Aleph.
2 Quoi ! Le Seigneur en sa colère a enténébré
la fille de Sion !
il a précipité du ciel sur la terre
la gloire d’Israël !
sans plus se souvenir de son marchepied,k
au jour de sa colère !
j Après avoir décrit le désastre et le sort des rois, des prêtres, des prophètes, des anciens, des enfants, vv. 1-12, le poète interpelle Sion, vv. 13-17, en lui rappelant le mensonge des faux prophètes, et l’invite à la lamentation, vv. 18-22.
k Le Temple, cf. Ez 43.7 ; Ps 99.5 ; 132.7.
Bèt.
2 Sans pitié le Seigneur a détruit
toutes les demeures de Jacob ;
il a renversé, en sa fureur,
les forteresses de la fille de Juda ;
il a jeté à terre, il a maudit
le royaume et ses princes.
Gimel.
3 Il a brisé dans l’ardeur de sa colère
toute la vigueur d’Israël,
retiré en arrière sa droite
devant l’ennemi ;
il a allumé en Jacob un feu flamboyant
qui dévore tout alentour.
Dalèt.
4 Il a bandé son arc, comme un ennemi,l
il a assuré sa droite,
il a égorgé, tel un adversaire
tous ceux qui charmaient les yeux ;
sur la tente de la fille de Sion
il a déversé sa fureur comme un feu.
l Comme en Jr 12.7 ; 30.14, Yahvé est présenté tragiquement comme l’ennemi de son peuple.
Hé.
5 Le Seigneur a été comme un ennemi ;
il a détruit Israël,
il a détruit tous ses palais,
abattu ses forteresses
et multiplié pour la fille de Juda
gémissements et gémissements.
Vav.
6 Il a forcé comme un jardin son enclos,m
abattu son lieu de réunion.
Yahvé a fait oublier dans Sion
fêtes et sabbats ;
il a rejeté, dans l’ardeur de sa colère,
roi et prêtre.
m Au lieu de « comme un jardin » (gan) la leçon primitive était peut-être « comme un voleur » (gannab), corrigée par respect pour Dieu.
Zaïn.
7 Le Seigneur a pris en dégoût son autel,
en horreur son sanctuaire ;
aux mains de l’ennemi il a livré
les remparts de ses palais ;
clameurs dans le Temple de Yahvé
comme en un jour de fête !n
n Mais c’était le cri de guerre de l’ennemi.
Hèt.
8 Yahvé a médité d’abattre
le rempart de la fille de Sion.
Il a étendu le cordeau, ne retirant pas sa main
que tout ne soit englouti.
Il a endeuillé mur et avant-mur :
ensemble ils se désolent.
Tèt.
9 Ses portes sont enfouies sous terre,
il en a détruit et brisé les barres ;
son roi et ses princes sont chez les païens ;
plus de Loi !
Ses prophètes même n’obtiennent plus
de vision de Yahvé.
Yod.
10 Ils sont assis à terre, en silence,
les anciens de la fille de Sion ;
ils ont mis de la poussière sur leur tête,
ils ont revêtu des sacs.
Elles penchent la tête vers la terre,
les vierges de Jérusalem.
Kaph.
11 Mes yeux sont consumés de larmes,
mes entrailles frémissent,
mon foie s’épand à terre
pour le brisement de la fille de mon peuple,
tandis que défaillent enfants et nourrissons
sur les places de la Cité.
Lamed.
12 Ils disent à leurs mères :
« Où y a-t-il du pain ? »o
Tandis qu’ils défaillent comme des blessés
sur les places de la Ville,
et qu’ils versent leur âme
sur le sein de leur mère.
o L’hébr. ajoute « et du vin ».
Mem.
13 À quoi te comparer ? À quoi te dire semblable,
fille de Jérusalem ?
Qui pourra te sauver et te consoler,p
vierge, fille de Sion ?
Car il est grand comme la mer, ton brisement ;
qui donc va te guérir ?
p « À quoi te comparer » Vulg. ; « Que témoignerai-je pour toi » hébr. — « Qui pourra... consoler » grec ; « À quoi t’assimiler pour te consoler » hébr.
Nun.
14 Tes prophètes ont eu pour toi des visions
d’illusion et de clinquant.
Ils n’ont pas révélé ta faute
pour changer ton sort.
Ils t’ont servi des oracles,
d’illusion et de séduction.q
q « clinquant », litt. « crépi, badigeon », allusion à Ez 13.10. — « changer ton sort », expression fréquente chez Jérémie, qui signifie également « faire revenir les captifs ». — « Ils t’ont servi », litt. « Ils ont vu pour toi ».
Samek.
15 Ils battent des mains à cause de toi
tous les passants sur le chemin ;
ils sifflotent et hochent la tête
sur la fille de Jérusalem.
« Est-ce là la ville qu’on appelait toute belle,
la joie de toute la terre ? »
Phé.
16 Contre toi, ils ouvrent la bouche,
tous tes ennemis ;
ils sifflotent, grincent des dents,
disant : « Nous l’avons engloutie !
Voilà donc le Jour que nous espérions.
Nous le touchons, nous le voyons ! »
Aïn.
17 Yahvé a accompli ce qu’il avait résolu,
exécuté sa parole
décrétée depuis les jours anciens ;
il a détruit sans pitié.
Il a réjoui l’ennemi à tes dépens,
exalté la vigueur de tes adversaires.
Çadé.
18 Crie doncr vers le Seigneur,
rempart de la fille de Sion ;
laisse couler tes larmes comme un torrent
jour et nuit ;
ne t’accorde pas de relâche,
que tes yeux n’aient pas de repos !
r « Crie donc » ça`aqî lâk conj. ; « leur cœur crie » ça`aq libbam hébr. — L’image du rempart, dans la suite du v., ne semble pas très cohérente et on propose parfois de lire « gémis, fille de Sion » (hemî au lieu de homat) mais cette conj. est sans appui textuel.
Qoph.
19 Debout ! Pousse un cri dans la nuit
au commencement des veilles ;
répands ton cœur comme de l’eau
devant la face de Yahvé,
élève vers lui tes mains
pour la vie de tes petits enfants
(qui défaillent de faim
à l’entrée de toutes les rues) !s
s Les deux derniers stiques qui rompent le rythme sont une addition inspirée du v. 11 ; elle se trouve également dans le grec.
Resh.
20 « Vois, Yahvé, et regarde :
Qui as-tu jamais traité de la sorte ?
Fallait-il que des femmes mangent leurs petits,
les enfants qu’elles berçaient ?
Fallait-il qu’au sanctuaire du Seigneur fussent égorgés
prêtre et prophète ?
Shin.
21 Sur le sol gisent dans les rues
enfants et vieillards,
mes vierges et mes jeunes gens
sont tombés sous l’épée ;
tu as égorgé au jour de ta colère,
tu as immolé sans pitié.
Tav.
22 Tu as convoqué comme pour un jour de fête
les terreurst de tous côtés ;
au jour de la colère de Yahvé, il n’y eut
rescapé ni survivant.
Ceux que j’avais bercés et élevés,
mon ennemi les a exterminés. »
t « les terreurs » conj. ; « mes terreurs » hébr.