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Bible de Jérusalem – Ésaïe 63

Le jugement des peuples.o

63 Quel est donc celui-ci qui vient d’Édom,
de Boçra en habits éclatants,
magnifiquement drapé dans son manteau,
s’avançantp dans la plénitude de sa force ?
« C’est moi qui parle avec justice,
qui suis puissant pour sauver. »

o Ce fragment de poème apocalyptique est conçu comme un dialogue entre Yahvé et l’inspiré. Yahvé se présente comme un vendangeur dont les habits sont souillés par le jus des raisins. Mais ceux qu’il a foulés au pressoir, ce sont les peuples ennemis d’Israël, dont Édom, l’ennemi traditionnel, cf. 34.1-7, est le type. On a tenté, en corrigeant les mots « Édom » et « Boçra », de traduire « Qui arrive tout rouge, en habits éclatants comme un vendangeur », interprétation qui favoriserait l’application du texte au Messie souffrant.

p « s’avançant » ço`ed conj. ; « s’inclinant » ço`eh hébr.

2 — Pourquoi ce rouge à ton manteau,
pourquoi es-tu vêtu comme celui qui foule au pressoir ?
3 — À la cuve j’ai foulé solitaire,
et des gens de mon peupleq pas un n’était avec moi.
Alors je les ai foulés dans ma colère,
je les ai piétinés dans ma fureur,
leur sangr a giclé sur mes habits,
et j’ai taché tous mes vêtements.

q « des gens de mon peuple » 1QIsa ; « des peuples » TM.

r Littéralement « leur jus », c’est la métaphore de la vigne qui continue. Noter que par une image contraire, le jus est parfois appelé le « sang » du raisin (Gn 49.11 ; Dt 32.14).

4 Car j’ai au cœur un jour de vengeance,
c’est l’année de ma rétribution qui vient.
5 Je regarde : personne pour m’aider !
Je montre mon angoisse : personne pour me soutenir !
Alors mon bras est venu à mon secours,
c’est ma fureur qui m’a soutenu.
6 J’ai écrasé les peuples dans ma colère,
je les ai briséss dans ma fureur,
et j’ai fait ruisseler à terre leur sang. »

s « je les ai brisés » wa’ashabberem mss hébr. ; « je les ai enivrés » wa’ashakkerem TM.

Méditation sur l’histoire d’Israël.t

7 Je vais célébrer les grâces de Yahvé,
les louanges de Yahvé,
pour tout ce que Yahvé a accompli pour nous,
pour sa grande bonté envers la maison d’Israël,
pour tout ce qu’il a accompli dans sa miséricorde,
pour l’abondance de ses grâces.

t Le long poème 63.7—64.11 a la forme d’un psaume de supplication collective, cf. spécialement Ps 44 et 89 et les Lamentations. Les références de 63.18 et 64.9-10 à la ruine de Jérusalem et du Temple en 587 indiquent que le souvenir de la catastrophe est encore tout proche. Le poème date du début de l’Exil. Le rappel de l’histoire passée, 63.7-14, est conforme à la théologie deutéronomiste Dieu châtie son peuple révolté, puis il le sauve.

8 Car il dit : « Certes, c’est mon peuple,
des fils qui ne vont pas me tromper »;
et il fut pour eux un sauveur.
9 Dans toutes leurs angoisses,
ce n’est pas un messageru ou un ange,
c’est sa face qui les a sauvés.
Dans son amour et sa pitié, c’est lui qui les a rachetés,
il s’est chargé d’eux et les a portés,
tous les jours du passé.

u « messager » çir grec ; hébr. répète « angoisse » çar.

10 Mais eux, ils se sont révoltés
et ils ont irrité son Esprit saint.
C’est alors qu’il les a pris en aversion
et qu’il les a lui-même combattus.
11 Mais il s’est souvenu des jours d’autrefois,
de Moïse, son serviteur.v
Où est-il, celui qui les sauva de la mer,
le pasteur de son troupeau ?
Où est celui qui mettait au milieu d’eux son Esprit saint ?

v « son serviteur » mss, syr. ; « son peuple » hébr.

12 Celui qui accompagna la droite de Moïse
de son bras glorieux,
qui fendit les eaux devant eux
pour se faire un renom éternel ;
13 qui les fit passer par les abîmes,
comme un cheval passe dans le désert ;
ils ne trébuchèrent pas plus
14 qu’une bête qui descend dans la vallée ;
l’Esprit de Yahvé les menait au repos.
Ainsi as-tu conduit ton peuple
pour te faire un nom glorieux.w

w Les vv. 11-14 rappellent le premier grand acte sauveur de Dieu, la délivrance d’Égypte, comme le gage du salut à venir.

15 Regarde du ciel et vois,x
depuis ta demeure sainte et glorieuse.
Où sont ta jalousie et ta puissance ?
Le frémissement de tes entrailles
et ta piété pour moi se sont-ils contenus ?

x Ici commence proprement la supplication, encadrée par les deux appels de 63.15 ; 64.11 qui se correspondent. Entre les deux, les thèmes ordinaires aux supplications se succèdent sans plan défini. Noter l’insistance sur la paternité divine, 63.16 ; 64.7.

16 Pourtant tu es notre père.
Si Abraham ne nous a pas reconnus,
si Israël ne se souvient plus de nous,
toi, Yahvé, tu es notre père,
notre rédempteur, tel est ton nom depuis toujours.
17 Pourquoi, Yahvé, nous laisser errer loin de tes voies
et endurcir nos cœurs en refusant ta crainte ?
Reviens, à cause de tes serviteurs
et des tribus de ton héritage.
18 Pour bien peu de temps ton peuple saint a joui de son héritage ;
nos ennemis ont piétiné ton sanctuaire.
19 Nous sommes, depuis longtemps, des gens sur qui tu ne règnes plus
et qui ne portent plus ton nom.

Ah ! si tu déchirais les cieux et descendaisy
— devant ta face les montagnes seraient ébranlées ;

y La phrase se continue à 64.1. Cet appel à la venue de Yahvé est interrompu par l’évocation des traits ordinaires des théophanies, cf. Ps 18.6-7 ; 144.5, etc.

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