8 La troisième année du roi Baltassar, une vision m'apparut. Moi, Daniel, après ce que j'avais vu au commencement,
2 J'eus cette vision lorsque j'étais au palais de Suse*, dans la région d'Élam, près de la porte d'Ulaï.
Suse, sur les bords de l'Ulaï, était la résidence des rois de Perse pendant l'hiver. Daniel y était-il réellement occupé aux affaires de l'État, ou bien n'y fut-il qu'en extase ? c'est sur quoi les interprètes ne sont pas d'accord ; le texte primitif est susceptible de l'une et de l'autre interprétation.
3 Je levai les yeux, je regardai, et voilà qu'un bélier se tenait devant un marais, ayant des cornes très hautes, l'une plus élevée que l'autre, et qui croissait peu à peu*.
Ce bélier figure l'empire des Perses et des Mèdes. (Vers. 20.) Ses deux cornes marquent les deux puissances qui composaient ce grand État, et celle des deux qui était plus grande que l'autre, et qui croissait peu à peu, désigne les Perses, dont le roi Cyrus s'agrandit beaucoup par les conquêtes qu'il fit en différents temps.
4 Ensuite je vis ce bélier qui frappait de ses cornes contre l'occident, contre l'aquilon et contre le midi ; aucune bête ne pouvait lui résister, ni se soustraire à sa puissance ; et il fit selon sa volonté, et devint puissant.
5 J'étais attentif, et voici qu'un bouc venait de l'occident sur la face de la terre, sans la toucher, et il avait une corne très grande entre les yeux.
6 Il vint jusqu'au bélier à deux cornes que j'avais vu devant la porte, et, s'élançant, il courut sur lui de toute sa force.
7 Lorsqu'il fut près du bélier, il l'attaqua avec furie, le frappa, et brisa ses deux cornes, sans que le bélier pût lui résister ; il le jeta à terre, le foula aux pieds, et personne ne put arracher le bélier à sa puissance*.
Figure d'Alexandre le Grand, qui détruisit d'une manière si impétueuse et si rapide l'empire des Mèdes et des Perses. Cette prophétie était si claire, que deux cents ans après, le grand prêtre, en parlant à Alexandre lui-même, lui en fit voir l'accomplissement en sa personne. (Voy. JOSEPH. Antiquit., lib. XI, cap. VIII.)
8 Alors le bouc devint extrêmement grand ; et quand il eut acquis beaucoup de force, sa grande corne se rompit, et il s'éleva quatre cornes au-dessous vers les quatre vents du ciel*.
Alexandre mourut à la fleur de l'âge, et son empire fut partagé par ses officiers et divisé en quatre royaumes.
9 Et de l'une d'elles* sortit une petite corne qui s'agrandit vers le midi, vers l'orient, et vers la région de gloire,
Du royaume de Syrie sortit Antiochus Épiphane, qui fit surtout la guerre à l'Égypte au midi, à la Perse à l'orient, et à la Judée.
10 Monta jusqu'aux armées du ciel, fit tomber les plus forts, et une partie des étoiles, et les foula aux pieds.
11 Elle s'éleva jusqu'au Prince des forts*, lui ravit le sacrifice perpétuel, et déshonora son sanctuaire.
Antiochus déclara la guerre à Dieu même, en plaçant dans le temple la statue de Jupiter Olympien, et en forçant les Juifs à l'adorer. (II Machab., VI, 2.)
12 La puissance lui fut donnée contre le sacrifice perpétuel, à cause des péchés ; elle renversera la vérité sur la terre ; elle agira et prospérera.
13 Alors j'entendis un des saints qui parlait, et disait à un autre que je ne connais point : Jusqu'à quand durera la vision, l'interruption du sacrifice perpétuel, et le péché qui causera cette désolation ? Jusqu'à quand le sanctuaire et le pouvoir de Dieu seront-ils foulés aux pieds ?
14 Et il lui dit : Jusqu'au soir et au matin, il se passera deux mille trois cents jours, et après cela le sanctuaire sera purifié.
15 Or, tandis que moi Daniel j'avais cette vision, et que j'en cherchais l'intelligence, voici qu'il se présenta devant moi comme une figure d'homme.
16 Et j'entendis dans Ulaï la voix d'un homme qui cria et dit : Gabriel, faites-lui comprendre cette vision.
17 En même temps Gabriel vint et se tint près du lieu où j'étais ; et lorsqu'il fut venu, tremblant je tombai sur le visage et il me dit : Comprends, fils de l'homme, parce que la vision s'accomplira au temps de la fin.
18 Et, comme il me parlait, je tombai le visage contre terre. Alors il me toucha, me fit tenir debout sur mes pieds,
19 Et me dit : Je te ferai voir ce qui doit arriver au dernier jour de la malédiction, car le temps en est marqué.
20 Le bélier à deux cornes que tu as vu est le roi des Perses et des Mèdes.
21 Le bouc est le roi des Grecs, et la grande corne qu'il avait entre les yeux, c'est le premier roi.
22 Les quatre cornes qui se sont élevées après que la première a été rompue, sont quatre rois qui s'élèveront de sa nation, mais non avec sa puissance*.
Le premier roi est Alexandre le Grand. Les quatre rois qui lui succèdent sont : Philippe, Antigone, Ptolémée et Séleucus.
23 Et après leur règne, lorsque les iniquités se seront accrues, il s'élèvera un roi au front impudent et d'un esprit subtil.
24 Sa puissance s'affermira, mais non par sa propre vertu ; il fera un incroyable ravage ; il prospérera et poursuivra ses exploits. Il fera mourir les forts et le peuple des saints
25 Selon sa volonté ; il conduira avec succès ses artifices et ses ruses ; il se glorifiera dans son cœur au milieu de ses prospérités ; il en fera mourir plusieurs ; il s'élèvera contre le Prince des princes, et il sera brisé sans le secours d'aucune main*.
C'est-à-dire, il périra misérablement par un coup visible de la main de Dieu, qui ne se servira d'aucun homme pour l'humilier. On peut voir la triste fin d'Antiochus Épiphane, II Machab., ch. IX.
26 Cette vision du soir et du matin qui t'a été représentée est véritable. Toi donc, scelle la vision* ; car elle ne s'accomplira qu'après bien des jours.
Écrit la pour la postérité, mais cachette-la comme une chose dont l'intelligence n'est point pour le temps présent. (THÉODORET.)
27 Et moi, Daniel, je fus languissant et malade pendant quelques jours ; et, m'étant levé, je travaillais aux affaires du roi ; et j'étais dans l'étonnement à cause de cette vision, et il n'y avait personne qui pût l'interpréter.