chapitre précédent retour chapitre suivant

Vigouroux – Genèse 44

Joseph fait mettre sa coupe dans sac de Benjamin. Il traite ses frères comme des voleurs. Juda s’offre à demeurer esclave à la place de Benjamin.

44 Or Joseph donna des ordres à l’intendant de sa maison, et lui dit : Mets dans leurs sacs autant de blé qu’ils en pourront tenir, et l’argent de chacun à l’entrée du sac ; 2 et (mais) mets ma coupe d’argent à l’entrée du sac du plus jeune, avec l’argent qu’il a donné pour le blé. Cet ordre fut donc exécuté. 3 Et le lendemain matin, on les laissa aller avec leurs ânes. 4 Lorsqu’ils furent sortis de la ville, comme ils n’avaient fait encore que peu de chemin, Joseph appela l’intendant de sa maison et lui dit : Cours vite après ces hommes, arrête-les et dis-leur : Pourquoi avez-vous rendu le mal pour le bien ? 5 La coupe que vous avez dérobée est celle dans laquelle boit mon maître, et dont il se sert pour deviner. Vous avez fait une très méchante action. [44.5 ; 44.15 L’usage de deviner par la coupe était commun aux peuples de l’Orient et surtout aux Egyptiens (voir saint Augustin, de Civit. Dei, livre VII, chapitre 57). La traduction de la Vulgate, qui paraît la plus conforme au texte hébreu et qui est aussi celle des Septante, n’autorise cependant point à croire que Joseph se soit livré à des sortilèges ; car, comme le remarque saint Thomas (2. 2, quæst. 195, art. 7), Joseph et son intendant ont pu tenir le langage que Moïse leur prête, parce que les Egyptiens regardaient et proclamaient Joseph comme très habile dans l’art de la divination.]6 L’intendant fit ce qui lui avait été commandé, et, les ayant arrêtés, il leur dit tout ce qui lui avait été prescrit. 7 Ils lui répondirent : Pourquoi mon seigneur parle-t-il ainsi à ses serviteurs et les croit-il capables d’une action si honteuse ? 8 Nous vous avons rapporté du pays de Chanaan l’argent que nous avions trouvé à l’entrée de nos sacs. Comment donc se pourrait-il faire que nous eussions dérobé de la maison de votre maître de l’or ou de l’argent ? 9 Que celui de vos serviteurs, quel qu’il puisse être, auprès de qui l’on trouvera ce que vous cherchez, soit mis à mort, et nous serons esclaves de mon seigneur. 10 Il leur dit : Que ce que vous prononcez soit exécuté. Quiconque se trouvera avoir pris ce que je cherche sera mon esclave, et vous en serez innocents. 11 Ils déchargèrent donc aussitôt leurs sacs à terre, et chacun ouvrit le sien. 12 L’intendant les ayant fouillés, en commençant depuis le plus grand jusqu’au plus petit, trouva la coupe dans le sac de Benjamin. 13 Alors ayant déchiré leurs vêtements et rechargés leurs ânes, ils revinrent à la ville. 14 Juda se présenta le premier avec ses frères devant Joseph, qui n’était pas encore sorti du lieu où il était ; et ils se prosternèrent tous ensemble à terre devant lui. 15 Joseph leur dit : Pourquoi avez-vous agi ainsi ? Ignorez-vous qu’il n’y a personne qui m’égale dans la science de deviner les choses cachées ? 16 Juda lui dit : Que répondrons-nous à mon seigneur ? que lui dirons-nous, et que pouvons-nous lui représenter avec quelque ombre de justice pour notre défense ? Dieu a trouvé l’iniquité de vos serviteurs. Nous sommes tous les esclaves de mon seigneur, nous et celui à qui on a trouvé la coupe. 17 Joseph répondit : Dieu me garde d’agir de la sorte. (!) Que celui qui a pris ma coupe soit mon esclave ; et pour vous, allez en liberté retrouver votre père. 18 (Mais) Juda, s’approchant alors plus près de Joseph, lui dit avec assurance : Mon seigneur, permettez, je vous prie, à votre serviteur, de vous adresser la parole, et ne vous irritez pas contre votre esclave ; car après le Pharaon, c’est vous qui êtes 19 mon seigneur. Vous avez demandé d’abord à vos serviteurs : Avez-vous encore votre père ou quelque autre frère ? [44.19 Voir Genèse, 42, 13.]20 Et nous vous avons répondu, mon seigneur : Nous avons un père qui est âgé, et un jeune frère qu’il a eu dans sa vieillesse, dont le frère qui était né de la même mère est mort : il ne reste plus que celui-là, et son père l’aime tendrement. 21 Vous dites alors à vos serviteurs : Amenez-le-moi pour que mes yeux le contemplent. 22 Mais nous vous répondîmes, mon seigneur : Cet enfant ne peut quitter son père ; car, s’il le quitte, il le fera mourir. 23 Vous dîtes à vos serviteurs : Si le dernier de vos frères ne vient avec vous, vous ne verrez plus mon visage. [44.23 Voir Genèse, 43, vv. 3, 5.]24 Lors donc que nous fûmes retournés vers notre père, votre serviteur, nous lui rapportâmes tout ce que vous aviez dit, mon seigneur. 25 Et notre père nous ayant dit : Retournez en Egypte pour nous acheter un peu de blé, 26 nous lui répondîmes : Nous ne pouvons y aller seuls. Si notre jeune frère vient avec nous, nous irons ensemble ; mais à moins qu’il ne vienne, nous n’osons nous présenter devant celui qui commande en ce pays-là. 27 Il nous répondit : Vous savez que j’ai eu deux fils de Rachel ma femme. 28 L’un d’eux étant allé aux champs, vous m’avez dit qu’une bête l’avait dévoré, et il ne paraît plus jusqu’à cette heure. [44.28 Voir Genèse, 37, vv. 20, 33. ― Est sorti ; l’hébreu ajoute d’avec moi.]29 Si vous emmenez encore celui-ci, et qu’il lui arrive quelque accident en chemin, vous accablerez ma vieillesse (mes cheveux blancs) d’une affliction qui la conduira au tombeau. [44.29 ; 44.31 Les enfers. Voir, pour le vrai sens de ce mot, Genèse, 37, 35.]30 Si je me présente donc à mon père, votre serviteur, et que l’enfant n’y soit pas, comme sa vie (son âme) dépend de celle de son fils, 31 lorsqu’il verra qu’il n’est point avec nous, il mourra, et vos serviteurs accableront sa vieillesse (ses cheveux blancs) d’une douleur qui le mènera au tombeau (dans les enfers). 32 Que ce soit donc plutôt moi qui sois votre esclave, puisque je me suis rendu caution de cet enfant, et que j’en ai répondu à mon père, en lui disant : Si je ne le ramène, je veux bien (serai coupable) que mon père m’impute cette faute, et qu’il ne me la pardonne jamais. [44.32 Voir Genèse, 43, 9.]33 Ainsi je demeurerai votre esclave, et servirai mon seigneur à la place de l’enfant, afin qu’il retourne avec ses frères. 34 Car je ne puis pas retourner vers mon père sans que l’enfant soit avec nous, de peur que je ne sois moi-même témoin de l’extrême affliction (du malheur) qui accablera notre père.

chapitre précédent retour chapitre suivant