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Bible de Jérusalem – 2 Maccabées 9

Fin d’Antiochus Épiphane.

9 Vers ce temps-là, Antiochus était piteusement revenu des régions de la Perse. 2 En effet, une fois entré dans la ville qu’on appelle Persépolis, il s’était mis en devoir d’en piller le templex et d’opprimer la ville. Aussi la foule, se soulevant, recourut-elle aux armes, et il arriva qu’Antiochus, mis en fuite par les habitants du pays, dut opérer une retraite humiliante.

x Le temple en question se trouvait en réalité en Élymaïde, au nord de Persépolis, 1 M 6.3, mais Jason ou l’abréviateur aura préféré situer ce fait dans une ville connue de tous.

3 Comme il se trouvait vers Ecbatane,y il apprit ce qui était arrivé à Nikanor et aux gens de Timothée.

y L’actuelle Hamadan, à 700 km au nord-est de Persépolis. En fait, Épiphane mourut à Tabae, à mi-chemin entre ces deux villes.

4 Transporté de fureur, il pensait faire payer aux Juifs l’injure de ceux qui l’avaient mis en fuite et, pour ce motif, il ordonna au conducteur de pousser son char sans s’arrêter jusqu’au terme du voyage. Mais déjà il était accompagné par la sentence du Ciel. Il avait dit en effet, dans son orgueil : « Arrivé à Jérusalem, je ferai de cette ville la fosse commune des Juifs. »

5 Mais le Seigneur qui voit tout, le Dieu d’Israël, le frappa d’une plaie incurable et invincible.
À peine avait-il achevé sa phrase qu’une douleur d’entrailles sans remède le saisit et que des souffrances aiguës le torturaient au-dedans, 6 ce qui était pleine justice, puisqu’il avait infligé aux entrailles des autres des tourments nombreux et étranges. 7 Il ne rabattait pourtant rien de son arrogance ; toujours rempli d’orgueil, il exhalait contre les Juifs le feu de sa colère et commandait d’accélérer la marche, quand il tomba soudain du char qui roulait avec fracas, le corps entraîné dans une chute malheureuse, et tous les membres tordus. 8 Lui qui tout à l’heure croyait, dans sa jactance surhumaine, commander aux flots de la mer, lui qui s’imaginait peser dans la balance la hauteur des montagnes, se voyait gisant à terre, puis transporté dans une litière, faisant éclater aux yeux de tous la puissance de Dieu, 9 à telle enseigne que les yeux de l’impie fourmillaient de vers et que, lui vivant, ses chairs se détachaient par lambeaux avec d’atroces douleurs,z enfin que la puanteur de cette pourriture soulevait le cœur de toute l’armée.

z « les yeux » Vet. Lat., arm. ; « le corps » grec (sauf 1 Ms « les yeux du corps »). — On ignore la nature du mal qui emporta Antiochus. La description relève d’un genre littéraire propre à la mort des tyrans, cf. Jdt 16.17 ; Isa 14.11 ; Ac 12.23. Même genre de description de la mort d’Hérode le Grand dans les Antiquités Judaïques de Josèphe. Le parallèle de 1 M 6.9 est beaucoup plus sobre.

10 Celui qui naguère semblait toucher aux astres du ciel, personne maintenant ne pouvait l’escorter à cause de l’incommodité intolérable de cette odeur.

11 Là donc, il commença, tout brisé, à dépouiller cet excès d’orgueil et à prendre conscience des réalités sous le fouet divin, torturé par des crises douloureuses. 12 Comme lui-même ne pouvait supporter son infection, il avoua : « Il est juste de se soumettre à Dieu, et, simple mortel, de ne pas penser à s’égaler à la divinité. »a

a « ne pas s’égaler à la divinité » mss et versions ; « ne pas avoir de pensées orgueilleuses » une partie du grec ; grec luc. combine les deux. — L’expression grecque qualifie les honneurs divins que recevaient les rois et les hommes illustres. Cf. l’expression semblable de Ph 2.6 appliquée au Christ.

13 Mais les prières de cet être abject allaient vers un Maître qui ne devait plus avoir pitié de lui : 14 il promettait de déclarer libre la ville sainte que naguère il gagnait en toute hâte pour la raser et la transformer en fosse commune, 15 de faire de tous les Juifs les égaux des Athéniens, eux qu’il jugeait indignes de la sépulture et bons à servir de pâture aux oiseaux de proie ou à être jetés aux bêtes avec leurs enfants, 16 d’orner des plus belles offrandes le saint Temple qu’il avait jadis dépouillé, de lui rendre au double tous les vases sacrés et de subvenir de ses propres revenus aux frais des sacrifices,

17 et finalement de devenir lui-même juif et de parcourir tous les lieux habités pour y proclamer la toute-puissance de Dieu.

Lettre d’Antiochus aux Juifs.

18 Comme ses souffrances ne se calmaient d’aucune façon, car le jugement équitable de Dieu pesait sur lui, et qu’il voyait son état désespéré, il écrivit aux Juifs la lettre transcrite ci-dessous, sous forme de supplique. Elle était ainsi libellée :

19 « Aux excellents Juifs, aux citoyens, Antiochus roi et stratège :b salut, santé et bonheur parfaits !

b Le terme désigne la magistrature suprême d’une ville, ici Antioche, la capitale, dont Antiochus s’était déjà fait nommer édile et tribun. — La lettre devait s’adresser aux « excellents citoyens » d’Antioche, et la mention des Juifs doit être une glose de Jason de Cyrène.

20 Si vous vous portez bien ainsi que vos enfants, et que vos affaires aillent suivant vos désirs, nous en rendons de très grandes actions de grâces.c

c À la fin du v., le grec ajoute « faisant confiance au ciel ».

21 Pour moi, je suis étendu sans force sur un lit et je garde un affectueux souvenir de vous.d
« À mon retour des régions de la Perse, atteint d’un mal fâcheux, j’estimai nécessaire de veiller à la sûreté de tous.

d « de vous » 1 Ms grec, lat., arm. ; « de vos marques de respect et de vos bons sentiments » grec.

22 Ce n’est pas que je désespère de mon état, ayant au contraire le ferme espoir d’échapper à cette maladie. 23 Mais, considérant que mon père, chaque fois qu’il portait les armese dans les pays d’en haut, désignait son futur successeur,

e « porta les armes » estrateusen conj. d’après lat. ; « campa » estratopedeusen grec.

24 afin que, en cas d’un événement inattendu ou d’un bruit fâcheux, ceux qui étaient dans les provinces n’en pussent être troublés, sachant à qui il avait laissé la direction des affaires,

25 après avoir songé en outre que les souverains proches de nous et les voisins de notre royaume épient les circonstances et attendent les éventualités, j’ai désigné comme roi mon fils Antiochus, que plus d’une fois, lorsque je parcourais les satrapies d’en haut, j’ai confié et recommandé à la plupart d’entre vous. Je lui ai écrit d’ailleurs la lettre transcrite ci-dessous.f

f L’auteur n’a pas reproduit cette seconde lettre, à laquelle il n’avait sans doute pas accès.

26 Je vous prie donc et vous conjure, vous souvenant des bienfaits que vous avez reçus de moi en public et en particulier, de conserver chacun, pour mon fils également, les dispositions favorables que vous éprouvez pour moi. 27 Je suis en effet persuadé que, plein de douceur et d’humanité, il suivra scrupuleusement mes intentions et s’entendra bien avec vous. »

28 Ainsi ce meurtrier, ce blasphémateur, en proie aux pires souffrances, semblables à celles qu’il avait fait endurer aux autres, eut le sort lamentable de perdre la vie loin de son pays, en pleine montagne.g

g Le ton violent de l’abréviateur contraste avec celui de la lettre, tout à fait conforme au style protocolaire hellénistique.

29 Philippe, son familier, ramena son corps, mais, craignant le fils d’Antiochus, il se retira en Égypte auprès de Ptolémée Philométor.h

h Détail difficile à concilier avec 1 M 6.55 et 63. Sans doute Philippe sera-t-il resté en Égypte jusqu’à la fin de 163, cf. 13.23.

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