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Amiot-Tamisier – Daniel 1

LE LIVRE DE DANIEL

De sa vie on connaît peu de chose. D'une famille noble de Juda, il fut déporté tout jeune vers 605, et élevé à la cour babylonienne. Entré au service du monarque, son explication d'un songe extraordinaire lui valut de devenir l'un des conseillers de Nabuchodonosor, et d'occuper, sous ce prince et ses successeurs, les plus hautes situations. La dernière intervention qui lui soit attribuée date de 536, troisième année du règne de Cyrus. ♦ Si le personnage est peu connu, son livre fait l'objet d'études nombreuses, car il pose des problèmes dont on ignore encore la solution définitive. Tout d'abord, il nous est parvenu en trois langues : les deux derniers chapitres, ainsi que III, 24-90, sont en grec, traduit probablement de l'hébreu ou de l'araméen ; II, 4 – VII sont en araméen; le reste est en hébreu tardif qui évoque celui des Paralipomènes. ♦ Trois parties s'y distinguent nettement : des récits historiques (I – VI, sauf l'addition en grec : III, 24-90) ; des visions apocalyptiques (VII – XII) ; deux appendices ajoutés sans doute postérieurement, l'histoire de Suzanne (XIII), Bel et le dragon (XIV) : saint Jérôme déjà, dans son introduction au commentaire de Daniel, ne les considérait pas comme strictement historiques. ♦ Notre ouvrage ne rapporte de Daniel aucun oracle comparable à ceux qu'adressaient les prophètes aux peuples prévaricateurs ; d'ailleurs la Bible hébraïque ne le range pas parmi les Prophètes. On y relève plusieurs confusions historiques : l'histoire connaît la folie de Nabonide, non celle de Nabuchodonosor (IV) ; Baltasar était fils de Nabonide, non de Nabuchodonosor ; Darius le Mède est inconnu ; sans doute s'agit-il de Darius Ier, qui fut le deuxième successeur de Cyrus sur le trône babylonien et ne l'y précéda point (VI). Par contre, l'auteur a une connaissance très circonstanciée, jusqu'à la précision des dates, des temps machabéens ; la fin du monde, qui fait sa préoccupation principale, s'annonce par la persécution des Juifs sous Antiochus Épiphane (voir Introduction à I Machabées). Les récits historiques abondent en miracles extraordinaires. Il faut noter enfin que les deux livres de l'Ecclésiaste et de l'Ecclésiastique, qui se posent le problème du bonheur et de la rétribution, ignorent tout à fait la solution lumineuse qu'en donne Daniel en XII, 1-3. ♦ Tous ces faits posent dans son acuité le problème de la composition : quelles sont les origines de ce livre ? Les réponses sont des plus variées. Il faut admettre au moins qu'on se trouve en présence du remaniement d'un texte ancien, qui ne prit sa forme définitive qu'au temps des Machabées. Cela d'ailleurs respecte l'inspiration, Dieu pouvant favoriser de ce charisme plusieurs écrivains concourant à la réalisation d'un même ouvrage, aussi bien qu'un seul : fait reconnu pour d'autres livres de la Bible. ♦ Le livre de Daniel enfin garde toute sa valeur doctrinale. C'est « la première et la plus parfaite des apocalypses juives » (Lagrange, dans Revue Biblique, 1904, page 494). Effectivement, l'auteur est tourné vers l'avenir ; le thème général, qui fait l'unité des différents chapitres, est l'établissement final du règne de Dieu. Le Fils de l'homme, Messie tout spirituel, recevra le gouvernement de l'empire des saints, qui durera à jamais (VII, 13-14) ; après le triomphe de Dieu sur les rois et les empires, à la fin des temps, aura lieu la résurrection des morts (XII, 2-3), suivie de la sanction éternelle, décrétée en présence des saints et des anges (parmi lesquels sont nommés Michel et Gabriel). C'est donc un livre d'espérance et de foi ; c'est aussi un sommet spirituel de l'Ancien Testament, qui annonce l'Évangile non moins que l'Apocalypse.

DANIEL, ANANIAS, MISAËL ET AZARIAS CHOISIS POUR SERVIR À LA COUR DE NABUCHODONOSOR ♦ DIEU LES REMPLIT DE LUMIÈRES À LA SUITE DE LEUR FIDÉLITÉ AUX OBSERVANCES ALIMENTAIRES D'ISRAËL

MICHEL-ANGE — Daniel

1 La troisième année du règne de Joakim, roi de Juda, Nabuchodonosor, roi de Babylone, vint mettre le siège devant la ville de Jérusalem. 2 Et le Seigneur livra entre ses mains Joakim, roi de Juda, et une partie des vases de la maison de Dieu, qu'il emporta au pays de Sennaar, en la maison de son dieu, et il mit les vases en la maison du trésor de son dieu. 3 Alors le roi dit à Asphénez, chef des eunuques, qu'il prît d'entre les enfants d'Israël, et de la race des rois et des princes, de jeunes hommes 4 n'ayant aucun défaut, bien faits, instruits dans tout ce qui regarde la sagesse, habiles dans les sciences et dans les arts ; afin qu'ils demeurent dans le palais du roi, et qu'il leur apprenne à écrire et à parler la langue des Chaldéens. 5 Et le roi ordonna qu'on leur servit chaque jour des viandes qu'on servait devant lui, et du vin dont il buvait lui-même ; afin qu'ayant été nourris de cette sorte pendant trois ans, ils pussent ensuite paraître et demeurer en la présence du roi.

6 Entre ces jeunes gens, il s'en trouva quatre qui étaient des enfants de Juda, Daniel, Ananias, Misaël et Azarias. 7 Et le chef des eunuques leur donna des noms, appelant Daniel Baltasar, Ananias Sidrach, Misaël Misach, et Azarias Abdénago. 8 Or, Daniel prit la ferme résolution dans son cœur de ne se point souiller en mangeant de ce qui venait de la table du roi, et en buvant du vin dont il buvait ; et il pria le chef des eunuques de lui permettre de ne point manger de ces viandes qui l'auraient rendu impur. 9 Dieu fit en même temps que Daniel se concilia les bonnes grâces et la bienveillance du chef des eunuques. 10 Alors le chef des eunuques dit à Daniel : Je crains le roi, mon seigneur, qui a ordonné qu'on vous servit des viandes et du vin de sa table ; car s'il voit vos visages plus maigres que ceux des autres jeunes hommes de votre âge, vous serez cause que le roi me fera perdre la tête. 11 Alors Daniel dit au gardien, à qui le chef des eunuques avait ordonné de prendre soin de Daniel, d'Ananias, de Misaël et d'Azarias : 12 Éprouvez, je vous prie, vos serviteurs pendant dix jours, et qu'on ne nous donne que des légumes à manger, et que de l'eau à boire ; 13 et après cela, regardez nos visages et les visages des jeunes hommes qui mangent des viandes du roi, et vous traiterez vos serviteurs selon ce que vous aurez vu vous-même. 14 Ayant entendu ces paroles, il les éprouva pendant dix jours. 15 Et après les dix jours, leur visage parut meilleur et dans un embonpoint tout autre que celui de tous les jeunes hommes qui mangeaient des viandes du roi.

16 Le gardien prenait donc les viandes et le vin qu'on leur donnait pour boire, et leur donnait des légumes. 17 Or, Dieu donna à ces jeunes hommes la science et la connaissance de toute écriture et de toute la sagesse, et il communiqua en particulier à Daniel l'intelligence de toutes les visions et de tous les songes. 18 Le temps étant donc passé, après lequel le roi avait commandé que l'on fit paraître ces jeunes hommes devant lui, le chef des eunuques les présenta devant Nabuchodonosor. 19 Et le roi s'étant entretenu avec eux, il trouva que parmi tous les autres jeunes hommes il n'y en avait point qui égalassent Daniel, Ananias, Misaël et Azarias, et ils furent admis au service personnel du roi. 20 Quelque question que le roi leur fît touchant la sagesse et l'intelligence des choses, il trouva en eux dix fois davantage de lumière qu'il n'en avait trouvé dans tous les devins et les mages qui étaient dans tout son royaume. 21 Or, Daniel vécut ainsi jusqu'à la première année du roi Cyrus.

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