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Amiot-Tamisier – 1 Pierre 1

PREMIÈRE ÉPÎTRE DE SAINT PIERRE

La première épître de saint Pierre a été utilisée de très bonne heure dans l'Église ; saint Clément de Rome, saint Polycarpe, le Pasteur d'Hermas s'en inspirent visiblement. L'attribution au chef des apôtres ressort de la seconde épître (III, 1) et des affirmations très nettes de saint Irénée, Clément d'Alexandrie, Tertullien, etc. Eusèbe, au IVe siècle, déclare que l'épître est incontestée. Les réminiscences évangéliques, les ressemblances avec les discours de Pierre dans les Actes, la simplicité d'âme, l'humilité, l'ardent amour du Christ qui s'y révèlent apportent à la tradition une confirmation qui n'est pas négligeable. L'élégance relative de la langue semble à certains faire difficulté ; il ne faudrait pourtant pas exagérer à plaisir la prétendue médiocrité intellectuelle de Pierre ; il devait connaître le grec, couramment parlé en Galilée ; d'ailleurs il affirme qu'il a eu recours aux bons offices de Silvain (V, 12), jadis disciple de saint Paul (Actes, XV, 22 ; II Corinthiens I, 19) à qui on peut attribuer avec probabilité la rédaction. La présence à Rome avec Silvain de l'évangéliste saint Marc, devenu disciple de Pierre après l'avoir été de Paul, expliquent sans doute les réminiscences pauliniennes qui se remarquent dans l'épître, sans parler de la diffusion des enseignements du Docteur des Gentils dans les Églises où il avait prêché l'Évangile et particulièrement à Rome. ♦ C'est dans la capitale de l'empire qu'à été écrite la première épître de saint Pierre ; le nom de Babylone (V, 13) est un symbole transparent (comparer Apocalypse XIV, 8 ; XVII 5 ; XVIII 2) ; elle est adressée aux communautés d'Asie Mineure, composées surtout, mais non exclusivement, de chrétiens d'origine païenne. Ils ont à souffrir de la part, tant des païens que des Juifs (I, 6 ; IV, 12, etc.) ; ils ont besoin d'être encouragés et invités à ne pas retomber dans les désordres où ils vivaient avant leur conversion : II, 11-12 ; IV, 2 suiv. Cependant la persécution proprement dite n'est pas en vue, ainsi qu'il ressort de la manière dont l'épître parle de l'autorité civile : II, 13-15. Il faut donc la placer avant l'incendie de Rome (juillet 64) et la persécution de Néron. Comme d'autre part l'influence des lettres aux Romains et aux Éphésiens n'est pas douteuse, la date la plus probable est 63 ou 64. ♦ La première captivité de saint Paul avait alors pris fin ; l'apôtre voyageait en Orient ou peut-être en Espagne ; c'est ce qui expliquerait qu'il n'ait pas écrit lui-même à ces Églises d'Asie Mineure dont il était le fondateur. L'allure générale de l'épître est d'une grande noblesse, dans sa simplicité. Il en émane un parfum évangélique qui a été remarqué depuis longtemps.

ADRESSE ♦ LA RÉGÉNÉRATION DU CHRÉTIEN ET L'HÉRITAGE CÉLESTE ♦ EXHORTATION À LA SAINTETÉ

1 Pierre, apôtre de Jésus-Christ, aux élus qui séjournent en étrangers dans la Dispersion, dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie, [1. L'Épître est adressée aux chrétiens d'Asie Mineure dispersés parmi les païens ; le terme d'Asie désigne la province romaine de ce nom.] 2 [élus] selon la prescience de Dieu le Père, sanctifiés par l'Esprit, pour obéir à Jésus-Christ et avoir part à l'aspersion de son sang ; que la grâce et la paix vous soient données en abondance. [2. Les chrétiens sont des élus, c'est-à-dire qu'ils ont été l'objet d'un choix spécial de Dieu. Comparer Romains VIII, 33 ; Colossiens III, 12. Le premier principe du choix des chrétiens et de leur appel à la foi est l'éternelle prescience de Dieu le Père ; comparer Romains VIII, 29 ; Éphésiens I, 4 suiv. L'effet de cet appel a été leur sanctification, due au don de l'Esprit divin, dont la présence et l'action rendent possible l'obéissance au Christ et à sa Loi, et appliquent à l'âme croyante les fruits de son sacrifice ; la grâce est donc à la fois prévenante et concomitante par rapport à l'activité humaine.]

3 Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, dans sa grande miséricorde nous a fait renaître pour une espérance de vie par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, [3-5. Action de grâces qui rappelle le début de l'Épître aux Éphésiens. La miséricorde du Père a fait naître les chrétiens à une vie nouvelle (comparer Jean III, 3-5), en les unissant au Christ ressuscité ; et ainsi a été déposée dans leurs cœurs l'espérance de la vie glorieuse et de l'héritage céleste ; la puissance divine les protège pour qu'ils gardent une foi inébranlable et parviennent au salut éternel et définitif qui se manifestera au dernier jour.] 4 pour un héritage incorruptible, sans souillure et inflétrissable qui vous est réservé dans les cieux, 5 à vous que la puissance divine garde par la foi, pour le salut qui est prêt à se manifester dans les derniers temps.

6 C'est ce qui vous fait tressaillir de joie, même s'il vous faut pendant quelque temps être affligés par diverses épreuves, [6-8. Dans cette perspective, les épreuves doivent faire tressaillir de joie (comparer Matthieu V, 11-12) et affermir la foi, car elles préparent une récompense d'autant plus haute et un salut d'autant plus assuré que la foi, ayant pour objet le Christ glorifié en qui l'on croit et que l'on aime sans le voir, apparaît plus méritoire.] 7 afin que le caractère éprouvé de votre foi — bien plus précieuse que l'or périssable qu'on affine cependant par le feu — tourne à votre louange, à votre gloire et à votre honneur, lors de la Manifestation de Jésus-Christ, 8 que vous aimez sans l'avoir vu et en qui, croyant sans le voir encore, vous tressaillez d'une joie ineffable et glorieuse, 9 assurés d'obtenir le prix de votre foi, le salut de vos âmes.

10 C'est ce salut qui a été l'objet des recherches et des méditations des prophètes, quand il sont annoncé la grâce qui vous était destinée, [10-12. C'est ce salut qu'ont scruté et annoncé autrefois les Prophètes sous l'action de l'Esprit du Christ, qui est supposé ici préexistant comme dans I Corinthiens X, 4-9 (comparer Actes II, 23-36 ; III, 18, où saint Pierre cite quelques-unes de leurs prédictions, et Luc XXIV, 25-27 ; 44-47). Le même Esprit, envoyé par le Christ, a maintenant révélé au monde le mystère du salut dont les chrétiens sont les bénéficiaires et qui émerveille les anges eux-mêmes ; comparer Éphésiens III, 10.] 11 s'efforçant de découvrir l'époque et le moment indiqués par l'Esprit du Christ qui était en eux et annonçait d'avance les souffrances réservées au Christ et la gloire qui devait les suivre. 12 Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes mais pour vous qu'ils préparaient ce qui vous a été aujourd'hui annoncé par ceux qui vous ont évangélisés sous l'action du Saint-Esprit envoyé du ciel, [mystères] sur lesquels les anges désirent plonger leurs regards.

13 C'est pourquoi, ayant ceint vos reins spirituellement, soyez vigilants et ayez une entière espérance en la grâce qui vous sera apportée lors de la Manifestation de Jésus-Christ. 14 En enfants obéissants, ne vous laissez plus entraîner par les convoitises [qui vous dominaient] autrefois dans votre ignorance, 15 mais à l'imitation du Saint qui vous a appelés, soyez saints vous-mêmes dans toute votre conduite, car il est écrit : 16 Vous serez saints parce que je suis saint. [16. Citation de Lévitique XI, 44.] 17 Et si vous invoquez comme Père celui qui, sans acception de personnes, juge chacun selon ses œuvres, vivez dans la crainte durant le temps de votre pèlerinage [terrestre], 18 sachant que ce n'est pas par des choses périssables, argent ou or, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre héritée de vos pères, 19 mais par le sang précieux du Christ, cet Agneau sans défaut et sans tache, [19. Prix infini du sang de Jésus, l'Agneau sans tache qui remplace les victimes de l'ancienne Loi. Comparer II, 22-23 ; Jean I, 29, 36 ; Apocalypse XIV, 5.] 20 prédestiné dès avant la création du monde et manifesté pour vous à la fin des temps. 21 Par lui vous croyez en Dieu qui l'a ressuscité des morts et l'a glorifié, de sorte que Dieu est tout ensemble l'objet de votre foi et de votre espérance.

22 Vous avez purifié vos âmes en obéissant à la vérité pour pratiquer une charité fraternelle exempte d'hypocrisie ; aimez-vous donc ardemment les uns les autres et du fond du cœur, 23 régénérés que vous êtes, non d'un germe corruptible, mais d'un germe incorruptible, grâce à la Parole de Dieu, vivante et éternelle. [23. La semence incorruptible qui régénère le chrétien lui est communiquée par le moyen de la Parole de Dieu, l'Évangile vivifiant dont l'efficacité est éternelle. Comparer Jacques I, 18.] 24 Car :

Toute chair est comme l'herbe et tout son éclat comme la fleur de l'herbe. L'herbe sèche et sa fleur tombe, [24. Citation d'Isaie XL, 6-8, d'après les Septante.] 25 mais la Parole du Seigneur demeure éternellement.

Et c'est précisément cette parole qui vous a été annoncée.

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