Vigouroux – Psaumes 69
(Hébreu : 69).
David implore de Dieu le secours contre ses ennemis qui l’opprimaient injustement. Il prend Dieu à témoin de son innocence ; il l’intéresse à le secourir, par intérêt pour sa propre gloire. Il prédit le malheur de ses persécuteurs, le retour de son peuple, le rétablissement de Jérusalem et des villes de Juda. Les Pères et les commentateurs reconnaissent unanimement que ce psaume regarde le Messie. Les preuves en sont trop claires, pour que nous ayons à les faire remarquer dans les notes.
68 Pour la fin, pour ceux qui seront changés, Psaume de David.
[68.1 Prophétie des souffrances de Notre-Seigneur dans sa Passion. Le titre hébreu porte : « Au chef de chœur. Sur les schoschannîm. » Voir ce mot dans la note 20 à la fin du volume. Ce psaume a été composé peut-être pendant la persécution de Saül, mais il se rapporte si exclusivement et si parfaitement à Jésus-Christ, à part peut-être un petit nombre de traits accessoires, qu’il est impossible de trouver dans la vie de David aucune circonstance à laquelle il s’applique pleinement ; il prédit les souffrances de Notre-Seigneur dans sa passion et est le pendant en même temps que le complément du Psaume 21 ; aussi est-il, avec ce dernier, celui qui est le plus fréquemment cité dans le Nouveau Testament : ― 1° Les ennemis du Sauveur le haïssent sans cause, voir Jean, 15, 25 et Psaumes, 68, 5 (et aussi Psaumes, 24, 19). ― 2° Jésus est dévoré du zèle de la maison de Dieu, voir Psaumes, 68, 10a et Jean, 2, 17. ― 3° Il supporte volontairement les opprobres, voir Psaumes, 68, 10b et Romains, 15, 3. ― 4° La malédiction de Psaumes, 68, 26a, s’accomplit dans la personne de Judas Iscariote, voir Actes des Apôtres, 1, 20. ― 5° La réprobation d’Israël est indiquée, voir Psaumes, 68, 23-24 ; Romains, 11, 9. ― 6° Le vinaigre donné à Jésus-Christ sur la croix est prophétisé, voir Psaumes, 68, 22 ; Jean, 19, 28 ; Matthieu, 27, 48. Aussi tous les Pères sont-ils unanimes à voir dans ce psaume une prophétie littérale de la passion et de la résurrection de Notre-Seigneur. ― Il se divise en trois parties : 1° souffrances du Messie, versets 2 à 19 ; ― 2° causées par ses ennemis qui doivent en être punis, versets 20 à 29 ; ― 3° tandis que lui sera sauvé et que les Gentils convertis le loueront avec lui, versets 30 à 37. ― La suite des pensées est celle-ci : ― Ire partie. 1° Le Messie souffre, versets 2 à 5 ; ― 2° pour Dieu, versets 6 à 13 ; ― 3° par conséquent Dieu doit le sauver, versets 14 à 19. ― IIe partie. Puisque c’est par la malice de ses ennemis qu’il souffre, versets 20 à 22 ; Dieu doit les châtier, versets 23 à 29. ― IIIe partie. Mais lui, Dieu le sauvera et il l’en remerciera, versets 30 à 32. La conversion des Gentils sera sa récompense et ils loueront Dieu avec lui, versets 33 à 37.]
2 Sauvez-moi, ô Dieu, car les (des) eaux sont entrées jusqu’à (dans) mon âme. [68.2 Des eaux, etc. Les eaux, l’inondation, aussi bien que la tempête marquent, dans le style de l’Ecriture, de grandes calamités.]3 Je suis enfoncé dans une boue profonde, où il n’y a pas de consistance. Je suis descendu au fond de la mer, et la (une) tempête m’a submergé. 4 Je me suis fatigué à crier, ma gorge en a été enrouée ; mes yeux se sont épuisés, tandis que j’attends (j’espère en) mon Dieu. [68.4 Une boue profonde ; littéralement de profondeur, d’abîme (limo profundi). ― Dans la profondeur. Le mot latin altitudinem de la Vulgate signifie également hauteur, élévation ; mais il ne saurait avoir ici ce sens ; le texte hébreu et la version grecque ne laissent aucun doute à cet égard.]5 Ils sont devenus plus nombreux que les cheveux de ma tête, ceux qui me haïssent sans cause. Ils sont devenus forts, mes ennemis qui me persécutent injustement ; j’ai dû payer ce que je n’avais pas pris. [68.5 Ce que je n’avais pas pris, etc. C’est une espèce de proverbe.]6 O Dieu, vous connaissez ma folie, et mes péchés ne vous sont point cachés. [68.6 Folie signifie ici, comme dans une foule d’autres endroits de la Bible, erreur, égarement, faute.]7 Que ceux qui espèrent en vous ne rougissent pas à cause de moi, Seigneur, Seigneur des armées. Qu’ils ne soient pas confondus à mon sujet, ceux qui vous cherchent, (ô) Dieu d’Israël. [68.7 Des armées ; littéralement des vertus. Voir Psaumes, 23, 10.]8 Car c’est à cause de vous que j’ai souffert l’opprobre, et que la confusion a couvert mon visage. 9 Je suis devenu un étranger pour mes frères, et un inconnu pour les fils de ma mère. 10 Car le zèle de votre maison m’a dévoré, et les outrages de ceux qui vous insultaient sont tombés sur moi. [68.10 Voir Jean, 2, 17 ; Romains, 15, 3.]11 J’ai affligé (couvert) mon âme par (dans) le jeûne, et l’on m’en a fait un sujet d’opprobre. [68.11 J’ai couvert, etc. Il y a probablement ici une ellipse ; et le sens de la phrase est : J’ai couvert mon âme d’un cilice pendant mon jeûne ; c’est-à-dire je me suis revêtu d’un cilice. Nous avons déjà fait observer plus d’une fois qu’en hébreu, comme en arabe, le mot âme s’employait souvent pour personne, individu. Quant à l’ellipse du mot cilice, elle paraîtra toute naturelle si on rapproche ces paroles de Psaumes, 34, 13 : « Et moi, pendant qu’ils me tourmentaient, j’étais revêtu d’un cilice. J’humiliais mon âme par le jeûne ; » et si l’on considère qu’on revêtait le cilice dans la pénitence aussi bien que dans le deuil et dans une extrême pauvreté. Enfin, le verset 12 suivant semble ne laisser aucun doute à cet égard. Les Septante portent à la lettre : J’ai courbé dans le jeûne mon âme ; et l’hébreu : J’ai pleuré dans le jeûne mon âme. Si l’on traduisait le verbe operui de la Vulgate par j’ai accablé, écrasé, sens qu’il a incontestablement dans les auteurs latins, on entrerait dans l’idée des traducteurs grecs : mais nous préférons notre interprétation, d’autant mieux que les Septante de l’édition de Complute, et la plupart des exemplaires grecs et latins, portent expressément : J’ai couvert.]12 J’ai pris pour vêtement un cilice, et je suis devenu leur fable (pour eux un proverbe). [68.12 Un proverbe de mépris, un sujet de raillerie. ― Un cilice, un sac, vêtement étroit, marque de deuil et de tristesse.]13 Ceux qui étaient assis à la porte (de la ville) parlaient contre moi, et ceux qui buvaient du vin me raillaient par leurs chansons. [68.13 Anciennement les lieux d’assemblées et les places publiques étaient à la porte des villes.]14 Mais (Pour) moi je vous adresse, Seigneur, ma prière. Voici le temps favorable (de votre bienveillance), ô Dieu. Selon la grandeur de votre miséricorde exaucez-moi, selon la vérité de (vos promesses de) (votre) salut. [68.14 La vérité de votre salut. Voir, pour le sens de cette expression, Psaumes, 39, 11.]15 Retirez-moi de la boue, afin que je n’y (demeure pas) enfonce(é) pas ; délivrez-moi de ceux qui me haïssent et (du fond) des eaux profondes. [68.15 Du fond des eaux ; c’est-à-dire de l’enfer. Comparer à Job, 26, 5.]16 Que les flots en fureur ne me submergent point ; que l’abîme ne m’engloutisse pas, et que le (qu’un) puits ne (re)ferme pas sa bouche sur moi. [68.16 Qu’une tempête d’eau. Comparer au verset 1.]17 Exaucez-moi, Seigneur, car votre miséricorde est toute suave ; regardez- moi selon l’abondance de vos bontés. 18 Et ne détournez pas votre visage de votre serviteur ; parce que je suis dans l’angoisse (tourmenté), exaucez-moi promptement. 19 Soyez attentif sur mon âme, et délivrez-la à cause de mes ennemis. 20 Vous connaissez mon opprobre, et ma confusion, et ma honte (retenue). 21 Tous ceux qui me persécutent sont devant vous ; mon cœur s’attend à (a attendu) l’insulte et (à) la misère. Et j’ai attendu (avec constance) que quelqu’un s’attristât avec moi, mais nul ne l’a fait ; et que quelqu’un me consolât, mais je n’ai trouvé personne. 22 Et ils m’ont donné du fiel pour nourriture, et dans ma soif ils m’ont abreuvé de vinaigre. [68.22 Voir Matthieu, 27, 48.]23 Que leur table soit devant eux comme un filet, un juste châtiment et une pierre de scandale (d’achoppement). [68.23 Voir Romains, 11, 9. ― Que leur table, etc. Voir, sur le vrai sens de cette imprécation et toutes les autres contenues dans ce psaume la fin des Observations préliminaires.]24 Que leurs yeux soient obscurcis, pour qu’ils cessent de voir, et courbez à jamais leur dos. [68.24 Tenez leur dos, etc. ; c’est-à-dire qu’ils soient accablés des fardeaux.]25 Déversez sur eux votre colère, et que la fureur de votre courroux les saisisse. 26 Que leur demeure devienne déserte, et qu’il n’y ait personne qui habite dans leurs tentes (tabernacles). [68.26 Voir Actes des Apôtres, 1, 20. ― Que leur habitation, etc. La ruine de Jérusalem a été l’accomplissement de cette prophétie.]27 Parce qu’ils ont persécuté celui que vous avez frappé, et qu’ils ont ajouté à la douleur de mes blessures. 28 Ajoutez l’iniquité à leur iniquité, et qu’ils n’entrent pas dans votre justice. [68.28 Mettez iniquité ; c’est-à-dire selon le style des écrivains sacrés, laissez les mettre, etc. ― Dans votre justice ; dans les voies de votre justice, de vos bonnes grâces.]29 Qu’ils soient effacés du livre des vivants, et qu’ils ne soient point inscrits avec les justes. 30 Pour moi, je suis pauvre et dans la douleur ; votre salut (secours), ô Dieu, m’a relevé (soutenu). 31 Je louerai le nom de Dieu par des (un) cantique(s), et je le glorifierai par des (ma) louange(s) ; 32 et ce sera plus agréable à Dieu que le jeune veau, à qui poussent les (ses) cornes et les (ses) ongles. [68.32 Qu’un jeune veau ; que le sacrifice d’un jeune veau.]33 Que les pauvres le voient et se réjouissent. Cherchez Dieu, et votre âme vivra ; 34 car le Seigneur a exaucé les pauvres, et il n’a pas méprisé ses captifs (ceux qui sont dans les liens). 35 Que les cieux et la terre le louent ; la mer, et tout ce qui s’y meut. 36 Car Dieu sauvera Sion, et les villes de Juda seront (re)bâties. Ils (Ses citoyens) y habiteront, et ils l’acquerront en héritage. [68.36 Cette prophétie s’explique littéralement du rétablissement de la Judée après la captivité de Babylone. Or, ce rétablissement était une figure de l’établissement de l’Eglise.]37 Et la race de ses serviteurs (de Dieu) la possédera, et ceux qui aiment son nom y habiteront.