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Bible de Jérusalem – Cantique des cantiques 2

2 Je suis le narcisse de Saron,
le lisn des vallées.

n Le mot hébreu « lis » ou « anémone » (cf. 5.13) dérive de l’égyptien sshshn, le « lotus », nom parfois donné aux femmes. Ce serait ici le cas pour l’épouse de « Salomon ». — Le Saron (hébr. sharôn) est la plaine littorale au sud du Carmel.

2 — Comme le lis entre les chardons,
telle ma bien-aimée entre les jeunes femmes.

3 — Comme le pommier parmi les arbres d’un verger,
ainsi mon bien-aimé parmi les jeunes hommes.
À son ombre désirée je me suis assise,
et son fruit est doux à mon palais.
4 Il m’a menée au cellier,o
et la bannière qu’il dresse sur moi, c’est l’amour.

o Littéralement « maison du vin »; on pourrait traduire aussi « salle de banquet », cf. Est 7.8 ; Qo 7.2, et, d’après Jr 16.8-9, trouver une référence aux fêtes de mariage.

5 Soutenez-moi avec des gâteaux de raisin,
ranimez-moi avec des pommes,
car je suis malade d’amour.p

p Amnon aussi était malade d’amour pour Tamar, 2 S 13.2, unique parallèle biblique, mais on en trouverait d’autres dans les chants égyptiens.

6 Son bras gauche est sous ma tête
et sa droite m’étreint.

7 — Je vous en conjure,
filles de Jérusalem,
par les gazelles, par les biches des champs,q
n’éveillez pas, ne réveillez pas mon amour,
avant l’heure de son bon plaisir.

q Note pastorale, comme aux vv. 9 et 17. Il est possible que çebaôt, « gazelles », et ’ayyalôt, « biches » (dans cet ordre), soit un cryptogramme pour ’Elohê Çebaôt, le Dieu d’Israël, dont on n’aurait pas voulu prononcer le nom dans ces chants profanes.

Deuxième poème

LA BIEN-AIMÉEr

8 J’entends mon bien-aimé.
Voici qu’il arrive,
sautant sur les montagnes,
bondissant sur les collines.

r La scène est différente. La bien-aimée est chez ses parents, à la ville. Le bien-aimé accourt de la campagne et se présente à la fenêtre, vv. 8-9, cf. 5.2s. La poésie égyptienne et grecque contient des complaintes de l’amant devant une porte fermée ; ici le bien-aimé invite son amie à le rejoindre en lui chantant les attraits du printemps, saison des fleurs, des oiseaux et des amours, vv. 10-14. Il y a là un sentiment de la nature, une fraîcheur, un ton moderne, qui sont inégalés dans tout l’Ancien Testament.

9 Mon bien-aimé est semblable à une gazelle,
à un jeune faon.

Voilà qu’il se tient
derrière notre mur.
Il guette par la fenêtre,
il épie par le treillis.

10 Mon bien-aimé élève la voix,
il me dit :
« Lève-toi, ma bien-aimée,
ma belle, viens-t’en.s

s Forme verbale qui n’apparaît que dans Gn 12.1 ; 22.2, au sujet d’Abraham. Dans 12.1, Dieu lui ordonne de partir pour le pays de l’Alliance ; or, ce pays pourrait être évoqué à la fin du v. 17.

11 Car voilà l’hiver passé,
c’en est fini des pluies, elles ont disparu.
12 Sur notre terre les fleurs se montrent.
La saison vient des gais refrains,
le roucoulement de la tourterelle se fait entendre
sur notre terre.
13 Le figuier forme ses premiers fruits
et les vignes en fleur exhalent leur parfum.
Lève-toi, ma bien-aimée,
ma belle, viens-t’en.

14 Ma colombe, cachée au creux des rochers,
en des retraites escarpées,
montre-moi ton visage,
fais-moi entendre ta voix ;
car ta voix est douce
et charmant ton visage. »

15 Attrapez-nous les renards,
les petits renards
ravageurs de vignes,
car notre vigne est en fleur.t

t « notre vigne » mss hébreux et Vg. ; le texte reçu a le pluriel. Les petits renards seraient les soupirants de la jeune fille, comparée à une vigne (cf. 1.6). Par ailleurs, la vigne est souvent un symbole d’Israël que les « renards » ont ravagé après la chute de Jérusalem en 586 (cf. Lm 5.18 ; Ez 13.4 ; cf. Ps 80.14 ; Ne 3.35).

16 Mon bien-aimé est à moi, et moi à lui.u
Il paît son troupeau parmi les lis.

u Cette assurance d’une possession mutuelle revient, en termes presque identiques, en 6.3 ; 7.11 et, dans les trois cas, elle est formulée en l’absence du bien-aimé sécurité de l’amour. Mais celui-ci souhaite une présence et, dans les trois cas, cette confiance dans le bien-aimé s’accompagne d’un appel ou d’une attente, ici vv. 17, et 6.1 ; 7.12. Cette formule d’appartenance mutuelle est rapprochée de la formule de l’Alliance « Vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu » (voir Ex 6.7).

17 Avant que souffle la brise du jour
et que s’enfuient les ombres,v
reviens... ! Sois semblable,
mon bien-aimé, à une gazelle,
à un jeune faon,
sur les montagnes du partage.w

v La brise du jour, cf. Gn 3.8, est en Palestine le vent du soir, à l’heure où les ombres qui s’allongent ont l’air de « fuir ». C’est le moment où le bien-aimé rentrera de la campagne, et l’on rejoint le début du morceau, v. 8. La fin du v. 17 reprend effectivement les expressions des vv. 8-9.

w « partage » beter à défaut de Béter à l’ouest de Jérusalem (Jos 15.59), ce mot évoquerait la poitrine de la jeune fille (4.5-6). On cite un texte égyptien « Lorsque ses bras m’enserrent, c’est comme au pays de Pount. » Ce pays était le pays des aromates. Cependant les Targums rapprochent ici Gn 15.10, seule autre attestation du mot beter, avec Jr 34.18 (en contexte semblable) Abraham effectue le rite d’Alliance entre les morceaux partagés. Le mont beter serait le mont Moriyya (Gn 22.2), identifié au mont du Temple par 2 Ch 3.1 (voir 4.6).

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