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Bible de Jérusalem – Jean 7

4. LA FÊTE DES TENTES
  (LA GRANDE RÉVÉLATION MESSIANIQUE. LE GRAND REFUS).

Jésus monte à Jérusalem pour la fête et enseigne.

7 Après cela, Jésus parcourait la Galilée ; il n’avait pas pouvoirn de circuler en Judée, parce que les Juifs cherchaient à le tuer.

n Var. « il ne voulait pas ».

2 Or la fête juive des Tentes était proche.o

o La section 7.2-9 est hors de contexte, cf. déjà Bultmann. Elle suppose que Jésus n’a encore accompli aucun miracle à Jérusalem, ce qui est contredit par 2.23 et surtout 5.1s. Elle se concilie difficilement aussi avec 7.10. Primitivement, elle aurait pu se situer après le récit de 4.46s. Les « œuvres » du Christ le manifestent comme Messie, 5.36.

3 Ses frères lui dirent donc : « Passe d’ici en Judée, que tes disciples aussi voient les œuvres que tu fais : 4 on n’agit pas en secret, quand on veut être en vue. Puisque tu fais ces choses-là, manifeste-toi au monde. » 5 Pas même ses frères en effet ne croyaient en lui.

6 Jésus leur dit alors : « Mon temps n’est pas encore venu, tandis que le vôtre est toujours prêt. 7 Le monde ne peut pas vous haïr ; mais moi, il me hait, parce que je témoigne que ses œuvres sont mauvaises. 8 Vous, montez à la fête ; moi, je ne monte pas à cette fête, parce que mon temps n’est pas encore accompli. » 9 Cela dit, il resta en Galilée. 10 Mais quand ses frères furent montés à la fête, alors il monta lui aussi, pas au grand jour, mais en secret. 11 Les Juifs le cherchaient donc pendant la fête et disaient : « Où est-il ? » 12 On chuchotait beaucoup sur son compte dans les foules. Les uns disaient : « C’est un homme de bien. » D’autres disaient : « Non, il égare la foule. » 13 Pourtant personne ne s’exprimait ouvertement à son sujet par peur des Juifs.

14 On était déjà au milieu de la fête, lorsque Jésus monta au Temple et se mit à enseigner.p

p 7.14-52 est composé de morceaux différents, liés par un thème commun il y a équivoque sur l’origine de Jésus. 1° Son origine humaine voile son origine divine comment sait-il, n’ayant pas été à l’école des rabbins ? vv. 14-18 ; on connaît son enfance, il ne peut être le Christ, vv. 25-30. 2° On le croit né à Nazareth, il ne peut être le Christ, vv. 40-52. — Le thème du « départ » de Jésus, vv. 33-36, cf. 8.21-23, se relie à celui de l’origine divine le Christ-Homme s’en va là où il a toujours été (par sa divinité, cf. vv. 29 et 34). — Les vv. 19-23, conclusion de 5.1-16, sont hors de contexte.

15 Les Juifs, étonnés, disaient : « Comment connaît-il les lettres sans avoir étudié ? » 16 Jésus leur répondit :

« Ma doctrine n’est pas de moi,
mais de celui qui m’a envoyé.
17 Si quelqu’un veut faire sa volonté,
il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu
ou si je parle de moi-même.
18 Celui qui parle de lui-même
cherche sa propre gloire ;
mais celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé,
celui-là est véridique et il n’y a pas en lui d’imposture.
19 Moïse ne vous a-t-il pas donné la Loi ?
Et aucun de vous ne la pratique, la Loi !

Pourquoi cherchez-vous à me tuer ? »

20 La foule répondit : « Tu as un démon. Qui cherche à te tuer ? » 21 Jésus leur répondit : « Pour une seule œuvre que j’ai faite, vous voilà tous étonnés. 22 Moïse vous a donné la circoncision — non qu’elle vienne de Moïse mais des patriarches — et, le jour du sabbat, vous la pratiquez sur un homme. 23 Alors, un homme reçoit la circoncision, le jour du sabbat, pour que ne soit pas enfreinte la Loi de Moïse, et vous vous indignez contre moi parce que j’ai rendu la pleine santé à un hommeq le jour du sabbat ?

q Littéralement « j’ai rendu sain un homme tout entier ». L’adjectif hugiès , « sain », se trouve sept fois chez Jn, cf. 5.4, 6, 9, 11, 14, 15. Ici, le septième et dernier emploi est renforcé par l’adjectif « tout entier », pour souligner la perfection de la guérison apportée par Jésus, cf. 5.2 note d. Jésus emploie un raisonnement de type rabbinique, qal wahomer ou a fortiori si la circoncision, censée « guérir » un membre particulier, peut être pratiquée pendant le sabbat, à plus forte raison la guérison d’un « homme tout entier ».

24 Cessez de juger sur l’apparence ; jugez selon la justice. »

Discussions du peuple sur l’origine du Christ.

25 Certains, des gens de Jérusalem, disaient : « N’est-ce pas lui qu’ils cherchent à tuer ? 26 Et le voilà qui parle ouvertement sans qu’ils lui disent rien ! Est-ce que vraiment les autoritésr auraient reconnu qu’il est le Christ ?

r Var. « les grands prêtres » ou « les anciens » ou « ils ».

27 Mais lui, nous savons d’où il est, tandis que le Christ, à sa venue, personne ne saura d’où il est. »s

s On savait bien qu’il devait naître à Bethléem, cf. v. 42 ; Mt 2.5s, mais la croyance commune était qu’il devait demeurer caché en un lieu inconnu, cf. Mt 24.26, (certains disaient au ciel) jusqu’au jour de son avènement. Par son origine céleste, Jésus répond à cette croyance, mais à l’insu de ses interlocuteurs, cf. 1.31 et note.

28 Alors Jésus, enseignant dans le Temple, s’écria :

« Vous me connaissez
et vous savez d’où je suis ;
et pourtant ce n’est pas de moi-même que je suis venu,
mais celui qui m’a envoyé est véridique.
Vous, vous ne le connaissez pas.
29 Moi, je le connais,
parce que je viens d’auprès de lui
et c’est lui qui m’a envoyé. »

30 Ils cherchaient alors à le saisir,
mais personne ne porta la main sur lui, parce que son heure n’était pas encore venue.

Jésus annonce son prochain départ.

31 Dans la foule, beaucoup crurent en lui et disaient : « Le Christ, quand il viendra, fera-t-il plus de signes que n’en a fait celui-ci ? » 32 Ces rumeurs de la foule à
son sujet parvinrent aux oreilles des Pharisiens. Ils envoyèrent des gardes pour le saisir. 33 Jésus dit alors :

« Pour un peu de temps encore je suis avec vous,
et je m’en vais vers celui qui m’a envoyé.
34 Vous me chercherez, et ne me trouverez pas ;t
et où je suis,
vous ne pouvez pas venir. »

t Les Pharisiens incrédules sont les types de « l’anti-disciple », 1.39. Les autorités juives ayant laissé passer le temps favorable, ce sont les Grecs (= païens) qui recevront le salut, cf. v. 35 ; 12.20-21 ; 12.35-36.

35 Les Juifs se dirent entre eux : « Où va-t-il aller, que nous ne le trouverons pas ? Va-t-il rejoindre ceux qui sont dispersés chez les Grecs et enseigner les Grecs ? 36 Que signifie cette parole qu’il a dite :

« Vous me chercherez et ne me trouverez pas ;
et où je suis,
vous ne pouvez pas venir » ? »

La promesse de l’eau vive.

37 Le dernier jour de la fête,u le grand jour, Jésus, debout, s’écria :

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi,v
et il boira,w

u Le septième ou peut-être le huitième, jour de la fête de clôture.

v Om. « à moi ». — Jésus appelle à lui comme le fait la Sagesse, cf. Sg 6.35.

w Littéralement « qu’il boive ». semble user d’un procédé de syntaxe sémitique lorsque deux impératifs se suivent, le second peut avoir un sens consécutif, rendu en français par le futur. Même cas en 7.52, où « Scrute et vois » est rendu habituellement par « Scrute (les Écritures) ! Tu verras... ».

38 celui qui croit en moi ! »

selon le mot de l’Écriture :

De son seinx couleront des fleuves d’eau vive.y

x Le cadre littéraire (discussions sur l’identité et l’origine de Jésus, chap. 7-8) et liturgique (proclamation solennelle au « grand » jour de la fête) invite à comprendre qu’il s’agit du sein (« ventre », grec koilia comme en 3.4) de Jésus, Isa 55.1, cf. le parallèle en Ap 22.17. C’est ainsi que comprend la tradition la plus ancienne. Une autre tradition rattache « celui qui croit en moi » à la suite et l’interprète « du sein du croyant », cf. Isa 58.11 ; Pr 18.4, mais elle est moins fondée ici qu’en 4.14.

y La liturgie de la fête des Tentes comportait des prières pour la pluie, cf. Za 14.17, une commémoration rituelle du miracle de l’eau symbolisant le don de la Torah, Ex 17 et passim ; cf. 1 Co 10.4, et des lectures de prophéties annonçant la source qui devait régénérer Sion, Isa 12.3 ; Za 14.8 ; Ez 47.1s. La phrase citée ne correspond exactement à aucun verset des Écritures, mais on peut penser à un assemblage d’évocations « de son sein couleront des fleuves », cf. Ex 17.6 ; Ps 78.16, 20, et les targums correspondants ; « d’eau vive », cf. Za 14.8 « en ce jour-là, des eaux vives sortiront de Jérusalem ».

39 Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui ; car il n’y avait pas encore d’Esprit,z parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié.

z L’eau symbolise l’Esprit, et non plus la Parole, 4.14, comme dans Isa 44.3-4, cf. Ez 38.25-27. Mais, comme la Sagesse, c’est l’Esprit qui permet de connaître la volonté de Dieu, Sg 9.17-18.

Nouvelles discussions sur l’origine du Christ.

40 Dans la foule, plusieurs, qui avaient entendu ces paroles, disaient : « C’est vraiment lui le prophète ! » 41 D’autres disaient : « C’est le Christ ! » Mais d’autres disaient : « Est-ce de la Galilée que le Christ doit venir ? 42 L’Écriture n’a-t-elle pas dit que c’est de la descendance de David et de Bethléem,a le village où était David, que doit venir le Christ ? »

a Les foules pensaient que Jésus était originaire de Nazareth, en Galilée, 1.46.

43 Une scission se produisit donc dans la foule, à cause de lui. 44 Certains d’entre eux voulaient le saisir, mais personne ne porta sur lui les mains.

45 Les gardes revinrent donc trouver les grands prêtres et les Pharisiens. Ceux-ci leur dirent : « Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? » 46 Les gardes répondirent : « Jamais homme n’a parlé comme cela ! » 47 Les Pharisiens répliquèrent : « Vous aussi, vous êtes-vous laissé égarer ? 48 Est-il un des notables qui ait cru en lui ? ou un des Pharisiens ? 49 Mais cette foule qui ne connaît pas la Loi, ce sont des maudits ! » 50 Nicodème, l’un d’entre eux, celui qui était venu trouver Jésus précédemment, leur dit : 51 « Notre Loi juge-t-elle un homme sans d’abord l’entendre et savoir ce qu’il fait ? » 52 Ils lui répondirent : « Es-tu de la Galilée, toi aussi ? Étudie ! Tu verras que ce n’est pas de la Galilée que surgit le prophète. »

La femme adultère.b

53 Et ils s’en allèrent chacun chez soi.

b Cette péricope, 7.53—8.11, omise par les plus anciens témoins (mss, versions et Pères), déplacée par d’autres, au style de couleur synoptique, ne peut être de saint Jean lui-même. Elle pourrait être attribuée à saint Luc, cf. Lc 21.38. Sa canonicité, son caractère inspiré et sa valeur historique n’en sont pas moins hors de conteste.

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