9 J'ai étudié attentivement toutes ces choses dans mon cœur, pour en avoir l'intelligence. Il y a des justes et des sages, et leurs œuvres sont dans la main de Dieu ; et cependant l'homme ne sait s'il est digne d'amour ou de haine*.
Nul ne sait d'une certitude absolue s'il est en grâce auprès de Dieu et digne de la béatitude éternelle, cette connaissance ne pouvant être donnée à l'homme que par une révélation spéciale. C'est pourquoi l'Apôtre dit aussi : « Ma conscience ne me reproche rien, mais je ne suis pas pour cela justifié ; car c'est Dieu qui me juge. » (I Cor., IV, 4.) C'est pourquoi nous devons opérer notre salut avec espérance, mais aussi avec crainte et tremblement.
2 Mais toutes choses sont incertaines et réservées pour l'avenir, parce que tout arrive également au juste et à l'impie, au bon et au méchant, au pur et à l'impur, à celui qui immole des victimes et à celui qui méprise les sacrifices. L'innocent est traité comme le pécheur, et le parjure comme celui qui respecte les serments.
3 C'est ce qu'il y a de plus affligeant dans tout ce qui se passe sous le soleil, que les mêmes choses arrivent à tous. De là vient que les cœurs des enfants des hommes sont remplis de malice et de mépris pendant leur vie ; et, après cela, ils seront conduits dans les enfers.
4 Il n'y a personne qui vive toujours, et qui en ait même l'espérance ; un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort.
5 Car les vivants savent qu'ils mourront ; mais les morts ne connaissent plus rien, et il ne leur reste plus de récompense*, parce que leur mémoire est livrée à l'oubli.
De récompense à mériter, car le temps des mérites est fini pour eux.
6 L'amour, et la haine, et l'envie, ont péri avec eux, et ils ne prennent aucune part à ce siècle, et à tout ce qui se fait sous le soleil.
7 Allez donc, et mangez votre pain dans la joie, et buvez votre vin dans l'allégresse, parce que vos œuvres sont agréables à Dieu*.
Dieu a béni votre travail et vous permet d'en jouir, par opposition à l'abstinence de l'avare, qui n'ose user de ses biens.
8 Que vos vêtements soient blancs* en tout temps, et que l'huile qui parfume votre tête ne manque point.
Comme symbole de la joie pure et innocente.
9 Jouissez de la vie avec l'épouse que vous aimez, durant les jours de votre vie passagère, qui vous ont été donnés sous le soleil pendant tout le temps de votre vanité ; car c'est là votre partage dans la vie et dans le travail qui vous exerce sous le soleil.
10 Tout ce que votre main peut faire, faites-le promptement, parce qu'il n'y aura plus ni œuvre, ni raison, ni sagesse, ni science dans le tombeau où vous courez.
11 J'ai tourné mes pensées ailleurs, et j'ai vu que sous le soleil le prix de la course n'est pas aux plus agiles, la victoire aux plus vaillants, le pain aux plus sages, les richesses aux plus savants, la faveur aux plus habiles ; mais en toutes choses le temps et le hasard font tout*.
A l'extérieur, et comme cela paraît au commun des hommes, qui ne pénètrent pas les secrets de la Providence, et à qui la conduite de Dieu est inconnue.
12 L'homme ignore quelle sera sa fin ; et comme les poissons sont pris à l'hameçon, les oiseaux au filet, ainsi les hommes se trouvent surpris par l'adversité, lorsque tout à coup elle fond sur eux.
13 Voici encore ce que j'ai vu sous le soleil, et ce que j'ai estimé comme une très-grande sagesse :
14 Une petite ville, où il y avait peu d'hommes ; un grand roi est venu contre elle, l'a investie, a bâti des forts autour, et l'a assiégée de toutes parts.
15 Et il s'est trouvé dans cette ville un homme pauvre et sage, et il l'a délivrée par sa sagesse ; et nul ensuite ne s'est ressouvenu de cet homme pauvre.
16 Et moi, je disais que la sagesse vaut mieux que la force. Comment donc la sagesse du pauvre a-t-elle été méprisée, et ses paroles n'ont-elles pas été écoutées ?
17 Les paroles du sage sont mieux entendues dans le silence, que la clameur du prince parmi les insensés.
18 La sagesse vaut mieux que les armes des guerriers, et celui qui pèche en une chose perdra de grands biens.