48 Sur Moab.u Ainsi parle Yahvé Sabaot, le Dieu d’Israël.
Malheur au Nébo, car il est saccagé,
Qiryatayim a eu honte, elle est prise,
honte et terreur sur la citadelle :
t Il est difficile de discerner exactement le noyau primitif de cet oracle, dont le texte réutilise plusieurs passages bibliques Isa 15-16 ; Nb 21.27-30 ; 24.17. Il a pu être prononcé après 605, cf. 25.21 ; ou après 593, cf. 27.3 ; ou après 587, cf. Ez 25.8-11.
u Moab est au sud d’Ammon, en Transjordanie ; on reconnaît ici le mont Nébo (Dt 34.1) ; Qiryatayim, peut-être vers le Khirbet el-Quraiyat, au sud-ouest de Madaba ; Heshbôn, aujourd’hui Hesbân, 12 km au nord de Madaba, et dont le nom fait ici jeu de mots avec hashab , « machiner »; Madmèn, aujourd’hui Khirbet Dimna, à 12 km au nord de Kérak, qui fait jeu de mots avec damam , « être réduit au silence »; Horonayim, vraisemblablement à l’est du pays, aux confins du désert ; Luhit, mal localisé, est à situer plutôt à l’ouest ; enfin si, avec le grec, on lit le v. 4 « annoncez-le jusqu’à Çoar » (au sud de la mer Morte, cf. Gn 14.2, 8), on se rend compte que l’effroi provoqué par l’invasion saisit le pays dans toute son étendue.
2 elle n’est plus, la fierté de Moab !
À Heshbôn on a machiné son malheur :
« Allons ! Supprimons-la d’entre les nations ! »
Toi aussi, Madmèn, tu seras réduite au silence,
l’épée te serre de près.
3 Des clameurs viennent de Horonayim :
« Dévastation ! Immense désastre ! »
4 Moab est terrassée,
ses petits font entendre un cri.
5 Oui, la montée de Luhit,
on la monte en pleurant.v
Oui, à la descente de Horonayim,
on entend une clameur de désastre :
v « (on) la (monte) » bô conj., cf. Isa 15.5 ; l’hébr. répète le mot « pleurs » bekê .
6 « Fuyez, sauvez votre vie,
imitez l’onagrew dans le désert ! »
w « l’onagre » (hébr. arod) grec ; « Aroër » hébr.
7 Oui, puisque tu t’es fiée à tes œuvres et à tes trésors,
tu seras prise, toi aussi.
Kemoshx partira en captivité,
avec ses prêtres et ses princes tous ensemble.
x Dieu national des Moabites vv. 13 et 46 ; cf. Nb 21.29 ; 1 R 11.7 et 33.
8 Un dévastateur va venir contre toute ville,
aucune ne réchappera :
la Vallée sera ravagée, le Plateau
saccagé,
comme Yahvé l’a dit.
9 Donnez des ailesy à Moab,
pour qu’elle puisse s’envoler !
Ses villes se changeront en désolation,
nul n’y habitant plus.
y Le mot hébr. (çîc) signifie normalement « fleur »; nous avons peut-être ici un sens inusité de ce mot, à moins qu’il ne faille corriger en noçah « plumage » « ailes », cf. Ez 17.3 ; Jb 39.13. Le grec a lu çiyûn « tombeau » et traduit « donnez un tombeau à Moab, car elle est dévastée ».
10 (Maudit celui qui fait avec négligence le travail de Yahvé !
Maudit qui prive de sang son épée !)
11 Tranquille était Moab depuis sa jeunesse,
il reposait sur sa lie,
n’ayant jamais été transvasé,
n’étant jamais parti en exil ;
aussi sa saveur lui était restée
et son parfum ne s’était pas altéré.z
z Moab, pays de vignoble, cf. vv. 32-33, était renommé pour son vin.
a C’est le nom d’un grand sanctuaire du Nord, qui devint après le schisme le rival de celui de Jérusalem, cf. 1 R 18.29 ; Am 7.13 ; mais c’est aussi un nom divin dans le culte hétérodoxe de la colonie juive d’Éléphantine.
14 Comment pouvez-vous dire : « Nous sommes des héros,
de vrais combattants ? »
15 Moab est ravagé ; on a escaladé ses villes,
l’élite de sa jeunesse descend à la boucherie,
oracle du Roi qui a pour nom Yahvé Sabaot.
16 La ruine de Moab est proche,
son malheur se précipite.
17 Plaignez-le, vous tous ses voisins,
vous tous qui connaissiez son nom.
Dites : « Quoi ! Il est brisé, ce bâton puissant,
ce sceptre magnifique ! »
18 Descends de ta gloire, assieds-toi sur un sol assoiffé,
habitante, fille de Dibôn,b
car le dévastateur de Moab est monté contre toi,
il a détruit tes forteresses.
b Littéralement « assieds-toi dans la soif ». — Dibôn, aujourd’hui Dibân, à 5 km environ au nord-ouest de Aroër (v. 19), aujourd’hui Araïr, sur l’Arnon. C’est à Dibân que fut découverte la stèle de Mésha, roi de Moab ; 2 R 3.4.
19 Poste-toi sur la route et guette,
habitante d’Aroër,
interroge fuyard et rescapé.
Demande : « Qu’est-il arrivé ? »c
c « rescapé » versions ; « rescapée » hébr. — La réponse est donnée aux vv. 20, 25 (où « oracle de Yahvé », omis par le grec, est peut-être une addition) et 28 ; les morceaux en prose sont des commentaires.
20 — « Moab est honteux de sa destruction ;
gémissez et criez !
Publiez sur l’Arnon que Moab est dévasté ! »
d La plupart des villes citées ici sont d’identification incertaine. Il s’agit d’ailleurs simplement, par cette longue énumération, d’exprimer l’ampleur du désastre.
25 « La force de Moab est abattue,
son bras est brisé, oracle de Yahvé. »
26 Enivrez-le, car il s’est dressé contre Yahvé : que Moab se roule dans sa vomissure et devienne, lui aussi, une risée.
28 « Abandonnez les villes, installez-vous dans les rochers,
habitants de Moab !
Imitez le pigeon qui fait son nid
aux parois d’une gorge béante ! »
29 Nous avons appris l’orgueil de Moab,
son arrogance excessive :
quelle superbe ! quel orgueil ! quelle arrogance !
quel cœur altier !
30 — Je connais bien sa présomption — oracle de Yahvé —,
son bavardage sans consistance,
ses actes sans consistance !
31 — Aussi je me lamente sur Moab,
sur Moab tout entier, j’élève mon cri ;
on gémit sur les gens de Qir-Hérès.
32 Plus que sur Yazèr, je pleure sur toi,
vignoble de Sibma.e
Tes sarments s’étendaient au-delà de la mer,
ils atteignaient jusqu’à Yazèr.
Sur ta vendange et ta récolte
est tombé le dévastateur.
e Qir-Hérès, « mur de tessons », est ici un sobriquet pour Qir-Moab, ancienne capitale des Moabites, aujourd’hui Kérak. Yazèr, probablement Khirbet Jazzir, au nord du pays de Moab. Sibma, entre Heshbôn (v. 2) et le Nébo ; la mer qu’est censé atteindre son vignoble est la mer Morte, à l’ouest.
33 L’allégresse et la gaîté ont disparu
des vergers et de la terre de Moab.
J’ai tari le vin des cuves,
le fouleur ne foule plus,
le cri de joie ne résonne plus.f
f « le fouleur » versions, cf. 1 S 16.10 ; « le cri de joie » hébr., dittographie ; — « résonne » herîm ou yehuddad , en supposant une forme non attestée du mot « cri de joie » hêdad , que répète l’hébr.
34 Les cris de Heshbôn et de Éléalé vont jusqu’à Yahaç. On élève la voix de Çoar jusqu’à Horonayim et à ÉglatShelishiyya, car même les eaux de Nimrim deviennent un lieu désolé.g
g « les cris » conj. ; « à cause des cris » hébr. — « et de Éléalé » conj. ; cf. 1 S 15.4 ; « jusqu’à Éléalé » hébr. — Seules Çoar, au sud, et Heshbôn et Éléalé à quelques km l’une de l’autre, au nord, cf. v. 1, sont identifiées de manière certaine. Les « eaux de Nimrim » sont sans doute à chercher au nord de la mer Morte (mais on a proposé aussi le wadi Numeira, au sud-est).
35 Et je ferai disparaître en Moab — oracle de Yahvé — celui qui fait une offrande
sur le haut lieu et celui qui encense ses dieux.
36 Aussi mon cœur hulule sur Moab à la manière des flûtes ; mon cœur hulule sur les gens de Qir-Hérès à la manière des flûtes ; parce qu’il est perdu, le trésor amassé !
40 Car ainsi parle Yahvé :
(Voici comme un aigle qui plane
et va déployer ses ailes sur Moab.)
41 Les villes sont prises,
les forteresses enlevées.
(Et le cœur des guerriers de Moab, en ce jour-là,
sera pareil au cœur d’une femme en travail.)
42 Moab, exterminé, cesse d’être un peuple,
pour s’être dressé contre Yahvé.
43 Frayeur, fosse, filet,
pour toi, habitant de Moab !
Oracle de Yahvé.
44 Qui fuira loin de la frayeur
tombera dans la fosse,
et qui remontera de la fosse
sera pris dans le filet.
Oui, je vais amener tout celah sur Moab,
l’année de leur châtiment,
oracle de Yahvé.
h « tout cela » grec, syr. ; « sur elle » hébr.
45 À l’abri de Heshbôn ont fait halte
les fuyards à bout de force.
Mais un feu est sorti de Heshbôn,
une flamme du palais de Sihôn,i
qui a dévoré les tempes de Moab
et le crâne d’une engeance de tumulte.
i « du palais » mibbêt avec 3 mss hébr. ; « du milieu » mibbên TM. — Sihôn est le roi des Amorites, qui avait pour capitale Heshbôn, Nb 21.27-28 ; Dt 2.26-37.
46 Malheur à toi, Moab !
Il est perdu, le peuple de Kemosh !
Car tes fils sont emmenés en exil
et tes filles en captivité.
47 Mais je ramènerai les captifs de Moab,
à la fin des jours, oracle de Yahvé.
Jusqu’ici le jugement de Moab.j
j Note d’un scribe, cf. 51.64.