Vigouroux – Psaumes 74
(Hébreu : 74).
Plainte et prière à Dieu au sujet de son peuple qui a été livré à ses ennemis, et du temple brûlé et souillé par ces mêmes ennemis. Le Psalmiste fait le récit des anciennes merveilles opérées par le Seigneur en faveur de son peuple ; il termine en demandant à Dieu de se souvenir de l’orgueil de ses ennemis et de les humilier.
73 Instruction (Intelligence) d’Asaph.
[73.1 Intelligence d’Asaph ou psaume didactique composé par Asaph. Comparer au titre du Psaume 49 (Hébreu : 50). ― Ce psaume est rapporté par un grand nombre de critiques contemporains à l’époque des Machabées, voir 1 Machabées, 4, vv. 38, 46 ; 9, 27 ; 14, 41 ; 2 Machabées, 1, 8b ; 8, vv. 1-4, 33 ; Psaumes, 73, vv. 3, 4b, 7, 8b, 9b. Mais comme le Psaume 78, il peut avoir été composé après la prise de Jérusalem et la ruine du temple de Salomon par Nabuchodonosor, voir 4 Rois, chapitre 24 ; 2 Paralipomènes, chapitre 36 ; Jérémie, chapitre 52.][73.1-8 Prière à Dieu pour qu’il n’abandonne pas toujours Jérusalem et son sanctuaire dévastés.]
Pourquoi, ô Dieu, nous avez-vous rejetés pour toujours ? pourquoi votre fureur s’est-elle allumée contre les brebis de votre pâturage ? 2 Souvenez-vous de votre famille (assemblée), que vous avez possédé dès le commencement. Vous avez racheté le sceptre de votre héritage : c’est le mont Sion, où vous avez habité. [73.2 Votre assemblée ; c’est-à-dire votre peuple. ― La verge de votre héritage ; c’est-à-dire simplement votre héritage. Plusieurs savants interprètes prétendent que les Hébreux se servaient de verges ou perches, aussi bien que de cordes, pour mesurer leurs terres.]3 Levez vos mains (à jamais) contre leur insolence (orgueil) (sans bornes). Que de forfaits l’ennemi a commis dans le (votre) sanctuaire ! 4 Ceux qui vous haïssent ont fait leur gloire de vous insulter (ont signalé leur orgueil) au milieu de votre solennité. Ils ont placé leurs étendards comme étendards (en grand nombre), [73.4 Leurs étendards en grand nombre ; littéralement leurs signes ou étendards, signes (signa eorum, signa). Nous avons déjà fait observer que la répétition d’un substantif au même cas indiquait souvent un grand nombre, une multitude ; la traduction ordinaire nous a paru défectueuse.][73.4-9 Peinture des dévastations commises dans le temple par les ennemis des Juifs qui sont les ennemis de Dieu (versets 4 à 6) ; ils ont fait cesser tout culte et il n’y a plus de miracles, plus de prophètes pour consoler Israël (versets 7 à 9).]5 et ils n’ont pas plus respecté le sommet que les issues (compris ce qu’ils faisaient). Comme dans une forêt d’arbres, à coups de hache (cognée), [73.5 Ce qu’ils faisaient, ou la sainteté du lieu. Il est évident que le verbe comprendre (cognoverunt) exige un complément semblable. ― Comme à la sortie ; c’est-à-dire comme aux portes, aussi bien que sur les portes. Les Chaldéens, après avoir pris la ville de Jérusalem, placèrent leurs étendards sur les portes comme des trophées de leurs victoires ; ils en firent autant sur les portes du temple. Pendant les quelques jours de pillage de la ville et du temple, et avant que Nabuzardan y eût fait mettre le feu, les soldats commirent les insolences, les profanations et les brutalités qui leurs sont reprochées ici. Voir 4 Rois, 25, verset 1 et suivants ; Jérémie, 52, verset 12 et suivants.]6 ils ont brisé les portes à l’envi. Avec la hache (à double tranchant) et la cognée ils (l’) ont (tout) renversé. [73.6 Ses portes. Le pronom ejus, amphibologique dans la Vulgate, étant au féminin dans les Septante, ne peut se rapporter qu’au mot Jérusalem sous-entendu. ― Ils l’ont renversée (dejecerunt eam) ; même observation à faire.]7 Ils ont mis le feu à votre sanctuaire ; ils ont renversé et profané (sur terre) le tabernacle de votre nom. [73.7 Voir 4 Rois, 25, 9. ― Ils ont souillé sur la terre ; c’est-à-dire en le renversant par terre.]8 Ils ont dit dans leur cœur, eux et toute leur bande : Faisons cesser dans le pays tous les jours de fête consacrés à Dieu. 9 Nous ne voyons plus nos étendards (signes) ; il n’y a plus de prophète, et on ne nous connaîtra plus. [73.9 Nos signes ; les prodiges qui nous ont été promis dans la loi et dont une partie a été opérée en faveur de nos pères. ― Il n’y a point de prophète. C’est la plainte des Juifs captifs à Babylone, dans leur désespoir ; plainte au fond exagérée, puisque Daniel était à Babylone. Il est vrai qu’il y prophétisa peu, et que ses principales prophéties lui furent révélées à Suse (voir Daniel, chapitres 7 à 11). Quant aux signes ou prodiges, s’ils ne virent pas à Babylone ces grands coups d’éclat, comme on en avait vu anciennement en Egypte et dans le désert, ils furent cependant témoins de la délivrance miraculeuse de Daniel et de ses compagnons, de la fournaise ardente (voir Daniel, 3, verset 20 et suivants) ; et de celle de Daniel, de la fosse aux lions (voir Daniel, 14, verset 30 et suivants) ; de la justification miraculeuse de la chaste Suzanne (voir Daniel, 13, verset 45 et suivants) ; de la métamorphose de Nabuchodonosor (voir Daniel, 4, verset 13 et suivants) ; enfin des derniers moments de Balthasar, roi des Chaldéens (voir Daniel, 5, verset 22 et suivants).]10 Jusques à quand, ô Dieu, l’ennemi insultera-t-il ? L’adversaire (Notre) outragera-t-il sans fin votre nom ? [73.10-11 Jusqu’à quand durera cet abandon du Seigneur ?]11 Pourquoi retirez-vous sans cesse (pour toujours) votre main et votre droite de votre sein ? 12 Cependant Dieu est notre roi depuis des siècles ; il a opéré notre (le) salut au milieu de la terre. [73.12 Voir Luc, 1, 68. ― Mais Dieu, etc. Les Pères l’entendent ordinairement de la rédemption du genre humain, opérée par Jésus-Christ, notre Dieu et notre roi, au milieu de la Judée.][73.12-14 Ce n’est pas la puissance qui manque à Dieu ; il a séparé la mer de la terre ferme, il brise la tête du crocodile.]13 C’est vous qui avez affermi la mer par votre puissance, qui avez brisé les têtes des dragons dans les eaux. [73.13 Les têtes des dragons, les grands animaux qui habitent les eaux du Nil et figurent le peuple et l’armée d’Egypte.]14 C’est vous qui avez écrasé les têtes (la tête) du dragon, qui l’avez donné en nourriture aux peuples d’Ethiopie. [73.14 La tête du dragon, de Léviathan, le crocodile, emblème du roi d’Egypte. ― Le roi d’Egypte est devenu la proie de l’Ethiopie.]15 C’est vous qui avez fait jaillir (de la pierre) des fontaines et des torrents, qui avez desséché les fleuves intarissables (d’Ethan). [73.15 Jaillir de la pierre. Comparer à Exode, 17, 6 ; Nombres, 20, verset 8 et suivants. ― Ethan, signifie, suivant les anciens hébraïsants, force ou antiquité, et, suivant les modernes, flux, écoulement perpétuel. Les Septante et la Vulgate en ont fait un nom propre de lieu. Il est certain qu’Ethan ou Etham, (car on lit l’un et l’autre) était un lieu où les Israélites firent leur troisième station après leur sortie d’Egypte, et qui était situé à l’extrémité du désert. Voir Exode, 13, 20 ; Nombres, 33, 6.][73.15-17 Dieu est le créateur des rivières, du jour, des astres, des saisons.]16 A vous est le jour, et à vous est la nuit ; c’est vous qui avez créé (formé) l’aurore et le soleil. 17 C’est vous qui avez établi toutes les limites de la terre, vous qui avez formé (créé) l’été et le printemps. [73.17 Toutes les limites ; c’est-à-dire toute l’étendue.]18 Souvenez-vous-en : l’ennemi a outragé le Seigneur, et un peuple insensé a irrité votre nom. [73.18-23 Que Dieu ne laisse donc plus insulter son nom ! qu’il ait pitié de son peuple, avec qui il a fait alliance ! (versets 18 à 20) ; versets 21 à 23 : répétition de la même pensée en d’autres termes.]19 Ne livrez pas aux bêtes (féroces) les (des) âmes qui vous louent, et n’oubliez pas pour toujours les âmes de vos pauvres. 20 Ayez égard à (Jetez les yeux sur) votre alliance, car les lieux sombres du pays sont remplis (parce ceux qui sont avilis sur la terre ont été comblés) de repaires d’iniquité. [73.20 Ces hommes avilis sur la terre, dont parle le Psalmiste, sont probablement les Chaldéens ou les Iduméens et les Samaritains. ― Ont été comblés ; etc. ; c’est-à-dire se sont emparés injustement des maisons des Hébreux pendant leur captivité.]21 Que l’humble (celui qui est dans l’humiliation) ne s’en retourne pas couvert de confusion ; le pauvre et l’indigent loueront votre nom. 22 Levez-vous, ô Dieu, jugez votre cause ; souvenez-vous des outrages qui vous viennent tout le jour de l’insensé. 23 N’oubliez pas les clameurs de vos ennemis. L’orgueil de ceux qui vous haïssent monte toujours.