qui est aride et presque inhabitable.]7 Je vous ai fait entrer dans une terre fertile (de carmel, note), pour que vous en mangiez les fruits et les meilleurs produits (que vous jouissiez de ses biens) ; et après y être entrés, vous avez souillé ma terre, et vous avez fait de mon héritage une abomination. [2.7 Une terre de carmel ; une terre très fertile. On donne le nom de Carmel à plusieurs endroits de la Palestine, à cause de leur grande fertilité.]8 Les prêtres n’ont pas dit : Où est le Seigneur ? Les dépositaires de la loi ne m’ont pas connu ; les pasteurs ont prévariqué envers moi ; les prophètes ont prophétisé au nom de Baal, et ils ont suivi les idoles. [2.8 Baal ; le Dieu des Chananéens. Plusieurs faux prophètes prophétisaient en son nom.]9 C’est pourquoi j’entrerai encore en jugement avec vous, dit le Seigneur, et je contesterai (disputerai) avec vos enfants (fils). 10 Passez aux îles de Céthim, et regardez ; envoyez à Cédar, et considérez avec (le plus grand) soin, et voyez s’il s’y est fait quelque chose de semblable : [2.10 Céthim, qui désigne particulièrement la Macédoine, se prend ici pour tous les peuples situés au-delà de la mer et à l’occident de la Palestine. ― Cédar, qui marque l’Arabie, signifie ici tous les peuples situés à l’orient de la Judée.]11 s’il est une nation qui ait changé ses dieux, quoiqu’ils ne soient pas (certainement pas) des dieux ; et cependant mon peuple a changé sa gloire contre (en) une idole. 12 Cieux, soyez étonnés de cela ; portes du ciel, soyez inconsolables (dans la plus grande désolation), dit le Seigneur. [2.12 Portes du ciel ; c’est ainsi qu’on traduit généralement les mots de la Vulgate portæ ejus, en supposant que ejus est mis pour eorum. Il est certain que cet énallage de nombre n’est pas rare dans la Bible.]13 Car mon peuple a fait deux maux : ils m’ont abandonné, moi qui suis une source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes crevassées, qui ne peuvent retenir l’eau. 14 Israël est-il un esclave, ou un enfant d’esclave ? Pourquoi donc est-il devenu une proie ? 15 Les lions ont rugi contre lui, ils ont poussé leurs cris ; on a réduit son pays en désert, ses villes ont été brûlées, et il n’y a personne qui y demeure. 16 Les enfants (fils) mêmes de Memphis et de Taphnès t’ont souillée (déshonorée) (des pieds) jusqu’à la tête. [2.16 Memphis et Taphnès, appelée ailleurs Taphnis, les deux villes principales d’Egypte.]17 Et cela ne t’est-il pas arrivé parce que tu as abandonné le Seigneur ton Dieu, lorsqu’il te conduisait par le chemin (gardait dans la droite voie) ? 18 Et maintenant qu’as-tu à faire sur le chemin de l’Egypte, pour boire de l’eau bourbeuse ? et qu’as-tu à faire sur le chemin des Assyriens, (est-ce) pour boire l’eau du fleuve ? [2.18 De l’eau bourbeuse ; c’est-à-dire du Nil. ― D’un fleuve ; de l’Euphrate. ― L’eau du Nil est ordinairement trouble et limoneuse.]19 Ta malice t’accusera, et ton apostasie te châtiera. Sache et vois que (combien) c’est une chose mauvaise et amère d’avoir abandonné le Seigneur ton Dieu, et de n’avoir plus ma crainte devant les yeux, dit le Seigneur, le Dieu des armées. 20 Dès le commencement (les temps anciens) tu as brisé mon joug, tu as rompu mes liens, et tu as dit : Je ne servirai pas. Car sur toute colline élevée et sous tout arbre touffu tu t’es prostituée comme une femme impudique (de mauvaise vie). [2.20 Voir Jérémie, 3, 6.]21 Et moi je t’avais plantée comme une vigne de choix, tout à fait de bon plant ; comment donc es-tu devenue pour moi un plant bâtard, ô vigne étrangère ? [2.21 Voir Isaïe, 5, 1 ; Matthieu, 21, 33.]22 Quand tu te laverais avec du nitre, et que tu emploierais avec profusion l’herbe de (le) borith, tu demeurerais souillée devant moi dans ton iniquité, dit le Seigneur Dieu. [2.22 Nitre, borith. Le nitre dont il est question ici est le natron ou carbonate de soude natif. On le trouve dans plusieurs lacs d’Egypte, en particulier dans le désert de Nitrie auquel il donnait son nom ; il forme des efflorescences ou des croûtes blanchâtres et jaunâtres, ou bien des souches de 0,50 centimètre à 1 mètre. On s’en est toujours servi en Egypte comme de savon. On s’en servait aussi en Palestine pour le même usage. Mais outre ce savon minéral, on employait aussi un savon végétal, produit par la plante appelée en hébreu borith. On ne sait pas d’ailleurs d’une manière certaine quelle est la plante ainsi nommée. D’après les uns, c’est une espèce de saponaire, servant à laver et produisant, quand elle est frottée avec de l’eau, une mousse savonneuse ; d’après d’autres, c’est, soit le salsola kali, soit la salicorne, qu’on trouve en abondance dans les environs de la mer Morte, et dont les cendres fournissent la matière première du savon.]23 Comment dis-tu : Je ne suis pas souillée, je ne suis pas allée après les Baal(im, note) ? Vois les traces de tes pas dans la vallée, reconnais (sache) ce que tu as fait. Juda est (comme) un coursier léger qui dévore la route. [2.23 Baalim ; pluriel hébreu de Baal, c’est-à-dire maître, seigneur, désigne les idoles de ce faux dieu. ― La vallée ; probablement la vallée dite du fils d’Ennom, où l’on sacrifiait les enfants à Moloch. Comparer à Jérémie, 7, 32 ; 19, 2. ― Coureur ; selon l’hébreu, jeune femelle de chameau. ― Etendant ses voies ; courant d’un mâle à l’autre.]24 (C’est une) ânesse sauvage accoutumée au désert, qui, dans le désir ardent de sa passion, aspire l’air (le vent de sa passion) : rien ne l’arrêtera. Tous ceux qui la cherchent n’auront pas à se fatiguer ; ils la trouveront dans son mois (ses souillures). [2.24 Anesse sauvage. La Vulgate, comme le texte hébreu, fait ce nom masculin et féminin parce qu’il est épicène, c’est-à-dire, commun aux deux sexes. ― Le vent de son amour ; c’est-à-dire, le mâle. ― Tous ceux qui la cherchent, etc. ; les mâles pourront la suivre aisément à la piste, parce qu’elle répand une liqueur semblable à celle qu’on appelle hippomanès, dans les juments.]25 Epargne à ton pied la nudité, et la soif à ta gorge. Mais tu as dit : J’ai perdu l’espérance, je n’en ferai rien ; car j’aime les étrangers, et je veux aller (marcherai) après eux. 26 Comme un voleur est confus lorsqu’il est surpris, ainsi (ceux de) la maison d’Israël, ses rois, ses princes, ses prêtres et ses prophètes ont été confus, 27 eux qui disent au bois : Tu es mon père ; et à la pierre : Tu m’as donné la vie. Ils m’ont tourné le dos et non le visage, et au temps de leur affliction ils diront : (Seigneur,) Levez-vous et délivrez-nous. [2.27 Voir Jérémie, 32, 33. ― Au bois, et à la pierre ; c’est-à-dire aux idoles de bois et de pierre.]28 Où sont tes dieux que tu t’es faits ? Qu’ils se lèvent et qu’ils te délivrent au temps de ton affliction ; car tes dieux étaient aussi nombreux que tes villes, ô Juda ! (.) [2.28 Voir Jérémie, 11, 13.]29 Pourquoi voulez-vous entrer en jugement avec moi ? Vous m’avez tous abandonné, dit le Seigneur. 30 C’est en vain que j’ai frappé vos enfants, ils n’ont pas reçu la correction ; votre glaive a dévoré vos prophètes : (votre race est) comme un lion destructeur. (est) 31 (votre génération.) Considérez la parole du Seigneur : Suis-je devenu pour Israël un désert ou une terre de ténèbres ? Pourquoi donc mon peuple a-t-il dit : Nous nous retirons, nous ne viendrons plus à vous ? 32 Une jeune fille oublie-t-elle sa parure, ou une épouse l’écharpe qui orne son sein ? Et cependant mon peuple m’a oublié durant des jours sans nombre. 33 Pourquoi essayes-tu de justifier ta conduite pour rentrer en grâces avec moi, toi qui as enseigné le mal à tes propres (comme étant tes) voies, 34 et puisqu’on a trouvé sur le bord de ta robe le sang des âmes pauvres et innocentes ? Je les ai trouvées, non dans les fosses, mais dans tous les lieux dont j’ai parlé (que j’ai rappelés) plus haut. [2.34 Dans tous les lieux, etc. Voir les versets 20 et 23.]35 Et tu as dit : Je suis sans péché, je suis innocente ; que votre fureur s’éloigne donc de moi. Voici que je vais entrer en jugement avec toi, puisque tu dis : Je n’ai pas péché. 36 Que tu es devenue méprisable en reprenant (renouvelant) tes voies ! (Ainsi) Tu seras confondue par l’Egypte, comme tu l’as été par l’Assyrie. 37 Car de là aussi tu sortiras, tenant tes mains sur ta tête, car le Seigneur brisera l’objet de ta confiance, et tu n’en retireras aucun avantage.