Vigouroux – Daniel 8
Vision d’un bélier à deux cornes, et d’un bouc qui n’en a qu’une. Cette corne unique se rompt, mais il s’en forme quatre à sa place. Explication de cette vision par l’ange Gabriel. Roi imprudent, ses efforts, ses victoires, sa chute, sa perte.
8 La troisième année du règne du roi Baltassar, j’eus une vision. Moi, Daniel, après ce que j’avais vu au commencement, [8 Ce chapitre et les suivants jusqu’au 12e inclusivement sont écrits en hébreu.][8.1-27 2° Prophétie de la persécution d’Antiochus Epiphane, chapitre 8. ― La seconde vision développe une partie de la première. La troisième année du règne de Baltassar, Daniel vit l’empire médo-perse sous la figure d’un bélier, et l’empire grec sous celle d’un bouc à une corne. Le bouc triomphe du bélier et grandit ; alors sa corne unique se brise et il lui en pousse quatre autres à sa place ; de l’une d’elles en sort une cinquième qui s’élève jusqu’au ciel et opprime le peuple des saints pendant 2300 jours. ― La première corne du bouc est Alexandre le grand qui ruine l’empire perse ; les quatre cornes sont les quatre royaumes qui se forment des débris de son empire : celui de Macédoine, à l’ouest ; de Syrie, à l’est ; d’Egypte, au sud et de Thrace, au nord. La cinquième corne, qui fait cesser le sacrifice perpétuel, est Antiochus Epiphane. Les 2300 jours font six ans et demi, en années lunaires. On peut les compter depuis l’an 143 de l’ère des Séleucides, auquel Antiochus se rendit maître de Jérusalem, voir 1 Machabées, 1, 21 ; jusqu’à l’an 149, qui est celui de sa mort, voir 1 Machabées, 6, 16.][8.1 Au commencement du règne de Baltassar.]2 je vis dans ma vision, lorsque j’étais au château de Suse, qui est au pays d’Elam ; je vis donc dans cette vision que j’étais à (sur) la porte de l’Ulaï. [8.2 Elam ; province de Perse, appelée aussi Elymaïde. ― Sur la porte ; sur le bord, près de. ― Ulaï ; fleuve qui séparait la Susiane de l’Elymaïde ; c’est l’Eulée des géographes. ― Suse ; capitale de la Susiane, sur l’Ulaï, une des résidences des rois de Perse.]3 Je levai les yeux et je vis ; et voici qu’un bélier se tenait devant le marais ; il avait des cornes élevées, et l’une était plus haute que l’autre et croissait peu à peu. Après cela [8.3 Un bélier. Ce bélier représente l’empire des Perses et des Mèdes (voir verset 20). La corne la plus élevée signifie la puissance des Perses, supérieure à celle des Mèdes, figurée par la corne moins élevée.]4 je vis que ce bélier donnait des coups de corne contre l’occident, contre l’aquilon et contre le midi ; et toutes les (aucune) bête(s) ne pouvai(en)t lui résister, ni se délivrer de sa main ; il fit ce qu’il voulut, et il devint (très) puissant. [8.4 Et il devint très puissant. Les rois de Perse étendirent en effet de proche en proche leurs conquêtes, sans trouver de résistance.]5 Et j’étais attentif ; et voici qu’un bouc (de chèvres, note) venait de l’occident sur la face de toute la terre, sans toucher la terre ; or ce bouc avait une grande corne (remarquable) entre les yeux. [8.5 Bouc de chèvres. Voir sur la valeur de cette expression, Ezéchiel, 43, 22. Ce bouc représente la monarchie des Grecs ; la corne, le premier de leurs rois, Alexandre le Grand (voir verset 21) ; la rapidité de la course de ce bouc, la rapidité des conquêtes de ce prince.]6 Il vint jusqu’à ce bélier qui avait des cornes, et que j’avais vu se tenir devant la porte ; et il courut sur lui avec l’impétuosité de sa force. 7 Lorsqu’il se fut approché du bélier, il l’attaqua avec furie et le frappa, et il lui brisa les deux cornes, sans que le bélier pût lui résister ; et l’ayant jeté par terre, il le foula aux pieds, et personne ne pouvait délivrer le bélier de sa main. 8 Or le bouc (des chèvres) devint extraordinairement grand, et, lorsqu’il eut crû, sa grande corne se rompit, et quatre cornes poussaient au-dessous, vers les quatre vents du ciel. [8.8 Quatre cornes, etc. Voir Daniel, 7, 6.]9 Mais de l’une d’elles il sortit une petite corne qui s’agrandit vers le midi, vers l’orient et vers la force. [8.9 Une petite corne ; c’est Antiochus Epiphane, au commencement sans puissance. Vers la force (contra fortitudinem) ; c’est aussi le sens de la version grecque ; mais l’hébreu porte, vers la beauté ; c’est-à-dire vers la terre de la beauté, nom par lequel les prophètes désignent fréquemment la Judée (voir Daniel, 11, vv. 16, 41 ; Jérémie, 3, 19 ; Ezéchiel, 20, vv. 6, 15).]10 Et elle s’éleva jusqu’à la puissance (force) du ciel, et elle fit tomber (une partie) des forts et des étoiles, et elle les foula aux pieds. [8.10 La force du ciel ; selon la Vulgate et le grec ; mais suivant l’hébreu, l’armée du ciel. Par cette force ou armée du ciel, on entend le peuple du Seigneur persécuté ; et par les étoiles renversées, soit les Juifs qui moururent courageusement dans la persécution, soit ceux qui renoncèrent à leur religion pour obéir aux ordres du tyran (voir 1 Machabées, 1, vv. 48, 51 et suivants ; 2 Machabées, 4, verset 14 et suivants). Les étoiles et les astres en général sont très souvent mis dans l’Ecriture pour désigner les saints, les justes et les savants. ― Dans les trois versets suivants, l’hébreu porte également armée, au lieu de force.]11 Elle s’éleva jusqu’au prince de la force, et lui enleva le sacrifice perpétuel, et renversa le lieu de son sanctuaire (sa sanctification). [8.11 Prince de la force ; c’est-à-dire Dieu lui-même. ― Le lieu de sa sanctification ; de sa consécration, qu’il s’était consacré, son sanctuaire, son temple. Voir Psaumes, 77, 54.]12 La puissance lui fut donnée contre le sacrifice perpétuel à cause des péchés, et la vérité sera renversée sur la terre, et il agira et il réussira. 13 Alors j’entendis un des saints qui parlait ; et un saint dit à un autre, je ne sais lequel, qui lui parlait : Jusques à quand durera la vision, et le sacrifice perpétuel, et le péché de désolation ? Jusques à quand le sanctuaire et la force seront-ils foulés aux pieds ? 14 Et il lui dit : Jusques au soir et au matin, deux mille trois cents jours, et le sanctuaire sera purifié. [8.14 Jusqu’à un soir, etc. ; c’est-à-dire, jusqu’à deux mille trois cents jours composés d’un soir et un matin. Chez les Hébreux, le jour commençait le soir (voir Genèse, 1, vv. 5, 8, etc.). Ces deux mille trois cents jours font six ans et demi selon le calcul des années lunaires de trois cent cinquante-quatre ou trois cent cinquante-cinq jours, et peuvent se compter depuis l’an 143 des Grecs, auquel Antiochus marcha contre Israël et se rendit maître de Jérusalem (voir 1 Machabées, 1, 21), jusqu’à l’année 149, qui est celle de la mort de ce prince (voir 1 Machabées, 6, 16). ― Le sanctuaire sera purifié ; il le fut après la défaite de Lysias, le vingt-cinquième jour du neuvième mois de l’an 148 du règne des Grecs (voir 1 Machabées, 4, 52).]15 Or, tandis que moi, Daniel, j’avais cette vision et que j’en cherchais l’intelligence, voici qu’il se tint devant moi comme une figure d’homme. 16 Et j’entendis la voix d’un homme au milieu de (entre) l’Ulaï ; et il cria et dit : Gabriel, fais(-lui) comprendre cette vision. [8.16 Entre l’Ulaï. Voir le verset 2. ― Gabriel. C’est l’ange de ce nom sous la forme d’un homme.]17 Et il vint et se tint près du lieu où j’étais ; et lorsqu’il fut venu, effrayé je tombai le visage contre terre ; et il me dit : Comprends, fils de (d’un) l’homme, car la vision s’accomplira au temps de la fin. 18 Et, comme il me parlait, je tombai le visage contre terre ; et il me toucha et me replaça debout, 19 puis il me dit : Je te montrerai ce qui doit arriver à la fin de la malédiction, car le temps s’accomplira (a sa fin). [8.19 Le temps a sa fin ; le temps de ces visions s’accomplira enfin.]20 Le bélier que tu as vu, et qui avait des cornes, est le roi des Mèdes et des Perses. 21 (Mais) Le bouc (des chèvres) est le roi des Grecs, et la grande corne qui était entre ses yeux est le premier roi. [8.21 Le bouc des chèvres. Voir Ezéchiel, 43, 22.]22 Les quatre cornes qui se sont élevées après que la première a été rompue sont quatre rois qui s’élèveront de sa nation, mais non avec sa force ; 23 et après leur règne, lorsque les iniquités se seront accrues, il s’élèvera un roi au visage impudent et qui comprendra les énigmes (choses cachées). [8.23 Les choses cachées (propositiones). Voir Psaumes, 77, 2.]24 Sa puissance s’accroîtra, mais non par ses propres forces, et il ravagera tout au-delà de ce que l’on peut croire ; et il réussira et agira. Il fera mourir les (des) forts et le (un) peuple de(s) saints, [8.24 Un peuple de saints ; le peuple consacré au Seigneur, les Juifs, qui souffriront une persécution sanglante sous le règne d’Antiochus II (voir 1 Machabées, 1, verset 53 et suivants).]25 selon sa volonté ; sa main dirigera la ruse (fraude) et son cœur deviendra arrogant, et, dans l’abondance des prospérités, il fera mourir beaucoup d’hommes ; il s’élèvera contre le prince des princes, puis il sera brisé sans la main des (d’aucun) homme(s). [8.25 Et sans la main, etc. Voir 2 Machabées, chapitre 9, la fin d’Antiochus.]26 Cette vision du soir et du matin dont il s’agit est véritable ; scelle donc cette vision, car elle n’arrivera qu’après des jours nombreux. [8.26 Et la vision du soir et du matin ; c’est-à-dire dans laquelle a été montré ce qui doit arriver dans un certain nombre de jours ordinaires composés de la nuit et du jour. ― Scelle, la vision. Les prophètes avaient accoutumé de publier leurs prophéties, surtout celles qui devaient bientôt s’accomplir, mais l’ange ordonna à Daniel de garder celle-ci, et de la tenir fermée avec un sceau. Voir Daniel 12, 4.]27 Et moi, Daniel, je fus longuement malade pendant plusieurs jours ; et quand je me levai, je travaillais aux affaires du roi, et j’étais étonné (dans la stupeur au sujet) de la vision, et il n’y avait personne pour l’interpréter. [8.27 Pour suivre l’ordre de temps, il faut placer à la suite de verset les chapitres 5 et 6.]