Vigouroux – Job 38
Le Seigneur montre à Job la distance qu’il y a entre la créature et le Créateur.
38 Alors le Seigneur parla à Job du milieu d’un tourbillon, et lui dit : [38.1 IVe partie : Apparition et discours de Dieu, du chapitre 38 au chapitre 41. ― Ce que Job avait si ardemment souhaité, voir Job, 13, 22, arrive enfin : Dieu apparaît. Le mystère de la souffrance n’a pas encore été complètement éclairci. Il est démontré que la thèse des trois premiers adversaires de Job est insoutenable ; il est établi que les idées de Job ne sont pas non plus toutes également justes ; cependant Eliu lui-même n’a pas dit le dernier mot. Les souffrances du saint patriarche ont eut pour but de manifester la sincérité de sa vertu et de démontrer que la fidélité au devoir peut subsister dans la mauvaise comme dans la bonne fortune, mais aucun des interlocuteurs ne l’a soupçonné, et, à vrai dire, ce but ne pouvait être connu que par une révélation. A Dieu seul il appartient de trancher le différend ; lui seul peut distribuer à chacun le blâme et l’éloge, déclarer Job innocent, tout en lui reprochant les excès de parole dans lesquels il s’est laissé entraîner ; faire sentir à ses trois amis leur dureté et leur opiniâtreté. Il semble que Dieu ne saurait intervenir sans s’abaisser, et cependant comme il apparaît en maître souverain ! Il ne se justifie pas, il ne dit pas un seul mot pour expliquer sa conduite, il dédaigne de parler des questions spéculatives qui ont été l’objet du débat ; il a fait résoudre le problème en tête du livre par l’écrivain inspiré, qui nous a découvert le secret divin dans le prologue. Maintenant les choses se passent tout autrement que Job ne l’avait imaginé, quand il réclamait la présence de Dieu. Surpris, accablé par les questions que son Seigneur lui adresse, il comprend quelle a été sa présomption et son imprudence, il s’humilie et se tait. Dieu veut nous rappeler notre ignorance, nous apprendre à nous abaisser devant lui et à reconnaître que la véritable sagesse consiste à ne pas tenter de pénétrer ce qui est impénétrable. Comment pourrions-nous sonder les plans du Seigneur et scruter ses desseins, puisqu’il est si grand et que nous sommes si petits ?]2 Quel est celui qui obscurcit les pensées par des discours inconsidérés (mêle des sentences à des discours maladroits) ? [38.2 Discours de Dieu, du chapitre 38 au chapitre 41. ― Il se divise en trois parties. La première renferme la description des phénomènes de l’ordre physique, la seconde la description du règne animal, la troisième celle de deux animaux particulièrement remarquables, l’hippopotame et le crocodile. La première et la seconde partie sont à peu près d’égale longueur, chapitre 38, versets 1 à 38 ; du chapitre 38, verset 39, au chapitre 39, verset 30 ; la troisième a près du double de longueur, chapitres 40 et 41. ― Ire partie, chapitre 38, versets 1 à 38. ― 1° Dieu interroge Job. Lui qui veut disputer avec le Tout-Puissant, a-t-il assisté à la création, à l’emprisonnement de l’océan et à l’asservissement de la lumière ? Versets 2 à 15. ― 2° A-t-il découvert le secret des mystères de la nature, versets 16 à 30, et ― 3°, en particulier des lois qui régissent les astres ? Versets 31 à 38.]3 Ceins tes reins comme un homme (de cœur) ; je t’interrogerai, et tu me répondras. [38.3 Ceins, etc. Ceindre ses reins se disait chez les anciens Hébreux d’un homme qui entreprend un voyage, ou qui va au combat. ― Et tu me répondras ; littéralement et par hébraïsme : Et réponds-moi.]4 Où étais-tu quand je jetais les fondements de la terre ? Dis-le-moi, si tu as de l’intelligence. 5 Sais-tu qui en a réglé les mesures, ou qui a tendu sur elle le cordeau ? 6 Sur quoi ses bases sont-elles affermies ? ou qui a posé sa pierre angulaire, 7 tandis que les astres du matin me louaient ensemble, et que les fils de Dieu poussaient des cris de joie ? [38.7 Les fils de Dieu ; c’est-à-dire les anges. Comparer à Job, 1, 6.]8 Qui a (r)enfermé la mer avec des portes (digues), lorsqu’elle s’élançait comme (sortant) du (d’un) sein maternel, 9 lorsque je lui donnais les nuées pour vêtement, et que je l’enveloppais d’obscurité comme de langes d’enfant ? 10 Je l’ai resserrée dans mes limites ; je lui ai mis des barrières et des portes (un verrou et une porte à deux battants) ; 11 et j’ai dit : Tu viendras jusqu’ici, et tu ne passeras pas plus loin, et tu briseras là l’orgueil de tes flots. 12 Est-ce toi qui, depuis ta naissance, as donné des ordres à l’étoile du matin, et qui as montré sa place à l’aurore ? [38.12 Son lieu ; le lieu où elle doit naître.]13 As-tu saisi les extrémités de la terre, la secouant pour en rejeter (chasser) les impies ? [38.13 As-tu tenu, en les ébranlant, les extrémités de la terre, comme on saisit les deux bords d’un manteau ou d’un tapis pour le secouer.]14 Elle se transforme alors comme l’argile sous le cachet, et elle se montre comme couverte d’un (demeurera comme un) vêtement. [38.14 Elle ; c’est-à-dire la terre. Cette explication, donnée par beaucoup d’interprètes, paraît la plus simple, la plus naturelle et la mieux liée à ce qui précède ; mais alors il faut supposer que dans la Vulgate, le substantif signaculum est mis pour l’adjectif signatorium, sorte d’hébraïsme qu’elle imite d’ailleurs assez souvent. Le sens de ce passage expliqué grammaticalement de cette manière sera donc que la terre, après que les méchants en auront disparu, reprendra son ancienne forme, comme une terre molle reprend la sienne, après qu’on y a appliqué un cachet, parce qu’elle n’a pas assez consistance pour conserver l’empreinte du cachet. ― Un vêtement magnifique, splendide ; c’est le sens de l’hébreu. ― Une terre molle de cachet. Les Orientaux se servent encore aujourd’hui, en guise de cire à sceller, d’une argile particulière.]15 La lumière des impies leur sera enlevée ; et leur bras, qui se lève, sera brisé. 16 Es-tu entré jusqu’au fond de la mer, et t’es-tu promené aux extrémités de l’abîme ? 17 Les portes de la mort t’ont-elles été ouvertes ? et as-tu vu ces (les) portes ténébreuses ? 18 As-tu considéré l’étendue de la terre ? Indique-moi toutes ces choses si tu les connais. 19 Sur quelle route habite la lumière, et quelle est la demeure des ténèbres, 20 afin que tu les conduises toutes deux à leurs limites, et que tu connaisses les sentiers de leur séjour. 21 Savais-tu, alors, que tu devais naître, et connaissais-tu le nombre de tes jours ? [38.21 Alors ; quand j’ai créé toutes ces choses.]22 Es-tu entré dans les trésors de la neige, ou as-tu contemplé (aperçu) les trésors de la grêle, [38.22-23 Dieu tient la foudre, la neige, la grêle, les vents, la tempête, comme des armes toutes prêtes à agir contre ses ennemis. Comparer à Psaumes, 32, 7 ; 134, 7 ; Jérémie, 10, 13 ; 50, 25.]23 que j’ai préparés pour le temps de l’ennemi, pour le jour de la guerre et du combat ? 24 Par quelle voie la lumière se divise-t-elle, et la chaleur se répand-elle sur la terre ? 25 Qui a ouvert une route aux pluies impétueuses, et un passage au tonnerre éclatant, 26 pour faire pleuvoir dans une terre sans habitants, dans un désert où aucun mortel ne demeure ; 27 pour inonder les lieux solitaires (inaccessibles) et isolés, et pour y faire germer l’herbe verte ? 28 Qui est le père de la pluie, et qui a engendré les gouttes de rosée ? 29 Du sein de qui la glace est-elle sortie ? et qui a engendré la gelée du ciel ? 30 Les eaux se durcissent comme la pierre, et la surface de l’abîme devient solide. 31 Pourras-tu joindre ensemble les brillantes étoiles des Pléiades, et détourner l’Ours (Arcturus) de son cours ? 32 Est-ce toi qui fais paraître en son temps l’étoile du matin (Lucifer), et qui fais lever l’étoile du soir sur les habitants (fils) de la terre ? 33 Connais-tu l’ordre du ciel, et règles-tu son influence (en rendras-tu raison) sur la terre ? 34 Elèveras-tu ta voix jusqu’aux nuées, et des torrents d’eaux te (re)couvriront-ils ? 35 Lances-tu des tonnerres (foudres), et partent-ils à l’instant ; et, revenant ensuite, te disent-ils : Nous voici ? 36 Qui a mis la sagesse dans le cœur de l’homme, ou qui a donné au coq l’intelligence ? 37 Qui exposera l’arrangement (la conduite) des cieux, et qui fera taire leur harmonie (cesser el concert du ciel) ? 38 Quand la poussière se répand(ait)-elle sur la terre, et quand les mottes (glèbes) se colleront-elles (durcissaient-elles) ensemble ? 39 Prendras-tu la proie pour la lionne, et rassasieras-tu la faim (empliras-tu l’âme, note) de ses petits, [38.39 Empliras-tu l’âme ; c’est-à-dire rassasieras-tu la faim. ― IIe partie du discours de Dieu, du chapitre 38, verset 39 au chapitre 39, verset 35. Description du règne animal. ― 1° Nourriture du lion et du corbeau, enfantement de la biche, du chapitre 38, verset 39 au chapitre 39, verset 4. ― 2° Comparaison des animaux domestiques avec les animaux sauvages, du buffle avec le bœuf, de l’onagre avec l’âne, chapitre 39, versets 5 à 12. ― 3° Description de l’autruche, versets 13 à 18. ; ― 4° du cheval, versets 19 à 25 ; ― 5° de l’aigle, versets 26 à 30. ― Après ce tableau de sa puissance, Dieu demande à Job s’il va lui répondre. Job confesse qu’il a parlé avec légèreté et qu’il aurait dû se taire, versets 31 à 35.]40 lorsqu’ils sont couchés dans leurs antres, et qu’ils sont en embuscade dans leurs cavernes ? 41 Qui prépare au corbeau sa nourriture, lorsque ses petits courent çà et là et crient vers Dieu, parce qu’ils n’ont rien à manger ? [38.41 Voir Psaumes, 146, 9.]