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Bible de Jérusalem – Cantique des cantiques 4

Cinquième poème

LE BIEN-AIMÉc

4 Que tu es belle, ma bien-aimée,
que tu es belle !
Tes yeux sont des colombes,
derrière ton voile ;d
tes cheveux comme un troupeau de chèvres,
ondulant sur les pentes du mont Galaad.

c Cet éloge physique de la bien-aimée est repris partiellement en 6.4-7 et plus longuement en 7.2-10 ; l’éloge physique du bien-aimé sera donné en 5.10-16. Comparer le portrait de l’épouse parfaite, Pr 31.10-31. Un éloge assez plat de la beauté de Sara figure dans l’Apocryphe de la Genèse de Qumrân (Gn 12.15). Les chants d’amour égyptiens contiennent des pièces analogues. C’est l’un des genres classiques de la poésie arabe le was.f, « description ». Les descriptions du Cantique accumulent les métaphores empruntées à tout le domaine de la nature, avec une série, inattendue dans un chant d’amour, de noms géographiques libano-palestiniens Galaad, Liban (Amana, Sanir, Hermon), Tirça, Jérusalem, Heshbôn, Bat-Rabbîm, Damas, le Carmel ; ce qui permettrait d’entrevoir dans la bien-aimée une personnification poétique de la Terre sainte et du royaume salomonien.

d La fiancée était voilée quand on la présentait à son époux, Gn 24.65 ; 28.23-25.

2 Tes dents, un troupeau de brebis tonduese
qui remontent du bain.
Chacune a sa jumelle
et nulle n’en est privée.

e On attendrait plutôt « à tondre », car c’est avant la tonte qu’on lavait les bêtes ; mais l’auteur du Cantique cherche seulement une image évocatrice.

3 Tes lèvres, un fil d’écarlate,
et tes discours sont ravissants.
Tes joues, des moitiés de grenades,
derrière ton voile.
4 Ton cou, la tour de David,
bâtie par assises.
Mille rondaches y sont suspendues,
tous les boucliers des preux.
5 Tes deux seins, deux faons,
jumeaux d’une gazelle,
qui paissent parmi les lis.

6 Avant que souffle la brise du jour
et que s’enfuient les ombres,
j’irai à la montagne de la myrrhe,
à la colline de l’encens.f

f Reprise de 2.16-17. Le double site est identifié par le Targum au mont Moriyya, comme pour 2.17. Il y a un jeu de mot entre Morriya et mor « myrrhe » (3.6).

7 Tu es toute belle, ma bien-aimée,
et sans tache aucune !g

g Comparer l’éloge d’Absalom, 2 S 14.25. — La liturgie applique le v. à l’Immaculée Conception de Marie.

8 Viensh du Liban, ô fiancée,i
viens du Liban, fais ton entrée.
Abaisse tes regards, des cimes de l’Amana,
des cimes du Sanir et de l’Hermon,
repaire des lions,
montagnes des léopards.j

h « Viens » ’etî versions ; « Avec moi » ’ittî hébr. De même au stique suivant.

i La jeune fille est appelée la « fiancée » seulement dans ce poème de 4.8-5.1, où le mot revient six fois.

j La strophe est difficile à expliquer. C’est peut-être le fragment d’un poème plus long. Jointe aux strophes suivantes, qui lui sont rattachées par les mots clés « fiancée » (cinq fois) et « Liban », vv. 11, 15, elle pourrait être un appel à la bien-aimée de quitter un pays difficile et dangereux pour rejoindre le bien-aimé et devenir son « jardin », cf. 6.2.

9 Tu me fais perdre le sens,
ma sœur,k ô fiancée,
tu me fais perdre le sens
par un seul de tes regards,
par un anneau de ton collier !

k Encore aux vv. 10, 12 ; 5.1, 2. L’expression est peut-être empruntée au vocabulaire des poésies d’amour égyptiennes, où elle est courante. Mais ces poésies emploient « frère » pour désigner le bien-aimé, ce que ne fait jamais, cf. par contraste 8.1.

10 Que ton amour a de charmes,
ma sœur, ô fiancée.
Que ton amour est délicieux, plus que le vin !
Et l’arôme de tes parfums,
plus que tous les baumes !
11 Tes lèvres, ô fiancée,
distillent le miel vierge.
Le miel et le lait
sont sous ta langue ;
et le parfum de tes vêtements
est comme le parfum du Liban.l

l Le bien-aimé est transporté par les regards de sa fiancée, v. 9, le goût de ses baisers, v. 11, le parfum de ses vêtements, vv. 10, 11. On peut citer des parallèles tirés des poésies égyptiennes ou arabes ; on en trouverait dans toutes les littératures.

12 Elle est un jardin bien clos,m
ma sœur, ô fiancée ;
un jardinn bien clos,
une source scellée.

m Comme le vignoble de 1.6 ; 2.15, le jardin avec sa source et sa flore choisie, un « paradis », v. 13, cf. Gn 2.9-10, est une image des attraits de la bien-aimée. Le thème de la « Belle Jardinière » ou du « Verger d’Amour » se retrouve dans la poésie égyptienne. Mais le jardin est clos, v. 12, jusqu’au moment où la fiancée l’ouvrira à son bien-aimé, v. 16, pour les épousailles, 5.1. Comparer Pr 5.15-20 sur l’amour conjugal.

n « jardin » gan versions ; « vague » gal hébr., toujours au pluriel ailleurs ; c’est une simple faute de graphie.

13 Tes jets font un vergero de grenadiers,
avec les fruits les plus exquis,
grappes de henné avec des nards ;

o En hébr. pardes, comme Qo 2.5 ; Ne 2.8, mot perse signifiant « parc », dont nous avons fait « paradis ».

14 le nard et le safran,
le roseau odorant et le cinnamome,
avec tous les arbres à encens ;
la myrrhe et l’aloès,
avec les plus fins arômes.p

p Les plantes des vv. 13-14 ne peuvent pas vivre ensemble et, sauf le grenadier, ne poussent pas en Palestine. C’est un jardin imaginaire qui rassemble les aromates les plus rares, selon un thème fréquent de ces poèmes, 1.2-3, 12-14 ; 3.6 ; 5.5, 13. Comparer la Sagesse dans Si 24.12-21.

15 Source des jardins,
puits d’eaux vives,
ruissellement du Liban !

LA BIEN-AIMÉE

16 Lève-toi, Aquilon,
accours, Autan !
Soufflez sur mon jardin,
qu’il distille ses aromates !
Que mon bien-aimé entre dans son jardin,
et qu’il en goûte les fruits délicieux !

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