Vigouroux – Job 29
Job fait la description de son premier état.
29 Job, reprenant son discours sentencieux (prenant encore de nouveau sa parabole), parla encore en ces termes : [29.1 Job prenant encore, etc. Voir Job, 27, 1. ― XIe discours de Job, du chapitre 29 au chapitre 31. ― En décrivant d’une manière si éloquente l’impénétrabilité de la sagesse divine, Job a montré à ses amis combien il était téméraire de leur part de vouloir assigner les raisons pour lesquelles Dieu le faisait souffrir. Comme ils ne lui répondent rien, Job commence un long discours, divisé en trois parties : ― I. il décrit sa félicité passée, qu’il ne peut se rappeler sans douleur dans son état présent ; ― II. il décrit ensuite ses douleurs actuelles ; ― III. enfin il dit combien elles sont pour lui inexplicables, parce qu’il n’a pas conscience de les avoir méritées par ses péchés. Ce discours est moins une continuation de la discussion qu’une récapitulation méthodique et complète de ce qu’il avait avancé déjà : ― 1° qu’il n’a pas mérité son malheur et ― 2° qu’il en ignore la cause. ― Ire partie : Félicite passée, chapitre 29. ― 1° Souvenirs mélancoliques du bonheur, des honneurs et de la considération dont il a autrefois joui, versets 2 à 11. ― 2° La considération dont il jouissait était méritée par son zèle à défendre les droits de l’opprimé ; c’est pourquoi il croyait pouvoir compter sur la stabilité de son bonheur, versets 12 à 20. ― 3° Il inspirait à tous confiance, et cette confiance était fondée sur la peine qu’il prenait pour l’intérêt du prochain, versets 21 à 25.]2 Qui me donnera d’être comme au temps d’autrefois, comme aux jours où Dieu me gardait ? [29.2 Job, voyant que ses amis ne répondaient pas à ses raisons, continue à parler dans ce chapitre et les deux suivants. C’est ici un discours nouveau, mais qui tend au même but que les précédents. Il y fait d’abord son apologie en réponse aux reproches injustes que lui avait faits Eliphaz (voir Job, 22, verset 5 et suivants). Il termine par une peinture de ses maux, et soutient qu’ils ne sont pas la punition de ses crimes passés (du chapitre 29 au chapitre 31).]3 Lorsque sa lampe luisait sur ma tête, et qu’à sa lumière je marchais dans les ténèbres ; [29.3 Sa lampe, etc. dans un grand nombre de passages de la Bible, la lumière marque la prospérité, et les ténèbres l’adversité.]4 comme j’étais aux jours de ma jeunesse, lorsque Dieu habitait en secret dans ma tente (tabernacle) ; 5 lorsque le Tout-Puissant était avec moi, et mes enfants (serviteurs) autour de moi ; 6 lorsque je lavais mes pieds dans le lait caillé (beurre), et que (une) la pierre répandait pour moi des ruisseaux d’huile ; [29.6 Je lavais mes pieds, etc. Ces expressions hyperboliques indiquent une grande abondance. ― Le beurre est ordinairement à l’état liquide en Orient.]7 lorsque je m’avançais vers la porte de la ville, et que l’on me préparait un siège dans la place publique ? 8 Les jeunes gens me voyaient et se cachaient (retiraient à l’écart) ; et les vieillards, se levant, demeuraient debout. 9 Les princes cessaient de parler, et ils mettaient le doigt sur leur bouche. 10 Les chefs (grands) retenaient leur voix, et leur langue demeurait attachée à leur palais. 11 L’oreille qui m’écoutait me proclamait bienheureux, et l’œil qui me voyait me rendait témoignage, 12 parce que j’avais délivré le pauvre qui criait, et l’orphelin privé de secours. 13 La bénédiction de celui qui allait périr venait sur moi, et je consolais le cœur de la veuve. 14 Je me suis revêtu de la justice, et l’équité (de jugements) me servit (m’a servi) comme d’un manteau (de vêtement) et d’un diadème. [29.14 L’équité de mes jugements. La Vulgate dit simplement mon jugement ; mais le terme hébreu signifie aussi quelquefois jugement équitable. Or le contexte exige qu’on lui donne ici ce sens.]15 J’ai été l’œil de l’aveugle, et le pied du boiteux. 16 J’étais le père des pauvres, et j’examinais avec un soin extrême l’affaire que je ne connaissais pas. 17 Je brisais les mâchoires de l’injuste, et je lui arrachais sa proie d’entre les dents. 18 Je disais : Je mourrai dans mon (petit) nid, et je multiplierai mes jours comme le palmier. [29.18 Comme le palmier. En hébreu : comme le sable. Quelques modernes traduisent à tort : comme le phénix.]19 Ma racine s’étend le long des eaux, et la rosée se reposera sur mes branches (ma moisson). 20 Ma gloire se renouvellera sans cesse, et mon arc se fortifiera dans ma main. 21 Ceux qui m’écoutaient attendaient mon avis (sentiment), et ils se taisaient, attentifs à mon sentiment (avis). 22 Ils n’osaient rien ajouter à mes paroles, et elles tombaient sur eux comme la rosée. 23 Ils me désiraient comme la pluie, et leur bouche s’ouvrait comme aux ondées de l’arrière-saison. [29.23 Dans ces contrées orientales, il ne pleut guère qu’en deux saisons de l’année, au printemps et en automne. Comme les pluies de l’automne succèdent aux grandes chaleurs de l’été, et lorsque la terre était toute desséchée, et comme altérée, les auteurs sacrés empruntent de là des images, pour marquer une grande avidité, un ardent désir.]24 Si parfois je leur souriais, ils ne pouvaient le croire, et la lumière de mon visage ne tombait pas à terre. [29.24 La lumière de mon visage ; c’est-à-dire un regard gracieux de ma part. ― Ne tombait pas à terre ; n’était pas négligé, était au contraire très bien accueilli.]25 Quand (Si) je voulais aller parmi eux, je prenais la première place ; et lorsque j’étais assis comme un roi au milieu de ses gardes, je ne laissais pas d’être le consolateur des affligés.