4 L’homme connut Ève, sa femme ; elle conçut et enfanta Caïn et elle dit : « J’ai acquis un homme de par Yahvé. »p
o Dans ce chapitre, le récit, vv. 1-16, aussi bien que les généalogies, vv. 17-26, appartiennent aux traditions yahvistes. Le récit suppose une civilisation un peu évoluée dans le domaine religieux, un culte avec les offrandes des produits (peut-être les prémices) du sol et des premiers-nés du troupeau, vv. 3-4. On suppose aussi l’existence d’hommes qui pourraient tuer Caïn et d’autres pouvant le venger, vv. 14-15. Ce récit a pu se rapporter d’abord, non aux enfants du premier homme, mais à l’ancêtre éponyme des Qénites (Caïnites cf. Nb 24.21). Reporté aux origines de l’humanité, il reçoit une portée générale d’une part, Caïn et Abel sont à l’origine de deux modes de vie, l’agriculteur sédentaire et le pasteur nomade ; d’autre part, ces deux frères personnifient la lutte de l’Homme contre l’Homme. À côté de la révolte de l’homme contre Dieu, il y a aussi la violence du « frère » contre son « frère ». Le double commandement de l’amour, Mt 22.40, viendra montrer les exigences fondamentales de la volonté de Dieu.
p Jubilation de la première femme qui, de servante d’un époux, devient mère d’un homme. Un jeu de mots rapproche le nom de Caïn (Qayn) du verbe qanah « acquérir ».
3 Le temps passa et il advint que Caïn présenta des produits du sol en offrande à Yahvé,
q Première apparition du thème du cadet préféré à l’aîné, par lequel se manifeste le libre choix de Dieu, son mépris pour les grandeurs terrestres et sa prédilection pour les humbles ; ce thème revient souvent à travers la Genèse (Isaac préféré à Ismaël, 21, Jacob à Ésaü, 25.23 ; 27 ; Rachel à Léa, 29.15-30 ; de même les enfants de celles-ci...) et dans toute la Bible, 1 S 16.12 ; 1 R 2.15, etc.
r Traduction approximative d’un texte corrompu. Littéralement « N’est-ce pas que, si tu agis bien, élévation, et si tu n’agis pas bien, à ta porte le péché (fém.) couchant (masc.) et vers toi sa (masc.) convoitise et tu le domineras. » Le texte paraît décrire la tentation qui menace une âme mal disposée.
s « Dire » introduit normalement un discours direct, qui ne se trouve pas dans le texte hébreu. Les versions, probablement en suppléant ce qui semblait manquer plutôt qu’en traduisant deux mots disparus ensuite, lisent « Allons dehors ».
9 Yahvé dit à Caïn : « Où est ton frère Abel ? » Il répondit : « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? »
t Le « signe de Caïn » n’est pas un stigmate infamant, mais une marque qui le protège en le désignant comme membre d’un clan où s’exerce durement la vengeance du sang.
u Le pays est inconnu et son nom rappelle l’épithète donnée à Caïn, « errant », nad, au pays de Nôd.
17 Caïn connut sa femme, qui conçut et enfanta Hénok. Il devint un constructeur de ville et il donna à la ville le nom de son fils, Hénok.
v Débris d’une généalogie à caractère anecdotique. Les mêmes noms paraîtront, avec des variantes, dans la généalogie sacerdotale de Seth, entre Qénân et Lamek, 5.12-28. Cette liste n’est rattachée qu’artificiellement à Caïn, fils d’Adam, condamné à la vie errante ; ici Caïn est le constructeur de la première ville, l’ancêtre des éleveurs, des musiciens, des forgerons et peut-être des filles de joie, cf. v. 22, qui subviennent aux commodités et aux plaisirs de la vie urbaine. Ces progrès sont attribués à la lignée de Caïn le maudit ; la même condamnation de la vie urbaine se trouvera dans le récit de la tour de Babel, 11.1-9.
w « L’ancêtre de tous les forgerons » Targ., cf. vv. 20 et 21 ; « le forgeron de tous les ouvriers » hébr. — Les trois castes des éleveurs de bétail, des musiciens et des forgerons ambulants sont rattachées à trois ancêtres dont les noms font assonance et rappellent les métiers de leurs descendants Yabal (ybl « conduire ») ; Yubal (yôbel « trompette ») ; Tubal (nom d’un peuple du Nord, 10.2, au pays des métaux) ; Caïn signifie « forgeron » en d’autres langues sémitiques. Naama, « la jolie », « l’aimée », pourrait être l’éponyme d’une autre « profession », cf. note e, sur laquelle le texte se tait.
23 Lamek dit à ses femmes :
« Ada et Çilla, entendez ma voix,
femmes de Lamek, écoutez ma parole :
J’ai tué un homme pour une blessure,
un enfant pour une meurtrissure.
24 C’est que Caïn est vengé sept fois,
mais Lamek, septante-sept fois ! »x
x Ce chant sauvage composé à la gloire de Lamek, un héros du désert, est recueilli ici comme un témoignage de la violence croissante des descendants de Caïn.
25 Adam connut sa femme ; elle enfanta un fils et lui donna le nom de Seth, car, dit-elle, « Dieu m’a accordéz une autre descendance à la place d’Abel, puisque Caïn l’a tué. »
y Débris d’une autre généalogie primitive.
z Le nom de Seth (hébr. Shet) est expliqué par shat « il a accordé ».
a Grec et Vulg. précisent « Celui-ci fut le premier à invoquer le nom de Yahvé ». D’autres passages, de tradition élohiste ou sacerdotale, retardent jusqu’à Moïse la révélation du nom de Yahvé, Ex 3.14 (cf. 3.13) ; 6.2s.