30 Malheur aux fils rebelles ! oracle de Yahvé.
Ils font des projets qui ne viennent pas de moi,
ils trament des alliances que mon esprit n’inspire pas,
accumulant péché sur péché.
r Oracle prononcé au départ d’une ambassade envoyée par Ézéchias au pharaon, vers 703-702, pour demander le secours de l’Égypte contre les Assyriens.
2 Ils partent pour descendre en Égypte,
sans m’avoir consulté,
pour se mettre sous la protection du Pharaon
et s’abriter à l’ombre de l’Égypte.
3 Mais la protection du Pharaon tournera à votre honte,
l’abri de l’ombre de l’Égypte à votre confusion.
4 Car ses princes ont été à Çoân
et ses messagers ont atteint Hanès.s
s Çoân c’est Tanis, et Hanès, Anousis d’Hérodote (Heracleopolis magna des Romains), deux villes du Delta.
5 Tout le monde est déçu par un peuple qui ne peut secourir,
qui n’apporte ni aide ni profit,
mais déception et confusion.
6 Oracle sur les bêtes du Négeb.
Au pays d’angoisse et de détresse,
de la lionne et du lion rugissant,u
de la vipère et du dragon volant,
ils apportent sur l’échine des ânes leurs richesses,
sur la bosse des chameaux leurs trésors,
vers un peuple qui ne peut secourir :
t Probablement la même ambassade que celle visée par l’oracle précédent. Le titre s’inspire des premiers mots de l’oracle comme en 21.13. Le prophète oppose les fatigues et les dangers du voyage à la vanité du résultat.
u « rugissant » nohem conj. ; « d’eux » mehem hébr.
7 l’Égypte dont l’aide est vanité et néant ;
c’est pourquoi je lui ai donné ce nom : Rahab la déchue.v
v « déchue » hammoshbat conj. ; hemshebet hébr., inintell. — Rahab est, comme Léviathan, cf. 27.1, un monstre du chaos primitif, 51.9 ; Jb 2.6 ; 12.13, Ps 89.11. Ici et dans Ps 87.4, c’est une désignation de l’Égypte. En gardant la même correction, on pourrait aussi traduire « Rahab la domptée » le monstre a été rendu inoffensif, comparer Jb 40.25-26 à propos de Léviathan, le crocodile d’Égypte.
8 Maintenant va, écris-le sur une tablette,
grave-le sur un document,
que ce soit pour un jour à venir,
pour toujours et à jamais.
w Le poème des vv. 9-17 date du début du règne d’Ézéchias. Il est composé de trois oracles bien distincts, vv. 9-11 ; 12-14 ; 15-17, qui reprennent les griefs d’Isaïe contre ses contemporains. Ceux-ci ne l’ont pas écouté et le prophète met par écrit ses menaces l’avenir lui donnera raison, v. 8. Cela semble marquer le début d’une période de silence, dont le prophète sortira avant l’invasion de Sennachérib. Une autre période de silence était peut-être marquée par 8.16-18, après la guerre syro-éphraïmite, cf. Introd.
9 Car c’est un peuple révolté, des fils menteurs,
des fils qui refusent d’écouter la Loi de Yahvé,
10 qui ont dit aux voyants : « Vous ne verrez pas »,
et aux prophètes : « Vous ne percevrez pour nous rien de clair.
Dites-nous des choses flatteuses, ayez des visions trompeuses.
11 Éloignez-vous du chemin, écartez-vous du sentier,
ôtez de devant nous le Saint d’Israël. »
12 C’est pourquoi, ainsi parle le Saint d’Israël :
Parce que vous avez rejeté cette parole
et que vous vous êtes fiés à la fraude et à la déloyauté
pour vous y appuyer,
13 à cause de cela, cette faute sera pour vous
comme une brèche qui se produit,
une saillie en haut d’un rempart
qui soudain, d’un seul coup, vient à s’écrouler.
14 Il va le briser comme on brise une jarre de potier,
mise en pièces sans pitié,
et l’on ne trouvera pas dans ses débris un tesson
pour racler le feu du foyer
ou pour puiser l’eau d’un bassin.
15 Car ainsi parle le Seigneur Yahvé, le Saint d’Israël :
Dans la conversion et le calme était votre salut,
dans la sérénité et la confiance était votre force,
mais vous n’avez pas voulu !x
x Ce que Dieu exigeait c’était, comme déjà au temps de la guerre syro-éphraïmite, cf. 7.9, la confiance en lui, cf. 28.16, au lieu de la recherche d’une alliance étrangère, ici celle de l’Égypte.
16 Vous avez dit : « Non, car nous fuirons à cheval ! »
Eh bien ! oui, vous fuirez.
Et encore : « Nous aurons des montures rapides ! »
Eh bien ! vos poursuivants seront rapides.
17 Mille trembleronty devant la menace d’un seul,
devant la menace de cinq vous vous enfuirez,
jusqu’à ce qu’il reste de vous comme un mât en haut de la montagne,
comme un signal sur la colline.
y « trembleront » yeherad conj. ; « un » ehad hébr.
18 C’est pourquoi Yahvé attend l’heure de vous faire grâce,
c’est pourquoi il se lèvera pour vous prendre en pitié,
car Yahvé est un Dieu de justice ;
bienheureux tous ceux qui espèrent en lui.
z Morceau de rythme incertain. À la pauvreté de la forme correspond celle du contenu c’est une compilation de thèmes qu’on retrouve dans la deuxième et la troisième partie d’Isaïe, cf. par exemple 44.9 ; 60.20 ; 65.10. Cette composition est postérieure à l’Exil, et le v. 18 sert de lien avec les oracles authentiques qui précèdent.
19 Oui, peuple de Sion, qui habites Jérusalem,
tu n’auras plus à pleurer,
car il va te faire grâce à cause du cri que tu pousses,
dès qu’il l’entendra il te répondra.
20 Le Seigneur vous donnera le pain de l’angoisse et l’eau rationnée,
celui qui t’instruit ne se cachera plus,
et tes yeux verront celui qui t’instruit.
21 Tes oreilles entendront une parole prononcée derrière toi :
« Telle est la voie, suivez-la,
que vous alliez à droite ou à gauche. »
22 Tu jugeras impur le placage de tes idoles d’argent
et le revêtement de tes statues d’or ;
tu les rejetteras comme un objet immonde :
« Hors d’ici ! » diras-tu.
23 Et il donnera la pluie pour la semence que tu sèmeras en terre,
et le pain, produit du sol, sera riche et nourrissant.
Ton bétail paîtra, ce jour-là, sur de vastes pâtures.
24 Les bœufs et les ânes, qui travaillent le sol,
mangeront comme fourrage de l’oseille sauvage
que l’on étend à la pelle et à la fourche.
25 Sur toute haute montagne et sur toute colline élevée,
il y aura des ruisseaux et des cours d’eau au jour du grand carnage,
quand s’écrouleront les forteresses.
26 Alors la lumière de la lune sera comme la lumière du soleil,
et la lumière du soleil sera sept fois plus forte,
comme la lumière de sept jours,
au jour où Yahvé pansera la blessure de son peuple
et guérira la trace des coups reçus.
27 Voici que le nom de Yahvé vient de loin,
ardente est sa colère, pesante sa menace.
Ses lèvres débordent de fureur,
sa langue est comme un feu dévorant.
a Cet oracle a probablement été prononcé lorsque Sennachérib menaçait Jérusalem. Le caractère terrifiant de l’intervention de Yahvé est exprimé ici avec une force inégalée.
28 Son souffle est comme un torrent débordant
qui monte jusqu’au cou,
pour secouer les nations d’une secousse fatale,
mettre un mors d’égarement aux mâchoires des peuples.
29 Le chant sera sur vos lèvres comme en une nuit de fête,
et la joie sera dans vos cœurs
comme lorsqu’on marche au son de la flûte
pour aller à la montagne de Yahvé, le rocher d’Israël.
30 Yahvé fera entendre la majesté de sa voix,
il fera sentir le poids de son bras,
dans l’ardeur de sa colère accompagnée d’un feu dévorant,
de la foudre, d’averses et de grêlons.
31 Car à la voix de Yahvé, Assur sera terrorisé,
il le frappera de sa baguette ;
32 chaque fois qu’il passera, ce sera la férule du châtimentb
que Yahvé lui infligera,
au son des tambourins et des kinnors,
et dans les combats qu’il livrera, la main levée, contre lui.
b « châtiment » qques mss ; « fondation » hébr. — La fin du v. est difficile. On peut traduire litt. « et dans des combats de main levée, il combattra contre lui ». Le mot traduit par « main levée » signifie ailleurs le geste de balancement des mains par lequel le prêtre consacre les offrandes, mais en 19.16, c’est un geste de menace.
33 Car depuis longtemps est préparé Tophèt,c
— il sera aussi pour le roi —
profond et large son bûcher,
feu et bois y abondent ;
le souffle de Yahvé, comme un torrent de soufre,
va y mettre le feu.
c « Tophèt », qui peut signifier « brûloir », est l’endroit de la vallée de Ben-Hinnom où l’on sacrifiait des enfants par le feu à « Molek », cf. Lv 18.21, à quoi peut faire allusion le « roi » (melek) de la ligne suivante, s’il ne s’agit pas du roi d’Assyrie.