20 Dieu prononça toutes ces paroles, et dit :
g Dans l’état actuel du livre, le Décalogue ne s’enchaîne pas au récit qui l’encadre, 19.24-25 et 20.18-21, mais il semble qu’on le rapporte à l’ordre de parler au peuple, 19.25. Le Décalogue, les « dix Paroles » de Dt 4.13 ; 10.4 (cf. 34.28), nous est conservé à deux endroits du Pentateuque, ici et en Dt 5.6-21. Les indications de l’introduction ici (v. 1), du contexte immédiat en Dt 5, surtout vv. 4 et 22, et de la conclusion de l’alliance en 24.3-8 permettent de dire que cette liste de commandements, en fait surtout des prohibitions, contient les « Paroles » de Yahvé. Le Décalogue signale au peuple les exigences de l’alliance et celui-ci s’engage à mettre en pratique ses exigences, 24.3, 7 ; cf. 19.8. C’est pourquoi on parlera même d’un « livre de l’alliance », 24.4 et 7 ; cf. Dt 5.2-3 « livre » parce que Moïse avait mis par écrit les « Paroles »; « de l’alliance » parce que ses commandements sont les clauses de l’alliance entre Yahvé et Israël, 24.8. — L’origine du Décalogue est une question disputée. Le texte actuel a derrière lui une longue histoire. Dt 5.6-21, avec le contexte immédiat, appartient à une des dernières rédactions du Deutéronome et certaines de ses formulations sont passées en 20.2-17. Ici certaines formulations, surtout la motivation du sabbat, v. 11, semblent appartenir à une rédaction sacerdotale, encore plus récente. Mais cela concerne les développements explications et motivations. On peut penser qu’une liste de prohibitions (« Honore ton père et ta mère » pouvait avoir eu une formulation négative, cf. 21.15, 17 ; Dt 27.16, et le sabbat est tardif dans le Décalogue) avec une introduction plus brève, « Je suis Yahvé ton Dieu depuis le pays d’Égypte » (cf. Os 12.10 ; 13.4), est plus ancienne, peut-être de tradition élohiste. Os 4.2 serait probablement la première citation explicite d’une partie des interdictions du Décalogue ; une citation postérieure est celle de Jr 7, surtout v. 9. Dans l’état actuel de nos connaissances nous pouvons remonter à peu près jusqu’au VIIIe siècle et non pas jusqu’à Moïse. Le Décalogue couvre tout le champ de la vie religieuse et morale. Deux divisions des commandements ont été proposées a) vv. 2-3 ; 4-6 ; 7 ; 8-11 ; 12 ; 13 ; 14 ; 15 ; 16 ; 17 ; b) 3-6 ; 7 ; 8-11 ; 12 ; 13 ; 14 ; 15 ; 16 ; 17 ; 17b. La première, qui est celle des Pères grecs, a été conservée dans les Églises orthodoxes et réformées. Les Églises catholique et luthérienne ont adopté la seconde, établie par saint Augustin d’après le Deutéronome. Le Décalogue est le cœur de la Loi mosaïque et il garde sa valeur dans la nouvelle Loi le Christ en rappelle les commandements auxquels s’ajoutent, comme le sceau de la perfection, les conseils évangéliques, Mc 10.7-21. La polémique de saint Paul contre la Loi, Rm et Ga, ne touche pas ces devoirs essentiels envers Dieu et envers le prochain.
3 Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi.h
h Yahvé exige d’Israël un culte exclusif, c’est la condition de l’Alliance. La négation de l’existence d’autres dieux ne viendra que plus tard, cf. Dt 4.35.
4 Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre.i
i Interdiction de faire des images cultuelles de Yahvé (cf. la justification donnée en Dt 4.15). Cette interdiction met Israël à part de tous les peuples qui l’environnent. On notera le passage presque insensible de la prohibition de toute image cultuelle à la polémique contre les idoles, v. 5s.
5 Tu ne te prosterneras pas devant ces dieuxj et tu ne les serviras pas, car moi Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux qui punis la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haïssent,
j Littéralement « devant eux » les dieux du v. 3 auquel se rattache le v. 5.
6 mais qui fais grâce à des milliers pour ceux qui m’aiment et gardent mes commandements.
7 Tu ne prononceras pas le nom de Yahvé ton Dieu à faux,k car Yahvé ne laisse pas impuni celui qui prononce son nom à faux.
k Ce qui pourrait inclure, outre le parjure, Mt 5.33, et le faux témoignage, v. 16 et Dt 5.20, l’usage magique du nom divin ; le grec et la Vulg. ont traduit « en vain ».
8 Tu te souviendras du jour du sabbatl pour le sanctifier.
l Le nom du sabbat est explicitement rattaché par la Bible, 16.29-30 ; 23.12 ; 34.21, à une racine qui signifie « cesser, chômer ». C’est un jour de repos hebdomadaire, consacré à Yahvé, qui s’est reposé le septième jour de la Création, v. 11, cf. Gn 2.2-3. À ce motif religieux se joint un souci d’humanité, 23.12 ; Dt 5.14. L’institution du sabbat est très ancienne, mais son observance prit une spéciale importance à partir de l’Exil et devint un trait du judaïsme, Ne 13.15-22 ; 1 M 2.32-41.
11 Car en six jours Yahvé a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour, c’est pourquoi Yahvé a béni le jour du sabbat et l’a consacré.
12 Honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la terre que te donne Yahvé ton Dieu.
13 Tu ne tueras pas.
14 Tu ne commettras pas d’adultère.
15 Tu ne voleras pas.
16 Tu ne porteras pas de témoignage mensonger contre ton prochain.
17 Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, rien de ce qui est à ton prochain. »
18 m Tout le peuple, voyant ces coups de tonnerre, ces lueurs, ce son de trompe et la montagne fumante, eut peurn et se tint à distance.
m Les vv. 18-21, sans être la continuation immédiate du récit de la théophanie au chap. 19, se rattachent surtout à la description, peut-être de tradition élohiste, de la théophanie comme un orage, 19.16, 19.
n « eut peur » sam., grec ; « aperçut » hébr. (simple changement de vocalisation).
o La terreur devant les manifestations sensibles de la grandeur divine, en particulier les phénomènes de la nature accompagnant les théophanies, se distingue ici de la crainte qui est soumission sans réserve à la volonté de Dieu, cf. Gn 22.12, Dt 6.2.
22 Yahvé dit à Moïse : « Tu parleras ainsi aux Israélites : Vous avez vu vousmêmes comment je vous ai parlé du haut du ciel.
p Le « Code de l’Alliance », 20.22—23.19, dont 23.20-33 est un appendice de style apparenté à la parénèse deutéronomique, est ainsi nommé par les modernes d’après 24.7, mais ce texte se rapporte au Décalogue. Ce recueil de lois et coutumes suppose une collectivité déjà sédentarisée et agricole. On a pensé qu’il remonte, pour son fonds primitif, aux premiers siècles de l’installation en Canaan, peut-être avant la monarchie parce que le roi n’est jamais nommé, mais l’époque d’origine est difficile à déterminer. — Appliquant l’esprit des commandements du Décalogue, il a finalement été considéré comme faisant partie de la charte de l’Alliance du Sinaï. C’est pourquoi il a été inséré ici après le Décalogue et on y renvoie en 24.3 si les « Paroles » sont à identifier avec le Décalogue, les « lois » sont bien notre ensemble, cf. 21.1. Ses contacts avec le Code de Hammurabi, le Code hittite et le Décret d’Horemheb ne témoignent pas d’un emprunt direct mais d’une source commune un vieux droit coutumier qui s’est différencié selon les milieux et les peuples. — On peut ranger les prescriptions du Code, selon le contenu, sous trois chefs droit civil et pénal, 21.1—22.20 ; règles pour le culte, 20.22-26 ; 22.28-31 ; 23.10-19 ; morale sociale, 22.21-27 ; 23.1-9. Selon leur forme littéraire, ces prescriptions se divisent en deux catégories « casuistique » ou conditionnelle, dans le genre des codes mésopotamiens ; « apodictique » ou impérative, dans le style du Décalogue et des textes de la sagesse égyptienne.
24 Tu me feras un autel de terre sur quoi immoler tes holocaustes et tes sacrifices de communion, ton petit et ton gros bétail. En tout lieu où je rappellerai mon nom,q je viendrai à toi et je te bénirai.
q Contrairement à Dt 12.5, etc., le Code de l’Alliance admet la pluralité des lieux de culte. Le culte est légitime en tout lieu où Yahvé a manifesté sa présence, où il s’est révélé et dont il a pris ainsi possession.
r Le sacrificateur devait porter un simple pagne à la mode égyptienne, d’où le danger d’indécence lorsqu’il montait les degrés de l’autel.