Bible de Jérusalem – Genèse 32
32 Levé de bon matin, Laban embrassa ses petits-enfants et ses filles et les bénit. Puis Laban partit et retourna chez lui.
2 Comme Jacob poursuivait son chemin, des anges de Dieu l’affrontèrent.
3 En les voyant, Jacob dit : « C’est le camp de Dieu ! » et il donna à ce lieu le nom de Mahanayim.g
g Mahaneh « camp » explique le nom de Mahanayim. Ce nom signifie proprement « les deux camps », à quoi font allusion les vv. 8 et 11.
Jacob prépare sa rencontre avec Ésaü.h
4 Jacob envoya au-devant de lui des messagers à son frère Ésaü, au pays de Séïr, la steppe d’Édom.
h Jacob, arrivant près du pays où s’est établi Ésaü, prend ses précautions, comme toute caravane approchant d’un territoire hostile. Cette sauvegarde est présentée de deux façons, d’après la tradition yahviste, vv. 4-14a, et d’après la tradition élohiste, vv. 14-22. Les deux traditions s’accordent sur l’attitude humble de Jacob envers Ésaü nous rejoignons ainsi 27.41-45 et ce que 25.27 ; 27.40 ont dit du caractère des deux frères.
5 Il leur donna cet ordre : « Ainsi parlerez-vous à Monseigneur Ésaü : « Ainsi parle ton serviteur Jacob : J’ai séjourné chez Laban et je m’y suis attardé jusqu’à maintenant.
6 J’ai acquis bœufs et ânes, petit bétail, serviteurs et servantes. Je veux en faire porter la nouvelle à Monseigneur, pour trouver grâce à ses yeux ». »
7 Les messagers revinrent auprès de Jacob en disant : « Nous sommes allés vers ton frère Ésaü. Lui-même vient maintenant à ta rencontre et il a quatre cents hommes avec lui. »
8 Jacob eut grand peur et se sentit angoissé. Alors il divisa en deux camps les gens qui étaient avec lui, le petit et le gros bétail et les chameaux.
9 Il se dit : « Si Ésaü se dirige vers l’un des camps et l’attaque, le camp qui reste pourra se sauver. »
10 Jacob dit : « Dieu de mon père Abraham et Dieu de mon père Isaac, Yahvé, qui m’as commandé : « Retourne dans ton pays et dans ta patrie et je te ferai du bien »,
11 je suis indigne de toutes les faveurs et de toute la bonté que tu as eues pour ton serviteur. Je n’avais que mon bâton pour passer le Jourdain que voici, et maintenant je puis former deux camps.
12 Veuille me sauver de la main de mon frère Ésaü, car j’ai peur de lui, qu’il ne vienne et ne nous frappe, la mère avec les enfants.
13 Pourtant, c’est toi qui as dit : « Je te comblerai de bienfaits et je rendrai ta descendance comme le sable de la mer, qu’on ne peut pas compter, tant il y en a. » »
14 Et Jacob passa la nuit en cet endroit.
De ce qu’il avait en mains, il prit de quoi faire un présent à son frère Ésaü :
15 deux cents chèvres et vingt boucs, deux cents brebis et vingt béliers,
16 trente chamelles qui allaitaient, avec leurs petits, quarante vaches et dix taureaux, vingt ânesses et dix ânons.
17 Il les confia à ses serviteurs, chaque troupeau à part, et il dit à ses serviteurs : « Passez devant moi et laissez du champ entre les troupeaux. »
18 Au premier il donna cet ordre : « Lorsque mon frère Ésaü te rencontrera et te demandera :
« À qui es-tu ? Où vas-tu ? À qui appartient ce qui est devant toi ? »
19 tu répondras : « C’est à ton serviteur Jacob, c’est un présent envoyé à Monseigneur Ésaü, et lui-même arrive derrière nous. » »
20 Il donna le même ordre au second et au troisième et à tous ceux qui marchaient derrière les troupeaux : « Voilà, leur dit-il, comment vous parlerez à Ésaü quand vous le trouverez,
21 et vous direz : « Et même, ton serviteur Jacob arrive derrière nous. » » Il s’était dit en effet : « Je me le concilierai par un présent qui me précédera, ensuite je me présenterai à lui, peut-être me fera-t-il grâce. »
22 Le présent passa en avant et lui-même demeura cette nuit-là au camp.
La lutte avec Dieu.i
23 Cette même nuit, il se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants et passa le gué du Yabboq.
i Dans ce récit mystérieux, sans doute de tradition yahviste, il s’agit d’une lutte physique, d’un corps à corps avec Dieu, où Jacob paraît d’abord triompher. Lorsqu’il a reconnu le caractère surnaturel de son adversaire, il force sa bénédiction. Mais le texte évite le nom de Yahvé, et l’agresseur inconnu refuse de se nommer. L’auteur utilise une vieille histoire pour expliquer le nom de Penuel par peni’el, « face de Dieu », et donner une origine au nom d’Israël. Du même coup, il la charge d’un sens religieux le Patriarche s’accroche à Dieu, lui force la main pour obtenir une bénédiction qui obligera Dieu vis-à-vis de ceux qui, après lui, porteront le nom d’Israël. Ainsi la scène a pu devenir l’image du combat spirituel et de l’efficacité d’une prière instante (saint Jérôme, Origène).
24 Il les prit et leur fit passer le torrent, et il fit passer aussi tout ce qu’il possédait.
25 Et Jacob resta seul.Et quelqu’unj lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore.
j Littéralement « un homme ».
26 Voyant qu’il ne le maîtrisait pas, il le frappa à l’emboîture de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant qu’il luttait avec lui.
27 Il dit : « Lâche-moi, car l’aurore est levée », mais Jacob répondit : « Je ne te lâcherai pas, que tu ne m’aies béni. »
28 Il lui demanda : « Quel est ton nom ? » — « Jacob », répondit-il.
29 Il reprit : « On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fortk contre Dieu et contre les hommes et tu l’as emporté. »
k Sens que les versions donnent au verbe sarah, employé seulement ici et en Os 12.5. « Israël », qui signifiait probablement « que Dieu se montre fort », est expliqué par « Il a été fort contre Dieu », étymologie populaire. Ce changement de nom sera indiqué aussi à 35.10 où il paraît être plus primitif. Il est possible qu’il exprime la fusion de deux groupes différents, celui de « Jacob » et celui d’« Israël », cf. 33.20 « El, Dieu d’Israël ».
30 Jacob fit cette demande : « Révèle-moi ton nom, je te prie », mais il répondit : « Et pourquoi me demandes-tu mon nom ? » et, là même, il le bénit.
31 Jacob donna à cet endroit le nom de Penuel, « car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face et j’ai eu la vie sauve ».l
l La vision directe de Dieu comporte pour l’homme un danger mortel. C’est le signe d’une faveur spéciale que d’en sortir vivant, cf. Ex 33.20.
32 Au lever du soleil, il avait passé Penuel et il boitait de la hanche.
33 C’est pourquoi les Israélites ne mangent pas, jusqu’à ce jour, le nerf sciatique qui est à l’emboîture de la hanche,m parce qu’il avait frappé Jacob à l’emboîture de la hanche, au nerf sciatique.
m Vieille prescription alimentaire qui n’est pas autrement attestée dans la Bible.