Vigouroux – Psaumes 22
(Hébreu : 22).
Tout ce qui est dit dans ce psaume convient si parfaitement à Jésus-Christ, qu’il paraît moins une prophétie qu’une histoire de ses humiliations, de ses souffrances et de la gloire dont elles ont été suivies. Le divin Sauveur en prononça les dernières paroles lorsqu’il était sur la croix.
21 Pour la fin, pour le secours du matin, psaume de David.
[21.1 Hébreu : « Au chef de chœur. Sur [l’air de] ‘ayyéleth asch-schakhar, ou la biche de l’aurore. » Psaume prophétique, annonçant les souffrances du Messie. Il est comme un miracle permanent, tant la Passion y est prédite d’une manière claire : Ut non tam prophetia quam historia videatur, dit Cassiodore. On ne peut trouver dans tout l’Ancien Testament un seul personnage à qui il s’applique. Les premiers mots ont été prononcés par Notre-Seigneur sur la croix, voir Matthieu, 27, 46 ; Marc, 15, 34. ― Le Sitio, que le Sauveur fit entendre à ses derniers moments, avait pour but d’accomplir la prophétie du verset 16, voir Jean, 19, 28. Tous les autres traits annoncés ont été également accomplis en la personne de Jésus-Christ. Non seulement le premier verset est tout à la fois parole des Psaumes et parole d’Evangile, mais aussi les blasphèmes et les branlements de tête, verset 8, voir Matthieu, 27, 39 ; l’insulte pour avoir placé mal à propos en Dieu sa confiance, verset 9, voir Matthieu, 27, 43 ; le partage des vêtements et le tirage au sort de la robe, verset 19, voir Jean, 19, verset 23 et suivants. Impossible de mieux peindre que les versets 15 à 18 les tortures de la crucifixion : distension des membres du corps nu, douleurs des mains et des pieds, soif brûlante. Voir aussi, Hébreux, 2, verset 11 et suivants ; Matthieu, 28, 10 ; Jean, 20, 17 et Psaumes, 21, 23. Aussi l’Eglise, au IVe concile général de Constantinople, coll. 4, a-t-elle condamné Théodore de Mopsueste, qui entendait ce psaume dans un sens purement historique, non prophétique.]
2 O Dieu, mon Dieu, regardez-moi ; pourquoi m’avez-vous abandonné ? La voix de mes péchés éloigne de moi le salut. [21.2 Voir Matthieu, 27, 46 ; Marc, 15, 34. ― Les paroles de mes péchés, etc. ; le cri de mes péchés s’oppose à mon salut et à ma délivrance. Ces paroles conviennent assez à David, poursuivi par Absalom, son fils. Il reconnaissait que tous les malheurs dont sa famille avait été affligée, et ce qu’il éprouvait lui-même, n’étaient que la juste peine de son adultère et de son homicide. Si on applique ces mêmes paroles à Jésus-Christ, les mots mes péchés ne sauraient s’entendre de ses propres péchés, puisqu’il n’en commit jamais, et qu’il n’en pouvait commettre, mais des péchés des hommes dont il s’était chargé pour les expier. « Il a fait nos péchés ses péchés, dit saint Augustin, afin de faire sa justice notre justice (Delicta nostra, sua delicta fecit, ut justitiam suam nostram justitiam faceret). » Voir Jean, 1, 29 ; 2 Corinthiens, 5, 21 ; Galates, 3, 13 ; 1 Pierre, 2, 22.][21.2-12 Plaintes du messie délaissé de son Père sur la croix et abandonné de tous.]3 Mon Dieu, je crierai pendant le jour, et vous ne m’exaucerez pas ; et pendant la nuit, et l’on ne me l’imputera point à folie. 4 Mais vous, vous habitez dans le (un) sanctuaire ; vous qui êtes la louange d’Israël. 5 Nos pères ont espéré en vous ; ils ont espéré, et vous les avez délivrés. 6 Ils ont crié vers vous, et ils ont été sauvés ; ils ont espéré en vous, et ils n’ont point été confondus. 7 Mais moi, je suis un ver, et non un homme ; l’opprobre des hommes, et le rebut (l’abjection) du peuple. 8 Tous ceux qui m’ont vu se sont moqués de moi ; de leurs lèvres ils ont proféré l’outrage (ils m’ont parlé du bout des lèvres, note), et ils ont branlé la tête. [21.8 Voir Matthieu, 27, 39 ; Marc, 15, 29. ― Ils ont parlé du bout des lèvres ; c’est-à-dire ils ont murmuré.]9 Il a espéré au Seigneur, qu’il le délivre ; qu’il le sauve, puisqu’il l’aime. [21.9 Voir Matthieu, 27, 43.]10 Oui, c’est vous qui m’avez tiré du ventre de ma mère ; vous êtes mon espérance depuis le temps où je suçais ses mamelles. 11 Au sortir de son sein, j’ai été jeté sur vos genoux (vous) ; depuis que j’ai quitté (j’étais dans) ses entrailles, c’est vous qui êtes mon Dieu. [21.11 C’est sur vous, etc. Allusion à l’ancienne coutume de mettre les enfants au sortir du sein de leur mère sur les genoux de leur père. Voir Genèse, 30, 3 ; Job, 3, 12. Cet usage existait aussi chez les Grecs ; Homère en rapporte des exemples dans l’Iliade et l’Odyssée.]12 Ne vous retirez pas de moi, car la tentation (tribulation) est proche, et il n’y a personne qui me secoure. 13 Des jeunes taureaux nombreux m’ont environné ; des taureaux gras m’ont assiégé. [21.13-22 Description des tourments de la Passion.]14 Ils ont ouvert leur bouche (gueule) sur moi, comme un lion ravisseur et rugissant. 15 Je me suis répandu comme (de) l’eau, et tous mes os se sont disloqués. Mon cœur est devenu comme de la cire fondue au milieu de mes entrailles. 16 Ma force s’est desséchée comme un tesson (têt), et ma langue s’est attachée à mon palais ; et vous m’avez conduit à la poussière du tombeau (de la mort). [21.16 Comme un têt ; il n’y a rien de plus sec qu’un morceau de poterie que ni l’eau ni l’humidité ne peuvent pénétrer. ― La poussière de la mort, les corps morts se décomposent et sont réduits en poussière.]17 Car des chiens nombreux m’ont environné ; une bande de scélérats m’a assiégé. Ils ont percé mes mains et mes pieds, [21.17 Ils ont percé mes mains et mes pieds. Il faut renoncer à toutes les lois de la critique et de l’herméneutique, pour traduire avec les Juifs, comme un lion, mes mains et mes pieds, et avec les hébraïsants rationalistes, ils ont lié, ou souillé mes mains et mes pieds.]18 ils ont compté tous mes os. Ils m’ont (eux-mêmes) considéré et contemplé. 19 Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont jeté le sort sur ma tunique (robe). [21.19 Voir Matthieu, 27, 35 ; Jean, 19, 23-24.]20 Mais vous, Seigneur, n’éloignez pas de moi votre secours ; prenez soin de ma défense. 21 Délivrez, ô Dieu, mon âme du glaive, et mon unique du pouvoir (de la main) du chien. [21.21 Unique ; qualificatif du mot âme, exprimé dans la phrase, mais qui la désigne en tant que seule, isolée, abandonnée.]22 Sauvez-moi de la gueule du lion, et sauvez ma faiblesse des cornes des licornes. [21.22 Des cornes des licornes, du reêm ou bœuf sauvage (décrit dans Job, 39, 9-12), comme le porte le texte original. La Vulgate a traduit le mot reêm, tantôt par licorne, tantôt par rhinocéros, mais reêm signifie toujours le buffle ou bœuf sauvage.]23 J’annoncerai votre nom à mes frères ; je vous louerai au milieu de l’assemblée. [21.23 Voir Hébreux, 2, 12.][21.23-32 Gloire de la résurrection. Reconnaissance du Messie envers son Père ; il le louera dans l’Eglise et le fera louer par elle dans toute la terre jusqu’à la fin des temps.]24 Vous qui craignez le Seigneur, louez-le ; toute la race de Jacob, glorifiez-le. 25 Que toute la race d’Israël le craigne, parce qu’il n’a pas méprisé ni dédaigné la supplication du pauvre, et qu’il n’a point détourné de moi son visage ; mais qu’il m’a exaucé lorsque je criais vers lui. 26 Je vous adresserai ma louange dans une grande assemblée ; j’acquitterai mes vœux en présence de ceux qui le craignent. 27 Les pauvres mangeront et seront rassasiés, et ceux qui cherchent le Seigneur le loueront ; leurs cœurs vivront dans les siècles des siècles. 28 Toutes les extrémités de la terre se souviendront du Seigneur et se convertiront à lui ; et toutes les familles des nations l’adoreront en sa présence ; 29 car le règne appartient au Seigneur, et il dominera sur les nations. 30 Tous les riches de la terre ont mangé et adoré ; tous ceux qui descendent dans la terre se prosterneront (tomberont) devant lui. [21.30 Les riches ; les opulents ; littéralement les gras (pingues).]31 Et mon âme vivra pour lui, et ma race (postérité) le servira. 32 La postérité (génération) qui doit venir sera annoncée au Seigneur, et les cieux annonceront sa justice au peuple qui doit naître, et que le Seigneur a fait. [21.32 La génération qui doit venir sera annoncée au Seigneur ; c’est-à-dire, comme on l’explique ordinairement, sera déclarée appartenir au Seigneur. Selon l’hébreu : Il sera raconté touchant le Seigneur à la génération future ; c’est-à-dire le Seigneur sera annoncé, publié dans les siècles futurs.]