Amiot-Tamisier – Jean 8
LA FEMME ADULTÈRE ♦ SUITE DE L'ENTRETIEN LORS DE LA FÊTE DES TABERNACLES
8 Jésus, lui, s'en alla au mont des Oliviers. [1-11. L'épisode de la femme adultère, une des perles de l'Évangile, manque dans plusieurs manuscrits anciens et semble avoir été ignoré de certains Pères. D'autres manuscrits le placent à la fin de l'Évangile de saint Jean ou l'insèrent entre les chapitres XXI et XXII de saint Luc. Il appartient certainement à la tradition évangélique la plus authentique, et son caractère inspiré ne saurait faire de doute, car il paraît avoir été spécialement visé par la définition du Concile de Trente sur la canonicité de toutes les parties de l'Écriture. Il est moins sûr qu'il faille l'attribuer à saint Jean, car il est plutôt dans la manière des Synoptiques.] 2 Mais dès le matin il reparut au Temple, et tout le peuple venait à lui. Et s'étant assis, il les instruisait. 3 Or, les scribes et les pharisiens lui amènent une femme surprise en adultère, et la plaçant devant tout le monde, 4 ils lui disent : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère ; or, dans la Loi, 5 Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et vous, qu'en dites-vous ? [5. Voir Lévitique XX, 10 ; Deutéronome XXII, 23 suiv.] 6 Ils disaient cela pour l'embarrasser, afin d'avoir sujet de l'accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à écrire avec le doigt sur le sol. [6. Jésus refuse de répondre et trace du doigt de vagues caractères sur les dalles de l'esplanade.] 7 Comme ils persistaient à l'interroger, il se redressa et leur dit : Que celui d'entre vous qui est sans péché lui jette le premier la pierre ! 8 Et se baissant de nouveau, il se remit à écrire sur le sol. 9 Mais eux, à ces paroles, s'en allèrent l'un après l'autre, à commencer par les plus âgés. Et Jésus resta seul avec la femme, [toujours] debout [devant lui]. [9. Les accusateurs se retirent l'un après l'autre, craignant sans doute que Jésus ne fasse connaître leurs fautes cachées.] 10 Se redressant, il lui dit : Femme, où sont-ils ? Personne ne t'a condamnée ? 11 Personne, Seigneur, répondit-elle. Et Jésus lui dit : Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. [11. L'indulgence du Seigneur est immense, mais il exige de la coupable la résolution de ne plus pécher à l'avenir.]
12 Jésus leur parla de nouveau en ces termes : Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. [12-59. Cet entretien dramatique est au plus haut point la révélation de l'Être et des attributs divins de Jésus : lumière divine (12-20) qui vient du Père (21-31), Fils de Dieu (31-47), et enfin, comme Dieu lui-même, Celui qui est (48-59).] 13 Les pharisiens lui dirent donc : Vous vous rendez témoignage à vous-même, votre témoignage n'est pas valable. [13-14. Après la guérison du paralytique, Jésus avait provisoirement renoncé à son propre témoignage : V, 31 : il y fait appel maintenant, et très légitimement : connaissant son origine et sa mission divine, il peut témoigner sur lui-même, à l'instar d'un témoin oculaire.] 14 Jésus leur répondit : Bien que je me rende témoignage à moi-même, mon témoignage est valable, parce que je sais d'où je suis venu et où je vais ; mais vous, vous ne savez pas d'où je viens ni où je vais. 15 Vous, c'est selon la chair que vous jugez ; 16 moi, je ne juge personne, ou si je juge, mon jugement est valable, parce que je ne suis pas seul, ayant avec moi le Père qui m'a envoyé. 17 Or, il est écrit dans votre Loi que le témoignage de deux personnes est valable. [17-18. Le témoignage du Père accompagne toujours celui du Fils, ce qui fait deux témoins, conformément aux exigences de la Loi.] 18 Moi-même je me rends témoignage, et le Père qui m'a envoyé me rend aussi témoignage. 19 Ils lui dirent donc : Où est votre Père ? Jésus répondit : Vous ne connaissez ni moi, ni mon Père ; si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. 20 Telles sont les paroles qu'il prononça près du Trésor, dans le Temple où il enseignait. Et personne ne l'arrêta, car son heure n'était pas encore venue.
21 Il leur dit encore : Je m'en vais et vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché ; là où je vais, vous ne pouvez venir. 22 Sur quoi les Juifs disaient : Est-ce qu'il va se tuer, qu'il dise : Là où je vais, vous ne pouvez venir ? 23 Et il leur disait : Vous, vous êtes d'en bas ; moi, je suis d'en haut. Vous, vous êtes de ce monde ; moi, je ne suis pas de ce monde. 24 Je vous ai donc dit que vous mourrez dans vos péchés. Si en effet vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans vos péchés. [24. Pour n'être pas condamné, il faut croire à ce qu'est Jésus, à tout ce qu'il dit de lui-même.] 25 Ils lui dirent donc : Mais qui êtes-vous ? Jésus leur répondit : Absolument ce que je vous dis. [25. Verset difficile. Jésus est ce qu'il ne cesse de dire depuis le commencement, ce qui ressort de ses paroles et de ses actes.] 26 J'aurais beaucoup à dire et à reprendre sur votre compte. Mais Celui qui m'a envoyé est véridique ; et ce que j'ai appris de lui, je le dis au monde. 27 Ils ne comprirent pas que c'était du Père qu'il leur parlait. 28 Jésus leur dit : Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous reconnaîtrez qui je suis, et que de moi-même je ne fais rien, et que je parle selon ce que m'a enseigné le Père. [28. La Passion du Christ et la glorification qui la suivra manifesteront qui il est.] 29 Et Celui qui m'a envoyé est avec moi ; il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît. [29. Parole qui ouvre un jour admirable sur la vie intérieure de Jésus.] 30 Comme il parlait ainsi, beaucoup crurent en lui.
31 Jésus dit alors aux Juifs qui avaient cru en lui : Si vous demeurez en ma parole, vous serez vraiment mes disciples, 32 vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. 33 Ils lui répondirent : Nous sommes la postérité d'Abraham, et nous n'avons jamais été esclaves de personne. Comment pouvez-vous dire : Vous deviendrez libres ? [33. Ici interviennent sans doute des interlocuteurs différents de ceux qui avaient cru ; on s'expliquerait mal autrement la sévérité du Sauveur.] 34 Jésus leur répondit : En vérité, en vérité je vous le dis, quiconque commet le péché est esclave du péché. 35 Or, l'esclave n'est pas pour toujours dans la maison, mais le fils y est pour toujours. [35. L''esclave risque d'être chassé de la maison, comme autrefois Ismaël de la maison d'Abraham : Genèse XXI, 9-13 ; le fils y reste toujours.] 36 Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres. 37 Je sais bien que vous êtes la postérité d'Abraham ; il n'empêche que vous cherchez à me faire mourir parce que ma parole ne pénètre pas en vous. 38 Je dis ce que j'ai vu auprès de mon Père, et vous, vous faites ce que vous avez appris de votre père. 39 Ils lui répondirent : Notre père, c'est Abraham. Jésus leur dit : Si vous êtes enfants d'Abraham, faites les œuvres d'Abraham. [39-40. L'œuvre par excellence d'Abraham, que les Juifs n'imitent pas, est sa foi dans les promesses divines. Voir Romains IV.] 40 Or, vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité que j'ai apprise de Dieu. Cela, Abraham ne l'eût pas fait ! 41 Vous faites les œuvres de votre père. Ils lui dirent : Nous ne sommes pas nés de l'adultère ; nous n'avons qu'un père, Dieu. 42 Jésus leur dit : Si Dieu était votre père, vous m'aimeriez, car c'est de Dieu que je suis sorti et que je viens. Non, je ne suis pas venu de moi-même, mais c'est lui qui m'a envoyé. 43 Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? Parce que vous ne pouvez pas admettre ma parole. 44 Le père dont vous êtes issus, c'est le diable, et vous voulez réaliser les désirs de votre père. Il a été homicide dès le commencement, et il ne s'est pas tenu dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, c'est de son propre fonds qu'il parle, parce qu'il est menteur et le père du mensonge. [44-45. Le démon a été homicide dès l'origine ; c'est par un mensonge qu'il a fait tomber le premier homme, et la mort est entrée dans le monde avec le péché : Romains V, 12.] 45 Mais moi, parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas. 46 Qui de vous peut me convaincre de péché ? Si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ? 47 Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; voilà pourquoi vous n'écoutez pas, parce que vous n'êtes pas de Dieu.
48 Les Juifs lui répondirent : N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et que tu es possédé du démon ? 49 Jésus répondit : Je ne suis pas possédé du démon, mais j'honore mon Père, et vous, vous m'insultez. 50 Pour moi, je ne cherche pas ma gloire ; un autre la cherche et fera justice. 51 En vérité, en vérité je vous le dis, si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort. [51. La mort corporelle ne peut porter atteinte à la vie véritable qui est celle de l'âme régénérée par la grâce.] 52 Les Juifs lui dirent : Maintenant nous voyons bien que tu es possédé du démon. Abraham est mort, les prophètes aussi, et toi tu dis : Si quelqu'un garde ma parole, il ne goûtera jamais la mort. 53 Es-tu donc plus grand que notre père Abraham, qui est mort ? Et les prophètes aussi sont morts ! Qui donc prétends-tu être ? 54 Jésus répondit : Si je me glorifie moi-même, ma gloire est sans valeur ; c'est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites qu'il est votre Dieu ; 55 et vous ne le connaissez pas, mais moi, je le connais. Et si je disais que je ne le connais pas, je serais, comme vous, un menteur. Mais je le connais et je garde sa parole. 56 Abraham, votre père, a tressailli de joie dans l'espérance de voir mon jour ; il l'a vu et il s'est réjoui. [56. Abraham a contemplé d'une certaine manière le jour du Christ en recevant les annonces réitérées des promesses messianiques : Genèse XII, 3 ; XVII, 1-8 ; XXII, 16-18.] 57 Sur quoi les Juifs lui dirent : Tu n'as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham ? [57. Les interlocuteurs du Christ font bonne mesure ; il n'y a ici aucune indication sur son âge.] 58 Jésus leur répondit : En vérité, en vérité je vous le dis, avant qu'Abraham vint à l'existence, moi je suis. [58-59. Jésus affirme qu'il préexiste à Abraham, et qu'il est, d'une manière absolue et sans limitation aucune. Les Juifs ne se méprennent pas sur la portée de cette parole et veulent le lapider immédiatement comme blasphémateur.] 59 Alors ils prirent des pierres pour les jeter sur lui. Mais Jésus se déroba et sortit du Temple.