Vigouroux – 1 Maccabées 8
Judas Machabée, ayant connu les Romains par la renommée, envoie des messagers à Rome pour faire alliance avec eux. Formule et conditions de cette alliance.
8 Judas apprit alors le nom des Romains, et il sut qu’ils étaient puissants en forces (très puissants, note), qu’ils acquiesçaient à tout ce qu’on leur demandait, qu’ils avaient fait amitié avec tous ceux qui s’étaient approchés d’eux, et qu’ils étaient puissants en forces (très puissants). [8.1 Judas apprit, etc. ; littéralement, Judas apprit le nom des Romains, qu’ils étaient, etc. ; genre de construction hébraïque, dont la Bible fournit de nombreux exemples. ― Très puissants ; littéralement, et par hébraïsme, puissants en forces.]2 On (Les Juifs) appri(ren)t aussi leurs combats et les grandes actions qu’ils avaient accomplies dans la Galatie, et comment ils s’en étaient rendus maîtres et l’avaient rendue tributaire ; [8.2 Les Juifs ; est évidemment le sujet sous-entendu du verbe pluriel apprirent (audierunt). ― La Galatie se prenant aussi en grec pour la Gaule, les uns expliquent ceci d’une partie de la Galatie qui était soumise aux Romains, et les autres, des Gaulois de la Narbonnaise, qui étaient alors tributaires des Romains. Il est certain que l’an 189 avant Jésus-Christ, les Romains, sous la conduite du consul Manlius Vulso, vainquirent les Galates, peuples de l’Asie Mineure, dans deux combats.]3 et tout ce qu’ils avaient fait dans le pays d’Espagne, et qu’ils avaient réduit en leur puissance les mines d’or et d’argent qui s’y trouvait, et avaient conquis toute la contrée par leur sagesse (conseil) et leur patience ; [8.3 D’Espagne. Les Phéniciens avaient longtemps tiré d’Espagne des métaux précieux. Les Romains tenaient aussi particulièrement à la possession de ce pays à cause de ses mines. Il fut une des causes principales de la seconde guerre punique, et abandonné formellement aux Romains par les Carthaginois après la bataille de Zama en 201.]4 qu’ils s’étaient assujetti des régions très éloignées d’eux, et des rois qui avaient marché contre eux des extrémités de la terre, et qu’ils les avaient frappés d’une grande plaie, et que les autres leur payaient (un) tribut tous les ans ; [8.4 Les rois qui étaient venus contre eux des extrémités de la terre, les rois qui régnaient en Espagne et aussi les généraux carthaginois, à qui les anciens donnaient souvent le titre de roi.]5 qu’ils avaient vaincu à la guerre Philippe, et Persée, roi des Cétéens, et les autres qui avaient pris les armes contre eux, et qu’ils les avaient soumis ; [8.5 Céthéens ou Macédoniens. Comparer à 1 Machabées, 1, 1. ― Philippe III, roi de Macédoine, fils de Démétrius II (221-179) fut complètement battu, après une guerre de plusieurs années à Cynocéphale en 197 et obligé de signer une paix humiliante. ― Persée, son fils naturel et son successeur, dernier roi de Macédoine (179-168) fut battu en 168 à Pydna, par Paul-Emile, et conduit en triomphe à Rome, où il mourut en prison vingt ans après. ― Tous les autres, qui avaient fourni des troupes à Persée, les Epirotes, les Thessaliens, les Thraces, les Illyriens.]6 qu’Antiochus le Grand, roi d’Asie, qui les avait attaqués avec cent vingt éléphants, de la cavalerie, des chars et une très grande armée, avait été écrasé (défait) par eux ; [8.6 D’Asie. Ce nom désigne dans l’Ecriture tout ou partie de l’Asie Mineure. ― Antiochus III le Grand portait le titre de roi d’Asie comme souverain de la Syrie et d’une grande partie de l’Asie Mineure. Après plusieurs combats, il fut complètement défait par les Romains à la bataille de Magnésie (189) et il dut céder à ses vainqueurs, qui les donnèrent à Eumène II, roi de Pergame, ses possessions à l’ouest du Taurus, la Mysie, la Lydie et la Phrygie.]7 qu’ils l’avaient pris vif et l’avaient obligé, lui et ceux qui régneraient après lui, de payer un grand tribut, et de donner des otages et ce dont ils étaient convenus, [8.7 Un grand tribut, quinze mille talents eubéens (ou plus de quatre-vingt trois millions). Cinq cent talents devaient être payés à la conclusion des négociations ; deux mille cinq cents à la ratification de la paix, et les douze mille restants pendant les douze années suivantes, mais les paiements ne furent pas faits régulièrement, de sorte qu’Antiochus Epiphane avait encore à payer les arrérages en 173, au rapport de Tite-Live. ― Qu’il donnerait des otages. Antiochus Epiphane fut un des ces otages. Voir plus haut, 1 Machabées, 8, 7.]8 et le pays des Indiens, des Mèdes et des Lydiens, les plus belles de leurs provinces, et qu’ils les avaient données au roi Eumène, après les avoir reçues ; [8.8 Comme du temps de Judas Machabée les Romains n’avaient porté leurs armes ni dans les Indes, ni dans la Médie, quelques interprètes pensent qu’on doit lire Ioniens, au lieu d’Indiens, et Mysiens, au lieu de Mèdes ; mais il faut remarquer que, pour la vérité de l’histoire, il suffit que les Juifs l’eussent ainsi entendu dire. ― Eumène II, roi de Pergame (197-159), fils et successeur d’Attale Ier, avait hérité de son père la faveur et l’alliance des Romains. Ceux-ci le récompensèrent des services qu’il leur avait rendus et de la part qu’il avait prise à la victoire de Magnésie, en commandant son contingent de troupes en personne, par le don de plusieurs provinces enlevées à Antiochus le Grand. Voir le verset 6.]9 que ceux de la Grèce avaient voulu marcher contre eux pour les perdre, mais que ce projet leur fut connu, [8.9-10 Ce qui est dit des événements de Grèce est vague, sans doute parce que la renommée n’avait rien faire connaître de bien précis en Palestine sur ce qui s’était passé en Grèce. L’auteur sacré rapporte simplement les bruits qui étaient arrivés aux oreilles de Judas Machabée. Ils contiennent une allusion à l’alliance que les Etoliens avaient cherché à nouer avec Antiochus III le Grand.][8.9 La chose ; littéralement, la parole. Comparer à 1 Machabées, 6, 3.]10 et qu’ils avaient envoyé contre eux un seul de leurs chefs, qu’ils avaient combattu contre eux et avaient tué un grand nombre, qu’ils avaient emmené leurs femmes et leurs enfants captifs, qu’ils les avaient pillés, et avaient assujetti leur pays, et détruit leurs murailles, et qu’ils les avaient réduits en servitude, comme ils sont encore aujourd’hui ; 11 qu’ils avaient ruiné et soumis à leur empire les autres royaumes, et les îles qui leur avaient autrefois résisté ; [8.11 Le reste des royaumes et les îles, la Sicile, la Sardaigne et les îles grecques de l’Archipel.]12 mais qu’ils conservaient les alliances faites avec leurs amis, et avec ceux qui s’étaient donnés à eux ; qu’ils avaient conquis des royaumes voisins et éloignés, parce que tous ceux qui entendaient leur nom les redoutaient ; [8.12-16 Il y a ici plusieurs bruits qui ne sont vrais que grosso modo, mais c’étaient les bruits qui couraient en Palestine. Ainsi le sénat ne s’assemblait pas tous les jours, mais seulement aux calendes, aux nones, aux ides et aux fêtes. Depuis Tarquin l’ancien jusqu’en 123 avant Jésus-Christ, il ne compta que 300 membres. Pour avoir le chiffre de 320, il faut y ajouter les dix tribuns, les quatre édiles, les deux questeurs, les deux prêteurs et les deux consuls. ― Il n’y avait pas qu’un seul consul, mais les traités d’alliance portaient le nom du président du sénat (avec celui de l’ambassadeur).]13 que ceux qu’ils voulaient faire (secourir pour) régner régnaient, et qu’ils dépossédaient du royaume ceux qu’ils voulaient, et qu’ils étaient élevés très haut ; 14 et que malgré tout cela, nul d’entre eux ne portait le diadème et ne se revêtait de la pourpre, pour paraître plus grand par là ; 15 et qu’ils avaient établi un sénat parmi eux, et qu’ils consultaient tous les jours les trois cent vingt sénateurs, qui tenaient toujours conseil sur les affaires de la multitude, afin d’agir dignement ; 16 et qu’il confiaient chaque année leur magistrature à un seul homme, pour dominer sur tout leur territoire ; et que tous obéissaient à un seul, sans qu’il y eût d’envie ni de jalousie parmi eux. 17 Judas choisit Eupolémus, fils de Jean, fils de Jacob, et Jason, fils d’Eléazar ; et il les envoya à Rome pour contracter amitié et alliance avec eux, [8.17 Eupolémus, fils de Jean. Ce Jean avait obtenu des rois de Syrie de grands avantages pour les Juifs, voir 2 Machabées, 4, 11. Il était de race sacerdotale. ― Jason, fils d’Eléazar, était probablement aussi de race sacerdotale, mais on ne connaît de lui que ce qui en est dit ici. Voir plus loin, 1 Machabées, 12, 16.]18 et pour qu’ils les délivrassent du joug des Grecs, car ils (les Juifs) voyaient qu’ils réduisaient en servitude le royaume d’Israël. [8.18 Les Juifs virent (viderunt). Comparer au verset 2. Du joug des Grecs, des rois de Syrie, qui étaient d’origine grecque.]19 Ils partirent pour Rome, par un très long chemin ; et ils entrèrent au Sénat, et dirent : [8.19 Ils firent, etc. ; littéralement, ils allèrent à Rome, voie très grande.]20 Judas Machabée, et ses frères, et le peuple des Juifs, nous ont envoyés vers vous pour faire avec vous alliance et paix, et pour que vous nous inscriviez parmi vos alliés et vos amis. 21 Cette proposition leur plut. 22 Et voici le rescrit qu’ils gravèrent sur des tables d’airain, et qu’ils envoyèrent à Jérusalem, pour qu’il demeurât chez eux comme un monument de paix et d’alliance : 23 Que les Romains et la nation des Juifs soient comblés de biens à jamais sur mer et sur terre, et que l’épée et l’ennemi s’éloignent d’eux ! 24 S’il survient une guerre aux Romains d’abord ou à (quelqu’un de) tous leurs alliés, dans toute leur domination, 25 la nation des Juifs leur portera secours de plein cœur, selon que le temps le permettra ; 26 et ils (les Romains) ne donneront et ne fourniront aux combattants ni blé, ni armes, ni argent, ni vaisseaux, ainsi qu’il a plu aux Romains ; et ils observeront leurs ordres, sans rien recevoir d’eux. 27 Et de même, s’il survient d’abord une guerre au peuple juif, les Romains les aideront de tout cœur, selon que le temps le leur permettra ; 28 et les Juifs ne fourniront aux troupes auxiliaires ni blé, ni armes, ni argent, ni vaisseaux, car c’est ainsi qu’il a plu aux Romains ; et ils observeront leurs ordres sincèrement. 29 C’est là l’accord que les Romains font avec les Juifs. 30 Que si par la suite les uns ou les autres veulent enlever ou ajouter quelque chose à ces détails, ils le feront de concert ; et tout ce qu’ils ajouteront ou enlèveront, sera ratifié. 31 Et quant aux maux que le roi Démétrius a faits aux Juifs, nous lui avons écrit en ces termes : Pourquoi as-tu (avez-vous) fait peser ton (votre) joug sur nos amis et nos alliés, les Juifs ? 32 Si donc ils s’adressent à nous de nouveau, nous leur ferons justice contre toi (vous), et nous combattrons contre toi (vous) sur mer et sur terre.